Leaders musulmans à Drummondville : à mi-chemin entre l’affirmation et l’intégration

Leaders musulmans à Drummondville : à mi-chemin entre l’affirmation et l’intégration

Voulant échanger avec d’autres cultures, la famille Alami a quitté le Maroc, il y a cinq ans, en choisissant de s’installer… à Drummondville. Ce milieu, qui semblait d’abord rassurant pour les enfants, allait cependant réserver quelques écueils aux nouveaux arrivants, surtout pour des musulmans pratiquants. Entre l’affirmation et l’intégration, ceux-ci osent créer le meilleur de deux mondes, dans un esprit de conciliation.

«Je veux me déguiser en princesse marocaine», a exprimé la jeune Chems à ses parents, le soir où L’Express les a rencontrés à leur domicile. C’est que la petite dernière de la famille Alami comptait bien passer l’Halloween.

L’aîné des deux enfants, Amine, baigne aussi dans la culture américaine. À preuve, il joue au football à Marie-Rivier. «Ça fait partie de notre intégration», a laissé tomber le père de famille, Omar Alami.

En s’établissant à Drummondville, ces immigrants indépendants préféraient éviter les ghettos. «On voulait partager avec les Québécois tout en gardant notre culture», a-t-il mis en contexte.

Cependant, au cœur de ce choc culturel, le couple a éprouvé un sentiment de vide, surtout lors de leur premier ramadan au Québec. «Le ramadan, c’est un mois de jeûne, mais c’est aussi une grande fête. Tous les soirs, on se rassemble», a évoqué le Marocain d’origine.

Dans le but de recréer cette ambiance, le couple a fondé l’Association culturelle musulmane du Centre-du-Québec, qui regroupe aujourd’hui une trentaine de familles. Il fallait ensuite trouver un local, ce qui n’a pas été de tout repos, les propriétaires n’étant généralement pas très chauds à l’idée. «C’était de l’inconnu. Il y a beaucoup d’ignorance. Les gens ont peur du changement», ont commenté les membres du couple.

Leur mosquée a tout de même vu le jour à Drummondville, elle qui est présentement érigée dans le bureau laissé vacant… par l’ancien député de Drummond à l’Assemblée nationale, Normand Jutras. «On s’y retrouve une à deux fois par jour», a spécifié M. Alami, qui agit comme imam de la mosquée.

La pluie et le beau temps des accommodements

Dans sa vie professionnelle, ce directeur de comptes d’une institution bancaire a dû avoir recours aux accommodements raisonnables. Pour eux, il est de coutume de prier cinq fois par jour, simultanément aux quatre coins du globe, et M. Alami a reçu l’approbation de son employeur de s’y conformer.

«J’ai trouvé un endroit où ça ne dérangeait personne. Je n’ai jamais eu de problèmes. La meilleure façon de se faire accepter, c’est de se dévoiler», s’est dit d’avis M. Alami. Toutefois, il reconnaît qu’un de ses pairs s’est fait congédier en raison de cette pratique. Pour sa part, sa conjointe, Aziza Aboulaz, raconte qu’une responsable de service de garde a refusé sa fille devant l’interdiction de lui faire manger du porc.

D’un autre côté, le couple est contre les demandes d’accommodements exagérées qui font la manchette. «On a le devoir de respecter les lois et les règles de là où nous sommes», a estimé le père de famille.

Voilée… et féministe

La mauvaise réputation de l’Islam n’a pas épargné Mme Aboulaz, qui affirme avoir fait l’objet de racisme à plusieurs reprises. «Il y a des gens qui ont été méchants, mais je les comprends. S’ils veulent des explications, par exemple, je suis là», a-t-elle ajouté.

En fait, Aziza Aboulaz n’a rien de la femme soumise et battue. Ambitieuse, cette femme était diplômée en comptabilité au Maroc. Au Québec, elle a dû recommencer ses études secondaires au complet, pour ensuite réussir le niveau collégial. Aujourd’hui, elle fréquente l’université.

Sociable, cette mère de famille a côtoyé la Maison de la famille, Partance, la Maison des femmes, etc. Elle milite aussi pour l’organisme La Passerelle, qui dénonce la violence sexuelle faite aux femmes. Pourtant, elle porte le voile, question d’afficher son identité. Elle donne d’ailleurs des conférences sur la femme musulmane, qu’il ne faut pas confondre avec la culture des divers pays pratiquants.

Cette affirmation ne se fait pas sans ouverture sur l’autre. À Drummondville, elle considère les sœurs catholiques Irène et Clémence comme étant les marraines de sa petite fille. «Elles ont veillé sur nous comme des mamans. Je leur serai toujours reconnaissante!», a partagé celle qui n’hésitera pas non plus à monter, encore cette année, son sapin de Noël.

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