Ils ont fait leur «voyage de noces» à l’Expo 67

Ils ont fait leur «voyage de noces» à l’Expo 67
En compagnie de l'évêque André Gazaille

RELIGION. Jean Michaud, André Genest, Réjean Couture. Trois hommes tout à fait différents. Qui, tous trois, ont choisi la même voie, celle de la prêtrise. Ils se connaissent depuis plus de 50 ans. C’est ensemble que, le 10 juin 1967 avec dix autres confrères du Grand Séminaire de Nicolet, ils étaient ordonnés prêtres. «Et c’est à treize que pour notre «voyage de noces», nous sommes allés à l’Expo 67», dit en souriant, André Genest, curé de la paroisse Sainte-Victoire à la toute veille de sa «retraite». Il doit en effet, et d’ici quelques semaines, passer le flambeau de sa cure à David Vincent, actuellement curé à Saint-Christophe-d’Arthabaska.

Ce souvenir de l’époque fait dire à Réjean Couture qu’on a, entre autres, connu curé à Saint-Charles-de-Drummond, Saint-Christophe-d’Arthabaska et Princeville, qu’ils sont les prêtres d’Expo 67… et de Vatican II, deux événements tout aussi révolutionnaires l’un que l’autre, signale-t-il.

«Avec le pape Jean XXIII, les fenêtres se sont ouvertes», dit André Genest. «Il nous a forcés à utiliser un langage nouveau, à actualiser l’Évangile», poursuit Réjean Couture… même si, encore aujourd’hui, il y aurait du travail à faire pour renouveler les mots. Il avoue être parfois gêné par les mots passéistes de certaines lectures.

«Que nous nous retrouvions, à 73 ans, dans la même équipe pour nos 50 ans de prêtrise, ça a aussi quelque chose d’historique», observe-t-il. C’est à trois qu’ils accordent une entrevue à La Nouvelle Union pour parler de leur parcours, de leur foi, de ce choix qu’ils ont dû refaire à certaines occasions de leur vie, des grands bouleversements que vit l’Église dont ils se réjouissent qu’elle se dépouille, se décape peu à peu.

Justement, aux yeux de Jean Michaud, qui a notamment été curé à Saint-Pie-X de Drummondville et aux paroisses de L’Assomption et Sainte-Famille de Victoriaville, c’est ce grand bouillonnement qui lui fait dire à quel point il a été choyé d’avoir été prêtre au cours de ces 50 dernières années. «Je préfère avoir vécu ces années-là. Dans ce bouillonnement, il y a des élans, de la vie, des occasions de découvrir, de se renouveler, d’être soi-même.»

Et puis, être confiné aux mêmes tâches, c’est «usant», poursuit-il. La variété de ses missions qui l’ont mené dans différents lieux du diocèse a aussi contribué à conforter son sacerdoce. Réjean Couture n’en pense pas moins, lui qui n’hésite pas à parler de sa joie de vivre avec les personnes. Les prêtres, dit-il, ont un accès privilégié à la vie intime des gens, dans les fêtes, la maladie, les deuils.

Au service de l’humain, c’est ce qui a toujours motivé l’abbé Genest que la prêtrise avait attiré dans les années 1960 en continuité de son engagement dans le mouvement scout. «L’idée de devenir prêtre m’a habité alors que j’étais tout jeune et mon milieu familial la portait. Comme j’étais externe, je m’occupais des jeunes pensionnaires du Séminaire. De me préoccuper du bien des autres m’a fait grandir et c’est cet engagement qui a trouvé son aboutissement dans la prêtrise», rappelle Jean Michaud.

«Il est certain que cela questionne les convictions», répond l’abbé Michaud lorsqu’on évoque ces innombrables hommes ayant abandonné la vie religieuse. «À la blague, on se disait que c’étaient les meilleurs qui partaient.»

«Cela nous portait à retourner aux raisons fondamentales qui nous avaient fait choisir la prêtrise, soutient Réjean Couture. On a gardé le contact avec eux parce que, au fond, ils restaient les mêmes, nourrissaient les mêmes valeurs. Ce n’est que la forme de leur engagement qui avait changé.»

Chacun à sa façon a affronté ses «démons». La crise de la quarantaine a agité Jean Michaud qui s’est brusquement confronté à l’idée qu’il n’aurait jamais de famille. Les ressourcements, la formation continue, les longues années d’animation de séances de renouement conjugal ont permis à Réjean Couture de perpétuer ses vœux lorsqu’il se questionnait sur ses choix.

«On se trouve entre deux Églises. De vouloir revenir en arrière crée de la désespérance», affirme le curé Genest qui vit, lui, de l’espérance que l’Église devienne «pertinente», que les chrétiens prennent leur foi en charge. Il aime rappeler que Jésus est venu bâtir un monde… et c’est une Église qui s’est construite.

«On s’en va vers quelque chose de nouveau et de dynamisant, du côté du vrai Dieu. Les croyants portent un secret dans leur cœur et ce secret ne doit pas s’enfermer dans la structure», croit Jean Michaud, qui se montre critique quant au fonctionnement «mondain» qu’adopte parfois l’Église. Elle a une grande capacité de résilience, répond-il lorsqu’on demande si les prêtres sont une espèce en voie de disparition.

Pas certain que le mariage des prêtres ou l’ordination des femmes permettrait à l’Église de stimuler davantage de vocations, croient les trois prêtres victoriavillois. «Nos enfants, peut-être, verront cela!», dit le curé Genest avec humour.

Ils reconnaissent que les temps ne sont pas reposants, mais qu’ils sont emballants, puisque d’être avec le monde qui découvre Dieu dans son quotidien procure de la sérénité, comme dit Réjean Couture. «Je me sens privilégié d’avoir pu rester moi-même et je suis en admiration quand je rencontre des gens ou un groupe qui a entrepris un cheminement», soutient Jean Michaud. Quant à André Genest, il affirme qu’est toujours source de bonheur pour lui de rassembler des gens autour d’un message qui donne du sens à la vie, qui en améliore la qualité. Et c’est ce qu’il continuera de faire comme collaborateur dans les secteurs de Daveluyville et de Princeville.

Le rôle du prêtre a changé, remarque Jean Michaud. «Avant, le prêtre donnait, dispensait. On reçoit beaucoup des gens. En les connaissant mieux, on les aime mieux. C’est l’essence de l’Église de Jésus.»

On leur fera la fête aux trois prêtres victoriavillois le samedi 3 juin en compagnie de l’évêque André Gazaille à l’église Notre-Dame-de-l’Assomption. À compter de 15 h 30, il y aura cocktail et célébration eucharistique, puis banquet à la salle des Chevaliers de Colomb à ce qui était l’église Saint-Gabriel-Lalemant. Il n’y a plus de billets pour le banquet, qu’on se le dise.

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