Des producteurs obligés «d’ouvrir la valve et de jeter du lait» 

Des producteurs obligés «d’ouvrir la valve et de jeter du lait» 
(Photo : Archives)

LAIT. La crise du coronavirus a complètement désorganisé le marché laitier dans les dernières semaines. Des producteurs du Centre-du-Québec, comme partout dans la province, ont dû jeter des quantités de lait. 

Jean-François Janel, un producteur de Saint-Cyrille-de-Wendover, a disposé de 3 000 litres de lait mardi matin.

«C’est super choquant. On travaille fort pour faire ces litres de lait et après, il faut les jeter. Ce n’est pas plaisant, mais c’est un épisode sans précédent», lance-t-il.

«C’est une décision crève-cœur, mais dans les circonstances, des producteurs du Centre-du-Québec ont malheureusement été obligés d’ouvrir la valve et de jeter du lait», fait savoir Nancy Paquet, conseillère en mise en marché du lait pour les Producteurs du lait du Centre-du-Québec.

Parmi les 700 fermes laitières qu’on retrouve au Centre-du-Québec, elle ne sait toutefois pas combien ont reçu cette consigne. Selon un article du Journal de Montréal, les producteurs laitiers québécois devront jeter au drain jusqu’à trois millions de litres cette semaine.

Un marché désordonné 

Questionnée à savoir ce qui a mené à cette situation, Mme Paquet explique : «Au moment où la crise a été officialisée, le monde a été mis sur pause, mais d’un autre côté, il est parti en panique. Tous les HRI — hôtels, restaurants et institutions — ont fermé les uns après les autres. On ne consomme pas les mêmes types de produits dans les HRI qu’à la maison. Pensons par exemple à la poutine. Maintenant que les restaurants sont fermés, les ventes de fromage en grains ont drastiquement diminué». D’un autre côté, l’achat de pintes de lait nature a fortement augmenté.

Les HRI représentent environ 35 % des ventes de lait au Québec. La fermeture de ce secteur combinée à la panique dans les épiceries a créé «une distorsion du marché».

«Les transformateurs et les distributeurs, qui eux doivent remplir leurs tablettes, ne savent plus trop sur quel pied danser en ce moment. La chaîne doit être rétablie», confie Nancy Paquet.

Même si on assiste présentement à des scènes de tablettes vides dans les épiceries, Nancy Paquet fait savoir qu’il ne manquera pas de lait. «Le lait ne manque pas, mais les inventaires sont perturbés. Avant, les gens allaient deux fois par semaine à l’épicerie et achetaient un 2 litres. Maintenant, ils y vont une fois tous les quinze jours, alors ils prennent des poches de lait, explique-t-elle. Le marché est complètement désordonné et il faut le réapprivoiser».

«Je comprends que c’est difficile pour les consommateurs qui voient des photos de tablettes d’épicerie vides sur les réseaux sociaux. En même temps, ils entendent parler de producteurs qui doivent jeter du lait. Le marché doit simplement s’ajuster et transformer les produits selon les nouveaux besoins», ajoute Jean-François Janel.

En mode solutions

Pour s’ajuster aux fluctuations du marché, il a été demandé à tous les producteurs de lait de réduire leur production. «C’est une première mesure de régularisation qui est relativement facile et qui nous enlève aucun droit de produire. Si la pandémie continue et perdure dans le temps, ce n’est pas impossible que les instances nous amènent des mesures plus sévères», est d’avis Jean-François Janel.

«On est dans un système de gestion de l’offre et il faut arrimer l’offre et la demande. Actuellement, l’offre est supérieure et on doit se réajuster. On demande un effort collectif de ralentir la production pour éviter de jeter davantage de lait dans le drain», souligne Mme Paquet.

Par ailleurs, l’association des Producteurs de lait du Québec a fait un don de deux millions de litres de lait, qui seront transformés en 200 000 kg de fromage, au réseau des Banques alimentaires du Québec.

La filière laitière est également mise à contribution pour éviter le gaspillage. «On demande aux usines de travailler sur des produits qui s’entreposent plus facilement, comme du beurre ou du fromage. Tout le monde est à pied d’œuvre pour limiter les pertes du produit brut, qui ne conserve pas très longtemps», assure Nancy Paquet.

Selon elle, la disposition du lait est le dernier recours que veut utiliser un producteur. «On comprend que les consommateurs sont ahuris de voir cette situation aller, mais nos producteurs qui travaillent fort aussi détestent avoir à jeter du lait», conclut Nancy Paquet.

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