Des curieux partent à la découverte de la rivière noire (photos)

Des curieux partent à la découverte de la rivière noire (photos)

À pied comme en canot, Virginie Dumont en a sillonné des cours d’eau. Si elle garde en tête des décors pittoresques, c’est un tout autre souvenir qu’elle conserve de son expédition citoyenne de la rivière Saint-Germain. En compagnie de quatre copains, elle a bravé, samedi dernier, 15 kilomètres de la rivière noire… et ses mauvaises odeurs.

L’idée inusitée d’explorer la Saint-Germain, communément appelée la rivière noire, vient de deux sœurs : Andréanne et Marie-Hélène Blais qui avaient envie, depuis belle lurette, de découvrir la région d’une tout autre façon. L’aventure s’est concrétisée lorsque Virginie Dumont, Éric Perreault et Sébastien Lefebvre ont accepté de se greffer au projet.

Forts de leur bagage en biologie, en agronomie et en environnement, les cinq aventuriers ont mis leurs canots à l’eau à Wickham, entre le 7e et le 9e rang, et ont navigué sur la rivière jusqu’à la hauteur de l’école Marie-Rivier, à Drummondville. Si ce parcours a été privilégié, c’est qu’ils préféraient avoir un portrait à la fois des milieux agricole et urbain.

Dès leurs premiers coups d’aviron, ces amateurs de plein air racontent, avec le sourire, avoir fait le plein d’odeurs… de poissons morts et de fumier, bien conscients qu’en cette période d’épandage, il fallait s’y attendre!

Une rivière victime de son débit

Selon les canoteurs, la présence agricole ne s’impose pas uniquement par ses senteurs. Elle contribue également au fort débit de l’eau et aux inondations répétées, en raison du redressement et du drainage des terres.

«S’il y a un coup de pluie, l’eau arrive tout de suite à la rivière», constate Andréanne Blais.

Des drains, installés de toutes les façons inimaginables, caractérisent ce secteur. Il faut comprendre que l’eau d’un drain qui coule directement sur le sable cause l’érosion.

De plus, notre groupe d’explorateurs constate qu’en cas de fort débit, des morceaux de terres agricoles, riches en engrais, se détachent et se dissolvent dans la rivière, alimentant les cyanobactéries.

Pour couronner le tout, le décor témoigne d’un manque criant de bandes riveraines, et ce, du boulevard Jean-de-Bréboeuf à l’autoroute. «Mais ce n’est pas spécifique à la rivière Saint-Germain. C’est typique au milieu agricole», souligne le groupe.

Prix de consolation : à défaut d’avoir suffisamment de bandes riveraines, les berges sont quand même boisées. Selon Virginie, la plantation d’arbres constitue un bel effort. Étonnamment, elle constate que du point de vue forestier, la partie la plus belle se trouve dans le secteur industriel, où l’eau coule encore à flot… «Dès qu’on arrive à la ville, il y a de plus en plus d’embouchures de drain», fait remarquer Virginie. Bon nombre de conduites pluviales se jettent directement dans la rivière Saint-Germain. «Le fait qu’en ville, on draine dans la rivière beaucoup plus d’eau nuit terriblement aux berges» indique-t-elle.

L’impact se voit d’ailleurs à l’œil nu sur la rive opposée qui est érodée par les déversements.

Ces conduites transportent l’eau de pluie, mais également celle qui contient des pesticides provenant des terrains ainsi que l’eau de piscine des citoyens.

Des pneus pour stabiliser les berges

Sans surprise, nos excursionnistes ont noté divers déchets aux abords de la rivière : frigo, réservoir à l’huile, matériaux de construction, tas de cèdres, vieux sapins de Noël, etc.

Ceux-ci ont également constaté avec combien de créativité les riverains ont tenté, avec toutes sortes de débris, de stabiliser les berges qui ne cessent de s’éroder. Parmi les matériaux prisés, les pneus ont particulièrement la cote.

En effet, plus le groupe avançait, plus le profil de la rivière était encavé. S’il s’élevait à quelque six pieds en milieu agricole, il passait de 20 à 40 pieds en milieu urbain. «C’est vraiment une rivière spéciale. Elle est encastrée à 90 degrés. C’est coupé au couteau. Des fois, le sol est mangé sous les arbres et ça décroche», signifie Sébastien Lefebvre. À titre d’exemple, il évoque des cabanons pratiquement suspendus dans les airs parce que le sol en dessous s’était affaissé.

Sébastien s’est également dit surpris de la présence marquée de la sauvagine (oiseaux sauvages) sur la rivière noire, qu’il ne faut toutefois pas interpréter comme le signe d’une biodiversité en santé.

Nos participants n’ont pas vu de grenouilles ni de tortues ou de reptiles amphibiens, qui ont l’habitude de fuir les milieux pollués. «La rivière, ce n’est pas un dépotoir. Elle abrite une grande faune et une grande flore vivante», insiste Andréanne, en invitant les riverains à prendre soin de leur cours d’eau.

Pour Virginie, on ne peut pas seulement les pointer du doigt : «Même si les riverains avaient une conduite exemplaire, l’eau serait quand même dégradée».

Considérant que la rivière noire représente un enjeu majeur pour la région, l’heure serait à trouver des solutions, notamment pour contrer le débit d’eau trop élevé.

Ces militants pour l’environnement se réjouissent que le Comité de gestion du bassin versant de la rivière Saint-François (COGESAF) ait pris le dossier en main. «C’est un projet qui tombe vraiment à point», laissent-ils tomber.

Divers éléments de solution existent, mais ils impliquent un grand nombre d’acteurs, et des actions concertées. «Le milieu est-il prêt?, questionne Virginie. Prêt, pas prêt, va falloir agir un jour!»

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