Les capsules Énergie s’envolent comme des petits pains chauds

Les capsules Énergie s’envolent comme des petits pains chauds
Les doses des «produits naturels» promettent de multiples bienfaits qui en laissent plusieurs perplexes.

Lancées en grande pompe la semaine dernière, les pilules «100 % naturelles» aux promesses bénéfiques multiples, n’ont pas fait que jaser… Quand L’Express a voulu se procurer des échantillons, il a dû faire le tour des Couche-Tard de Drummondville pour s’apercevoir que les distributeurs s’étaient pratiquement fait dévaliser.

Pour augmenter la libido, favoriser la détente, se remettre d’un lendemain de veille ou recevoir un surplus d’énergie, des produits naturels, vendus sous la dose de deux capsules à la fois, sont en vente libre dans les dépanneurs Couche-Tard du Québec, au coût de 2,99 $.

Cinq variétés ont été développées, contenant chacune différents ingrédients médicinaux, à l’exemple du ginkgo, du biloba, des extraits de ginseng, du bois de velours de chevreuil, etc.

Ces doses font suite à la boisson Énergie, mise en marché par Astral Media Radio. Avec ses couleurs vives et ses noms évocateurs, tels que «D-Stress», «Boost» ou «R-Set», les nouvelles pilules visent clairement les jeunes.

Mais pour savoir le profil des premiers acheteurs, et son nombre, les employés des dépanneurs affiliés sont réduits au silence. La consigne les oblige à diriger toutes demandes d’informations médiatiques vers le siège social de la compagnie, qui n’a jamais retourné l’appel de l’auteure de ces lignes.

Il faut dire que le sujet est controversé, d’autant plus depuis que Le Devoir a mis en lumière l’illégalité de cette mise en vente.

Attention au mot «naturel»!

La propriétaire du commerce drummondvillois Panier Santé, Esther Saint-Sauveur, a analysé le contenu des échantillons pour en conclure qu’il s’agissait de plantes médicinales à très faible dosage, ce qui lui permet de douter de l’efficacité des produits.

«On peut dire que c’est sans effet secondaire», a-t-elle signifié.

Ce qui l’inquiète davantage, c’est l’effet cumulateur qui peut en découler. «Le produit est ciblé pour des jeunes, qui sont déjà des consommateurs d’autres produits énergétiques, comme les "Red Bull" et compagnie», a-t-elle mis en contexte. L’addition d’autant de substances pourrait donc s’avérer nuisible.

Mme Saint-Sauveur estime qu’il ne s’agit pas de l’invention du siècle : «Ça existait déjà… peut-être sous des noms moins accrocheurs pour les jeunes. Il faut quand même faire attention : ce ne sont pas des produits de consommations courantes».

Pour obtenir les effets escomptés des produits naturels, des dosages répétés, à long terme, sont nécessaires. À son avis, les dépanneurs n’ont pas nécessairement les ressources et l’information requises pour guider la clientèle. Selon elle, le prix de vente de ces doses est également élevé.

Ce qu’en pensent des jeunes

Au cégep de Drummondville, les étudiants interrogés ne se disaient pas enclins à acheter ce genre de produits.

Toutefois, ils en avaient tous entendu parler, par les médias ou la publicité. Valérie Lépine comprend d’emblée qu’il s’agit d’une opération marketing réussie. «C’est une bonne idée de Radio Énergie pour faire de l’argent, a-t-elle commenté. Aujourd’hui, les gens aiment bien prendre des pilules, mais on ne règle pas tout avec ça», a affirmé la jeune femme.

C’est avec un gros point d’interrogation qu’elle questionne l’efficacité de ces capsules. «Les produits miracles, ça n’existe pas. Ces comprimés-là sont faits pour faire de la vente», a pour sa part laissé tomber François, un étudiant qui préfére taire son nom de famille.

Un autre cégépien, Antoine Forcier, assure aussi qu’ils ne feront pas d’argent avec lui.

Chose certaine, chez les jeunes, cette commercialisation a fait jaser, au point d’être abordée comme sujet d’actualité d’un cours de philosophie. «Les commentaires étaient plutôt négatifs. C’est comme si on n’avait pas assez de pilules sur le marché. Moi, je trouve ça complètement ridicule», a soutenu Valérie Allard.

Des intervenants s’interrogent

Au Pavillon Laforest, du Centre jeunesse de la Mauricie et du Centre-du-Québec, où de l’aide est offerte à des jeunes vulnérables, les intervenants se sont aussi questionnés. «Ce qui nous allume beaucoup, c’est que les jeunes accrochent au mot «naturel». Pourtant, les pharmaciens le répètent : ce n’est pas parce que c’est naturel qu’il n’y a pas d’effets secondaires», a exprimé Suzanne Geoffroy, infirmière. Elle donne en exemple les produits coupe-faim qui ont la cote chez sa clientèle, mais qui ne sont pas admis au Pavillon, pas plus que les protéines, aussi fort populaires, qui servent à stimuler les muscles. Avant de donner quel que produit que ce soit, la politique de vigilance demande des recommandations des médecins… même pour les vitamines. La mise en marché des pilules Énergie a donc remis à l’ordre du jour ce sujet chaud parmi les préoccupations des intervenants, pour le moins inquiets.

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