En réaction à l’exode rural et l’essor de l’industrialisation au début du 20e siècle, le pouvoir politique soutenant le pouvoir religieux se tourne vers la femme pour développer une nouvelle politique de conservation des valeurs traditionnelles et maintenir l’ordre social. En lui offrant une formation selon les stéréotypes sexuels de l’époque et en vertu de la foi chrétienne, on vise à en faire une femme idéale, que l’on qualifie à l’époque de femme «dépareillée», c’est-à -dire, une femme sans pareilles, féminine, qui sait tenir maison, soumise à son mari, pieuse, cultivée, habile et intéressée à tout ce qui touche au foyer et à l’agriculture, généreuse de son temps et dévouée. C’est dans ce contexte de valorisation de la femme au foyer, tel que la doctrine catholique le prescrit, que s’introduit l’enseignement ménager au Québec.
La première école ménagère est apparue à Roberval en 1882, mais c’est celle de St-Pascal de Kamouraska qui sert de modèle aux communautés religieuses qui vont alors intégrer le programme partout en province à partir de 1911. À Drummondville, ce sont les Sœurs de la Présentation de Marie qui initient le mouvement en 1912 à leur pensionnat.
Le programme d’enseignement est davantage axé sur la technique et la pratique que sur la théorie. Tout doit être relié aux activités domestiques avec une toute petite place aux connaissances générales. On leur enseigne les «sciences ménagères» : la cuisine ou science alimentaire, la médecine familiale, le tissage, la couture, le raccommodage, le jardinage, l’hygiène bien sûr et l’économie domestique. Eh oui, les problèmes mathématiques doivent être pensés «pour des jeunes filles de maison»!
Cette philosophie d’instruction domestique féminine ne survivra pas à la montée du mouvement féministe et de la Révolution tranquille. Ces jeunes femmes, que l’on imprègne de l’Amour de la terre, sont la pierre angulaire de la famille et ont pour mission d’influencer favorablement le mari à demeurer sur la ferme. Leur éducation morale est carrément considérée comme une panacée contre les maladies, la mortalité infantile et l’alcoolisme. On réglait alors tous les problèmes du monde en gardant les femmes à la maison! Cependant, ces femmes portent aussi le fardeau des «désunions» puisqu’on leur reproche alors d’être mauvaise épouse, pauvre ménagère ou piètre cuisinière. C’était toute une tâche d’être une «Superwoman» à l’époque, de quoi alimenter les réflexions des femmes d’aujourd’hui.
Sources
Extraits des bulletins mensuels (1938-1944) de Monsieur l’abbé Albert Tessier, visiteur-propagandiste des écoles ménagères de la province de Québec. Québec (Province), [1945] Fahmy-Eid, Nadia et Micheline Dumont. Maîtresses de maison, maîtresses d’école : femmes, famille et éducation dans l’histoire du Québec. Montréal : Boréal Express, 1983. Thivierge, Nicole. Histoire de l’enseignement ménager-familial au Québec, 1882-1970. Québec : Institut québécois de recherche sur la culture, 1982 Mathieu, Jocelyne. L’éducation familiale et la valorisation du quotidien des femmes au XXe siècle, dans Les Cahiers des Dix, no. 57, 2003.