SOCIÉTÉ D’HISTOIRE DE DRUMMOND. Le 10 septembre 1939, le Canada déclarait la guerre à l’Allemagne. À cause de sa durée et de son ampleur, ce conflit nécessita une mobilisation totale des ressources; à Drummondville, dont la population atteignit 22 000 habitants à l’époque, les usines tournèrent à plein régime. La Canadian Celanese employait 3000 ouvriers pour produire du fil d’acétate et la Drummondville Cotton, avec ses 1500 employés, produisait de la toile, du matériel d’uniformes, des bâches à canons…
Le taux de chômage baissa à 1% et il devint difficile de recruter du personnel. Le Service sélectif national obtint carte blanche pour répartir la main-d’œuvre selon les priorités. Les Canadiens de 16 à 65 ans sans emploi régulier durent accepter n’importe quel travail convenable; le gouvernement pouvait obliger les gens à changer d’emploi et à accepter tout travail qu’on leur proposerait. Pour pallier la pénurie de main-d’œuvre, on embaucha davantage de femmes; on en retrouvait 400 à la Canadian Celanese en 1942, dont une soixantaine travaillait de nuit. Le député Armand Cloutier s’éleva contre cette situation : «La petite ouvrière d’aujourd’hui, dit-il, c’est la maman de demain, et en lui demandant un travail au-dessus de ses forces, c’est à la vitalité même de la race que l’on s’attaque.»
La Ligue Ouvrière Catholique, la Ligue du Sacré-Cœur, les Dames de Sainte-Anne… adressèrent des pétitions au conseil municipal pour dénoncer le travail de nuit comme nuisible à la santé des mères et susceptible de saboter les institutions familiales. Mais le conseil invoqua les nécessités de la guerre pour maintenir cette pratique, dont aucune des ouvrières ne semblait se plaindre. Les nombreux emplois disponibles incitèrent plusieurs jeunes à quitter l’école prématurément : la Jeunesse ouvrière catholique (JOC) révéla que 109 filles et 77 garçons de moins de seize ans étaient dans cette situation en 1942; de ce nombre, 31 filles et 51 garçons travaillaient en usine. D’autres filles étaient domestiques ou gardaient les enfants, alors que les garçons faisaient des livraisons à vélo; d’autres traînaient dans les rues et dans les salles d’amusements. En 1945, le chef de police Édouard Lapierre souleva le problème des garçons de 10, 12 et 14 ans qui fréquentaient les salles de quilles et de billard où ils côtoyaient une «jeunesse dévergondée et grossière». L’habitude du blasphème, la dégradation de la vie familiale, l’augmentation de la délinquance, tout cela augurait mal pour l’avenir.
Les autorités policières lancèrent un cri d’alarme sur le niveau inquiétant de la criminalité juvénile: vandalisme, vols de voitures, de vélos, cambriolages de commerces et de chalets…
En 1945 et 1946, la police était débordée par la recrudescence des délits commis par des « jeunes qui semblent comprendre la vie d’une étrange façon ». Malgré tout, la JOC se félicitait en 1947 de la diminution du nombre de délits, qu’elle attribuait à la diminution du travail des jeunes et au fait que les femmes qui avaient «déserté le foyer» pour travailler dans l’industrie retournaient à la maison, permettant d’y rétablir la stabilité et la discipline.