Vivre le confinement dans un centre de traitement des dépendances

Vivre le confinement dans un centre de traitement des dépendances
Le pavillon de l’Assuétude est situé à Saint-Guillaume.  (Photo : d'archives Ghyslain Bergeron)

THÉRAPIE. Quand les résidents du pavillon de l’Assuétude, un centre de traitement des dépendances, ont appris qu’ils ne pourraient plus voir leurs proches, la nouvelle n’a pas fait l’unanimité. Certains ont préféré mettre fin à leur thérapie, plutôt que vivre davantage de solitude.  

Outre les moments où il va à l’extérieur pour fumer une cigarette, les sorties se font rares pour Jean-François (nom fictif) en ce temps de pandémie. Cela fait maintenant treize semaines qu’il suit une thérapie à ce centre de traitement des dépendances situé à Saint-Guillaume.

Lorsque l’administration a fait savoir à sa vingtaine de résidents qu’ils ne pouvaient plus sortir les week-ends à cause des risques de contamination au coronavirus, les réactions ont été partagées.

«Quand ils entrent en thérapie, les résidents ont droit à des sorties les fins de semaine. C’est sûr que la nouvelle n’a pas été la plus populaire», soutient Marie-Claude Daneau-Pelletier, coordonnatrice des services cliniques.

Jean-François a plutôt bien accueilli les mesures de sécurité mises en place: «J’ai appelé mes parents et ma famille pour m’assurer que tout le monde était en santé. J’ai pu me refocuser sur ma thérapie. Et j’ai des nouvelles de mes proches, car je peux leur parler souvent au téléphone».

Toutefois, d’autres résidents n’ont pas réagi ainsi. D’ailleurs, trois personnes ont décidé de quitter le centre et de mettre fin à leur thérapie plus tôt que prévu.

«Les résidents ont vécu beaucoup d’anxiété, car ils ne peuvent plus voir leur conjoint ou leurs enfants. Avant la crise, il y avait aussi des visites permises deux fois par semaine. Les gens sont vraiment isolés de leur famille physiquement. On fait des efforts pour allonger le temps de téléphone et on a mis sur pied les appels par Skype», fait savoir Claudel Brouillette, coordonnatrice des services d’hébergement.

«Pour certains, ne pas pouvoir sortir, ça les affecte beaucoup. Il y en a qui ont des comportements qu’ils sont venus travailler et qui ressortent», rapporte Jean-François, qui fait une thérapie pour combattre sa dépendance à l’alcool et afin d’apprendre à gérer ses émotions.

Ce dernier a tout de même poursuivi son parcours au pavillon de l’Assuétude. «Moi, quand je m’embarque dans un projet, je le fais jusqu’au bout», lance celui qui termine sa thérapie ce vendredi.

Depuis que la pandémie a bouleversé la société, il n’a pas eu l’occasion d’observer les changements qui se sont mis en branle. Malgré tout, il a une vision optimiste. «Je reste confiant, car j’ai eu le temps de travailler sur moi ici. En partant, je vais dans une maison de transition et je vais pouvoir continuer mes suivis par téléphone», raconte-t-il.

En temps normal, lorsqu’un résident quitte le centre, il repart avec un «plan de sortie», qui peut consister à suivre un cours à l’école, reprendre l’entraînement physique ou encore trouver un emploi, par exemple.

«Tout ça s’est fermé. Souvent, la consommation vient avec l’ennui. Pour prévenir les rechutes, on travaille avec les personnes hébergées sur le développement de loisirs. On essaie d’outiller les personnes qui quittent à faire face au confinement en développant des loisirs qu’ils pourront pratiquer malgré la pandémie», explique Claudel Brouillette.

Accueillir de nouveaux résidents, un dossier complexe

Le pavillon de l’Assuétude n’admet pas de nouveaux résidents depuis le début des mesures de confinement.

«C’est notre cheval de bataille en ce moment. Comme on ne veut pas prendre le risque de faire entrer le virus dans le centre, on accepte pas d’admission à l’exception des gens qui arrivent de la détention, car ils sont en mesure de faire un 14 jours d’isolement avant d’intégrer la population générale. Mais les détenus ne sont pas une grande partie de notre clientèle», explique Marie-Claude Daneau-Pelletier.

Toutefois, ce n’est pas la demande qui manque à ce centre de thérapie.

«On veut offrir des services. On a une liste d’attente qui continue d’augmenter, indique-t-elle en précisant qu’elle travaille d’arrache-pied pour trouver une solution avec le CIUSSS de la Mauricie-et-Centre-du-Québec afin de pouvoir recevoir des nouveaux résidents. Actuellement, il n’y a pas de solutions décidées avec le CIUSSS. C’est très long, on a peu de retours de leur part, mais on y travaille activement».

Par exemple, cette dernière a proposé au CIUSSS que les nouveaux résidents fassent une quarantaine dans un hôtel avant d’entrer au pavillon de l’Assuétude.

«Il n’y aura pas d’après COVID. Bien que la crise passera, le virus va continuer d’exister pendant un moment dans la société, donc on veut trouver une solution qui fonctionne à long terme. On a beau discuter avec le CIUSSS, on n’a pas encore réussi à attacher quelque chose», souligne-t-elle.

D’ailleurs, en n’admettant pas de nouveaux résidents, Claudel Brouillette et Marie-Claude Daneau-Pelletier s’inquiètent pour les personnes vivant avec une dépendance.

«C’est documenté, surtout en ce qui concerne la consommation d’alcool. En temps de crise, les gens consomment plus et la solitude peut mener à une plus grande consommation. Quand les mesures de confinement vont diminuer, on s’attend à avoir plus de demandes. C’est pour cette raison qu’on cherche à accueillir, le plus rapidement possible, de nouveaux résidents», conclut Claudel Brouillette.

Partager cet article