Le bonheur est dans le pré! Vraiment?

Le bonheur est dans le pré! Vraiment?
L'ACFA souhaite que plus de ressources d'aide soient déployées dans les régions du Québec.

Jadis valorisé, le métier d’agriculteur ne séduit plus autant en raison de ses obligations quotidiennes, des coûts de fonctionnement astronomiques et du mode de vie sédentaire auquel est rattaché un certain isolement pouvant éventuellement entraîner une détresse psychologique.

Il y aurait deux fois plus de suicides parmi les agriculteurs que dans le reste  de la population, selon les données recueillies par Ginette Lafleur, chercheure en psychologie  communautaire, à l’Université du Québec à Montréal.

En mars 2016, un agriculteur de Saint-Germain-de-Grantham s’est suicidé après avoir mis le feu à sa ferme. Problèmes financiers, problèmes personnels ? Peu importe, personne n’a pu prévenir le drame.

Une tragédie comme celle-là surprend et force les acteurs du milieu agricole à prendre les choses en main afin de prévenir d’autres drames.

«J’ai entendu parler de cinq-six suicides d’agriculteurs autour de moi et c’est sans parler de ceux que je ne sais pas. Il y a trop d’agriculteurs qui attendent trop tard pour demander de l’aide. Il faut cesser de penser que c’est une faiblesse que de demander de l’aide», déplore René Beauregard, qui a succédé en 2016 à la direction de l’organisme Au cœur des familles agricoles, assuré jusque-là par Maria Labrecque-Duchesneau.

Au stand du Salon de l’agriculture de Saint-Hyacinthe, en janvier, l’équipe du Centre d’insémination artificielle du Québec a entendu toutes sortes d’histoires pas très drôles de la part des agriculteurs à qui ils remettaient de l’information sur l’ACFA. «Ils ont été très surpris de ce qu’ils ont entendu», relate M. Beauregard.

Travailleurs isolés

En ouvrant sa ligne d’écoute téléphonique au tournant des années 2000, l’ACFA souhaitait offrir aux agriculteurs une ressource leur permettant de ventiler un peu. Malgré la liberté d’horaire de leur emploi quotidien, ces travailleurs doivent se démener seuls dans un milieu de plus en plus complexe.

Après quelques années d’écoute-conseil téléphonique, Au cœur des familles a ouvert les portes de sa maison de répit à Saint-Hyacinthe où sont accueillis annuellement une quarantaine de producteurs agricoles ayant besoin d’une pause de leur train-train quotidien ou de prendre du recul sur leurs problèmes. Ils y trouvent écoute et soutien.

Étant la seule ressource à offrir un soutien psychologique spécifique aux agriculteurs pour l’ensemble du Québec, la direction d’Au cœur des familles agricoles aimerait que chaque région du Québec dispose de travailleurs de rang qui se rendraient directement chez les agriculteurs en vue de prévenir toute détresse et de les référer, au besoin.

Lui-même ex-producteur porcin, M. Beauregard connaît bien la vie d’agriculteur. Il est aussi le maire de Saint-Joachim-de-Shefford, une municipalité agricole. Celui-ci considère indispensable que d’autres ressources d’aide soient offertes aux agriculteurs ailleurs dans la Belle Province. «Il y a un besoin à la grandeur du Québec. Or, on ne peut prétendre offrir un service de proximité s’il y a une trop grand distance entre la ressource et la personne», indique le nouveau directeur d’Au cœur des familles agricoles.

Actuellement, les régions du Bas Saint-Laurent, de Charlevoix, des Chaudières-Appalaches et des Laurentides ont leur propre travailleur de rang. Leur salaire provient d’une concertation du milieu local. La travailleuse de rang qui se promènera à travers la Montérégie et le Centre-du-Québec sera quant à elle payée par l’ACFA.

Expertise pas encore reconnue

L’ACFA aimerait être davantage soutenu par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec. Actuellement, l’organisme ne reçoit que 35% de son financement du MAPAQ et du ministère de la Santé.

Dernièrement, le MAPAQ leur a accordé une subvention de 40 000 $ leur donnant comme mandat de vérifier les besoins réels en matière de soutien psychologique chez les producteurs agricoles, question de savoir si l’expertise peut être exportée ailleurs.

«Nous devons démontrer que nous offrons un service essentiel avec notre expertise agricole, explique M. Beauregard, qui en est fermement convaincu. Lorsque nous parlons à un agriculteur, nous connaissons sa réalité. C’est important, car il n’ira pas vers le réseau de la santé pour aller chercher de l’aide ou de l’accompagnement.»

Au fil des ans, l’’ACFA a développé un partenariat l’Union des producteurs agricoles, des entreprises du secteur agricole ou encore des ressources d’aide comme l’Association québécoise de prévention du suicide, qui forme des sentinelles, soit des gens près des agriculteurs, notamment des vétérinaires, pour les outiller à détecter les signes de détresse chez les producteurs agricoles.

De bons pas ont été faits, estime M. Beauregard, mais il faut encore plus que cela, selon lui.

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