Il y a 100 ans, Drummondville se nommait un nouveau maire

Martin Bergevin
Il y a 100 ans, Drummondville se nommait un nouveau maire
Napoléon Garceau, 1920. Photographe J.O. Laperrière. (Photo : Source : SHD, Fonds Famille Napoléon Garceau ; P41))

SOCIÉTÉ D’HISTOIRE. Le 20 janvier dernier, le maire Alexandre Cusson présidait sa dernière séance au conseil municipal et quittait officiellement ses fonctions quelques jours plus tard. Ainsi donc, dans quelques mois, nous serons appelés aux urnes pour élire celui ou celle qui le remplacera à l’hôtel de Ville. Il y a cent ans, presque jour pour jour, les Drummondvillois vivaient une situation semblable et ce hasard de l’histoire m’offre l’occasion de vous faire voyager à peu de frais au début du siècle dernier.

Nous nous retrouvons donc au cœur du Drummondville d’antan, au début de janvier 1920. Le maire de l’époque, Joseph-Ovila Montplaisir, est sur le point de tirer sa révérence après un court mandat de deux ans marqué par le boom économique d’après-guerre et l’implantation des premières manufactures de textile qui feront vivre les ménages de la région durant des décennies. La scène politique locale déborde alors d’esprits forts et de notables capables d’affronter les défis naissants émanant du nouveau statut industriel de la ville. Pourtant, un seul candidat se propose à la succession du maire Montplaisir : l’unique Napoléon Garceau.

Vue de la rue Heriot, 1910.

Homme d’action et de débat déjà bien connu de ses concitoyens, Garceau se présente devant l’électorat avec une feuille de route noircie de luttes incessantes, parsemées de victoires, de combats perdus aussi bien sûr, mais toujours menés avec l’ardeur d’un batailleur infatigable. Avocat, journaliste pamphlétaire, fondateur des deux premiers journaux locaux via lesquels il égratigne ses adversaires politiques, il est aussi fondateur et président de la Chambre de commerce depuis dix-huit ans et peut se targuer d’avoir occupé les plus hautes fonctions de l’appareil municipal à deux reprises, ici même, entre 1905 et 1912. Durant cette période, les vieux trottoirs de bois du centre-ville sont remplacés par des trottoirs de béton, le barrage est réparé, le réseau électrique amélioré et le système d’aqueduc modernisé. Rien d’éclatant de prime abord, mais nécessaire tout de même, il faut en convenir.

Accoutumé à l’adversité, Garceau bat cette fois-ci campagne en solitaire et est élu de facto par acclamation, le 20 janvier 1920. La ville dont il prend la direction a beaucoup évolué depuis le début du vingtième siècle. Toujours en plein essor, tant au niveau industriel que démographique, Drummondville compte désormais plus ou moins 2800 habitants, pour la plupart des ouvriers canadiens-français gagnant leur pain dans les usines de textile construites avec des capitaux américains, notamment la Gossard et la Butterfly. Le développement se poursuit durant le troisième mandat de Garceau à l’Hôtel de Ville, qui sera marqué par la construction de nouvelles usines et l’arrivée de nouveaux ouvriers venus des campagnes environnantes ou d’ailleurs.

Cette expansion rapide, bien qu’elle soit positive à bien des égards, provoque en contrepartie une grave pénurie de logements qui persistera tout au long des années 20 et même durant les années 30, après l’établissement de la Celanese. Tant et si bien que le conseil municipal n’a d’autre choix que de se lancer lui-même dans la construction de nouvelles habitations. Ces maisons rectangulaires en briques rouges à deux étages parsèment depuis le paysage urbain de la ville et rappellent les efforts faits par l’administration Garceau pour répondre aux besoins grandissants de la population ouvrière.

École Garceau, construite en 1909. (Source : SHD, Collection régionale ; C1)

À la suite d’un litige avec certains de ses conseillers municipaux, il annonce qu’il ne se représentera pas aux élections de janvier 1924 et tient parole. Il quitte ainsi la politique comme il y est entré, avec passion et émotion. Ses contemporains racontent d’ailleurs dans leurs mémoires que c’est « les larmes aux yeux et tout à fait ému » que Garceau conclut sa dernière séance à titre de premier magistrat du conseil municipal. Bien que son passage à Drummondville n’ait pas fait l’unanimité, tous reconnaissent alors que l’héritage qu’il laisse à son départ surpasse les égos qu’il a pu écorcher chemin faisant : que l’on pense seulement à la modernisation des infrastructures de la ville ou à l’avancement considérable de l’instruction publique.

Napoléon Garceau s’éteint à Drummondville, le 9 juin 1945. L’historiographie régionale rappelle sa mémoire dans nombre d’ouvrages et à juste titre comme l’un des politiciens les plus marquants et les plus influents de son époque. Au moment d’écrire ses lignes, il est encore temps pour les hommes et les femmes de fougue de présenter leur candidature en vue des prochaines élections municipales. À tous et à toutes, bonne réflexion et bonne chance.

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