Un jeune autiste qui rêve grand

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Par Marilyne Demers
Un jeune autiste qui rêve grand
Roger Fontaine vient d’être engagé dans un Tim Hortons de Drummondville. (Photo : Ghyslain Bergeron)

MOIS DE L’AUTISME. Roger Fontaine a 25 ans et vit avec un trouble du spectre de l’autisme (TSA) du type Asperger. Comme la majorité des personnes de son âge, il cherche à déployer ses ailes et prendre son envol. Sa quête d’indépendance a franchi une nouvelle étape. Le Drummondvillois vient de décrocher son premier emploi à temps partiel.

La fierté se lit dans les yeux – bleus – de Roger, qui vient d’être engagé comme commis débarrasseur au Tim Hortons situé sur le boulevard Saint-Joseph, près des Promenades Drummondville. «J’aime ça. Ça me permet d’explorer de nouveaux horizons», indique celui qui souhaite éventuellement quitter le nid familial.

Avant même qu’il ne soit embauché, la plupart des employés le connaissaient déjà. Il est un habitué de la chaîne de restauration rapide. «Ça fait au moins 10 ans que je suis un client régulier. Les lundis, jeudis, vendredis, samedis et dimanches, je vais à ce Tim Hortons. Quand je suis sur la route, je vais à celui de St-Germain. Les mardis et mercredis, je vais au Tim Hortons près du marché public», énumère le jeune homme, entre deux gorgées de café. Il va sans dire que ce rituel est intégré dans son quotidien.

Pour les personnes qui vivent avec un TSA, la routine est rassurante. Elle diminue les risques d’être confronté à des situations stressantes. «Je suis capable de compenser avec les imprévus. Si je ne m’y attends pas et qu’il y a en un qui survient, je m’ajuste. Je change mon disque dur de données et je mets ça en manœuvre», avance-t-il.

Par cette rigidité, les autistes peuvent être un atout dans une équipe de travail. «Ce sont des personnes très loyales et très ponctuelles. Pour eux, la routine est très importante. Même malades, ils seront là à 8h. C’est vraiment une main-d’œuvre incroyable qu’on ne peut pas se passer», soutient la coordonnatrice chez Autisme Centre-du-Québec, Karine Fournier.

Chaque personne ayant un TSA est unique. Les signes et les symptômes varient d’un individu à l’autre.

Atypique
Roger avait 10 ans lorsqu’il a reçu son diagnostic. «Au début, je ne voulais pas l’accepter. C’est un peu comme quand les parents reçoivent le diagnostic, il y a une période de déni. Petit à petit, j’ai accepté la différence», se souvient-il.

Roger Fontaine.

À première vue, le jeune homme semble être dans la «norme». Pourtant, il lui arrive de percevoir le jugement des autres. Les regards ne trompent pas. «Je vois leur non verbal. Côté non verbal, je suis quand même assez bon pour le décrypter, constate-t-il. Souvent, quand je parle aux gens, je dis d’entrée de jeu que je suis autiste pour qu’après les barrières tombent.»

Roger n’est ni malade ni handicapé. Il vit avec un trouble neurologique qui perturbe le fonctionnement de son cerveau, de sorte qu’il traite les informations un peu comme le font les ordinateurs. «Quand on me pose une question, ça peut arriver que je prenne un 10-15 secondes avant de répondre. Je vais voir dans ma mémoire si je le sais. Sinon, je vais chercher l’information», explique-t-il.

L’estimation de la prévalence de l’autisme chez les enfants et les adultes canadiens est de 1 sur 94. Comme Roger, ces personnes ayant un TSA perçoivent le monde différemment des neurotypiques, ces humains qui ne sont pas autistes. Comme lui, elles tentent de rentrer dans le moule de la société.

«Il faut prendre le temps d’être ouvert, de bien comprendre ce qui les rend bien. Les personnes autistes sont toujours en suradaptation. Le monde n’est pas fait pour eux. Ils sont toujours en train d’ajuster leur comportement. Ce sont des choses qu’ils finissent par acquérir, mais il n’y a rien d’automatique», observe Karine Fournier, qui est aussi mère de deux jeunes garçons autistes.

Gars de gang
On dit des personnes autistes qu’elles peuvent avoir des comportements, des activités ou des intérêts très limités et répétitifs. Elles ont presque toujours de la difficulté à communiquer et à interagir avec les autres.

Roger, lui, est un gars de gang. Il s’implique auprès du Centre Normand-Léveillé, de l’organisation des Cascades élites de Drummond/Bois-Francs, de l’Autodrome Drummond et du Service de sécurité incendie et sécurité civile de Drummondville, pour ne nommer que ceux-là. «J’aime être dans le feu de l’action. Il y a des autistes qui aiment ça être dans leur bulle. Des fois, j’aime le calme pour écouter de la musique, mais généralement, j’aime être avec le monde», remarque-t-il.

Durant ses temps libres, Roger s’installe sur le viaduc du boulevard Saint-Joseph pour photographier les camions qui circulent sur l’autoroute 20. «La première fois que ma mère m’a vu en train de regarder les trucks par la fenêtre, j’avais un an et demi. Je suis un mordu du domaine du camionnage» fait-il savoir, le sourire aux lèvres.

À travers son implication, ses passions et son nouvel emploi, Roger s’est joint au programme Départ@9 du Carrefour jeunesse-emploi Drummond. Celui-ci permet aux jeunes adultes d’entamer des démarches concrètes pour faciliter leur retour en emploi ou aux études.

Déterminé, Roger compte suivre le chemin qui le mènera à son rêve, celui d’être au volant de l’un de ces véhicules lourds qu’il passe des heures à regarder. Parce que rien sur son passage, pas même un diagnostic, ne l’empêchera d’atteindre ses objectifs.

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