Martin Poissant, le miraculé de la bactérie mangeuse de chair

Martin Poissant, le miraculé de la bactérie mangeuse de chair
Martin Poissant et sa conjointe Stéphanie. Le Drummondvillois a retrouvé la santé.

SANTÉ. Un miracle. Voilà ce que les médecins ont dit du patient Martin Poissant, qui a étonnamment survécu à la dévastatrice bactérie mangeuse de chair qui l’a frappé le 30 décembre 2015. Un an plus tard, l’homme se dit que sans les efforts combinés des médecins et spécialistes, il y aurait peut-être laissé sa vie.

«J’étais infecté à 100%. Tous les médecins m’ont dit que je devrais être mort», lance d’entrée de jeu le Drummondvillois, un grand gaillard dépassant les 6,2 pieds.

C’est au lendemain de Noël qu’il a ressenti les premiers malaises. Il s’est d’abord rendu à l’hôpital, mais les prélèvements dans sa gorge n’ont rien révélé d’anormal. À la clinique, où il s’est déplacé quelques jours plus tard, on croyait à une jaunisse.

Au matin du 30 décembre, sentant ses muscles endoloris, il prend un bain chaud. Grave erreur. Il n’est pas capable de sortir du bain, tant les symptômes se sont décuplés au contact de l’eau chaude. Son amie Stéphanie doit l’aider à sortir du bain. Il n’arrive même pas à se tenir droit.

Véritable odyssée

C’est un véritable parcours du combattant qui s’amorce. Accompagné de son amie, il retourne à l’hôpital. Cette fois, c’est son médecin de famille qui l’accueille, le Dr Julie Hébert.

Elle connaît bien son patient. En le voyant si affecté, si chambranlant, elle s’inquiète. Sur son insistance, Martin Poissant refait une série de tests plus pointus. La vigilance du Dr Marie-France Dupont, qui s’alarme en voyant les résultats des tests, accélère la prise en charge du patient. On le transfère rapidement au Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke. «La collaboration des deux médecins a été incroyable», souligne M. Poissant.

Coup de chance, à son arrivée au CHUS, toute une équipe est en mesure de le prendre en charge : orthopédiste, infectiologue, néphrologue, pneumologue, ainsi qu’un médecin-remplaçant, Émilie Belley-Côté, dont la thèse postdoctorale porte justement sur la bactérie streptocoque A.

Alors que l’infection gagne du terrain dans le corps du patient Martin, cette dernière refuse l’amputation et décide d’un tout autre traitement. On place le patient dans un coma artificiel, de façon à pouvoir le soigner tout en réduisant sa souffrance puis on l’opère à deux reprises. La bactérie streptocoque A se situe dans le bras gauche et descend jusqu’au pied droit en touchant les poumons.

Martin fait une fièvre de 41,3 degrés, ce qui est élevé et fort inquiétant. On l’installe donc sur des sacs de glace tandis qu’on lui injecte une médication très puissante dans les poumons. Seize intraveineuses sont insérées dans son bras. Et son sang est filtré par dialyse, 24 heures sur 24.

Toute la famille est convoquée à l’hôpital, tant on craint le pire. Les médecins estiment à 20% à peine ses chances de survivre à cette maladie, qui touche quelque 200 Canadiens chaque année.

Combativité

Or, les Poissant sont combattifs. Dix ans auparavant, son frère Sylvain a reçu un diagnostic de cancer du mélanome auquel il ne devait survivre que quelques semaines.

Sportif, très actif, Martin Poissant avait lui aussi grande une force pour lutter face à la maladie. «J’ai une tête de cochon et je ne me suis pas demandé pourquoi ça m’arrivait à moi. J’ai pris cela comme un combat. Je me disais que je valais la peine d’être en vie. Tout le monde qui m’entourait, je ne pouvais pas baisser les bras», se souvient-il.

On l’a sorti du coma doucement au cours des jours suivants. Il se rappelle avoir entendu sa fille de neuf ans lui parler. Incapable de lui serrer la main, seule une larme a coulé.

Son corps était paralysé. Dans les semaines, et même les mois qui ont suivi, il lui a fallu travailler très fort pour retrouver la motricité de ses membres. Il a dû réapprendre à bouger ses mains, ses pieds. Les premiers temps, il se déplaçait en marchette puis avec une canne. Les nerfs étaient bloqués. Têtu de nature, Martin se disait : «Tu vas marcher mon pied, tu vas lever».

Il n’a pu remettre ses chaussures qu’en avril. Et ce n’est véritablement qu’en juin qu’il s’est remis à marcher, au moment où on lui enlevait ses derniers pansements.

Lorsqu’il est sorti de l’hôpital, il a reçu un précieux coup de main de son frère et de Stéphanie puisqu’il n’avait pas retrouvé son autonomie. Pendant ce temps, il faisait de la réadaptation, soutenu par des spécialistes. Il a aussi suivi des traitements d’ostéopathie. «On ne réalise pas toujours l’importance d’être autonome dans la vie. Je ne pouvais même pas conduire», insiste-t-il.

Droit devant lui

Mis à part cet état de dépendance, Martin a porté son regard droit devant lui. «La première chose que tu réalises, c’est que tu vis. Ensuite, on se demande comment on va vivre. Le plus important pour moi, c’était de pouvoir refaire des activités avec mes enfants.»

Son amie Stéphanie, devenue depuis son amoureuse, l’a soutenu tout au long de son odyssée. Elle emménagera avec lui en janvier. «La vie m’a amené des épreuves, mais aussi de bonnes choses après coup. Elle m’a amené Stéphanie», dit-il.

Martin Poissant a repris le travail en octobre à temps partiel chez PMA Assurances. En janvier, ce sera le vrai retour. Mais de directeur des ventes, celui-ci a préféré retourner à un poste de conseiller, avec moins de responsabilités même s’il a recouvré 90 % de ses capacités.

Longtemps, il s’est désolé à l’idée que ses enfants aient pu le voir inerte, couché sur la glace, dans un état d’impuissance. Ce n’est pas l’image du père fort qu’il souhaitait montrer à ses enfants. Après une conversation avec un médecin, il a réalisé un jour l’exemple de détermination à se relever d’une lourde épreuve qu’il donnait à ses enfants. Ça l’a rassuré.

Un an après ce terrible coup du sort, Martin Poissant se sent bien. Lorsqu’il en parle, les émotions remontent. La beauté de cette maladie, dit-il, c’est qu’elle ne peut pas revenir. Il a recommencé à faire du ski alpin, à jouer au hockey avec ses amis et à faire des activités avec ses enfants.

Quoi que l’on dise de l’état du système de santé, Martin Poissant, lui, considère que les praticiens sont formidablement dévoués à leurs patients. Sans leur vigilance, il serait mort.

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