Incendie : Parce qu’il faut plus que des «gars qui veulent bien faire»

Incendie : Parce qu’il faut plus que des «gars qui veulent bien faire»

Le fruit de plus de cinq ans de travail, le schéma de couverture de risques incendie de la MRC de Drummond est en attente d’approbation. D’ici peu, le ministère de la Sécurité publique du Québec attestera, ou non, ce document. Il s’agit d’un vent de réforme en prévention et en intervention d’incendie… jadis l’enfant pauvre des municipalités.

Au dire du chargé de projet à la réalisation du volumineux document de la MRC de Drummond, Eugène Poirier, c’est une vague de poursuites de compagnies d’assurances, contre les municipalités, qui ont contribué à rehausser les exigences. «Historiquement, au Québec, il n’y avait pas plus de morts que dans les autres provinces. Par contre, les feux étaient beaucoup plus gros. Les pertes matérielles étaient le double de celles de l’Ontario», a-t-il mis en contexte.

Lorsque des assureurs intentaient une poursuite, les tribunaux avaient tendance à épargner une municipalité recourant à des pompiers volontaires… qui ne faisaient que leur possible. «Mais une cause a fait jurisprudence, dans la région de Québec, qui est allée jusqu’en Cour suprême du Canada et qui a dit que les municipalités avaient une responsabilité envers leur propre service incendie», a-t-il expliqué, soulignant qu’avant 1998, aucune formation était obligatoire pour être pompier au Québec.

Pour aller plus loin, la Loi sur la sécurité incendie, adoptée en juin 2000, a demandé à toutes les municipalités régionales de comté (MRC) de produire un schéma de couverture de risques incendie, pour la catégorie «feu de bâtiment».

Prévenir et intervenir plus vite

«L’objectif numéro un était la prévention. Le ministre de l’époque (Serge Ménard) croyait que la meilleure façon de sauver des vies, c’était de s’assurer qu’il n’y ait pas de feux. Les autres objectifs concernaient l’intervention», a avancé M. Poirier.

Ainsi, le schéma exige que des visites d’installations de toutes les catégories de risque soient effectuées à des fréquences variables.

De plus, les pompiers devront s’assurer que chaque résidence soit dotée d’au moins un avertisseur de fumée fonctionnel.

Pour les établissements à risque élevé, comme les industries et les entreprises agricoles, l’expertise de préventionnistes sera mise à profit. «Avant, la prévention se limitait souvent à des exercices durant la semaine de sensibilisation à l’automne», a évoqué M. Poirier, qui est également capitaine à la prévention au service incendie de Drummondville.

Le schéma assure aussi que les interventions se dérouleront à partir d’un nombre minimum de pompiers, dans un délai établi. «Cette contrainte s’applique pour le périmètre urbain, où la population est concentrée», a-t-il spécifié.

Dans cette zone, en cas d’incendie, Drummondville doit déployer dix pompiers en moins de dix minutes. Cette période de temps est augmentée à 15 minutes pour les municipalités rurales.

En dehors du périmètre urbain, l’objectif de 15 minutes ou moins devrait être respecté, si possible.

Dans le cas d’établissements démontrant des risques élevés, à l’exemple de l’hôpital Sainte-Croix ou de résidences de personnes âgées, au moins 15 pompiers devront être dépêchés sur les lieux.

L’époque révolue des camions à lait

En matière d’équipement, les critères sont également rehaussés. Si le schéma n’exige pas l’achat de nouveaux camions, il demande qu’ils soient aux normes et que des essais routiers soient réalisés annuellement.

«Ce qui était la mode en milieu rural, c’était de prendre un ancien camion à lait, de le peinturer rouge et de mettre des clignotants dessus : ça devenait un camion de pompier. Il y en a encore dans Drummond… mais il y en a moins», a-t-il fait savoir.

D’après le chargé de projet, le service incendie a toujours incarné une sorte de mal nécessaireé c’était l’enfant pauvre des municipalités.

Au-delà des contraintes financières, d’autres obstacles complexifient la tâche en ruralité, car les municipalités ne sont pas toutes dotées d’un réseau d’aqueduc avec des bornes-fontaines.

Identification de points d’eau, disponibles même par les froids d’hiver, et demande de renfort de camion-citerne font partie des actions poursuivies.

Le peu de pompiers temporaires, disponibles le jour, pousse également la solidarité avec les municipalités autour. «L’avenir des schémas est d’apprendre à travailler ensemble. On ne peut plus dire «chacun ses bébelles dans sa cour». Si tu n’as pas de ressources, il faut se demander si le voisin peut aider», s’est-il dit d’avis.

Du boulot pour cinq ans…

Le document étant déposé, les conseillers du Ministère doivent actuellement étudier l’ensemble du dossier et identifier ce qui doit être corrigé pour des fins de conformité. «On espère qu’en 2008, le schéma soit attesté», a affirmé M. Poirier.

Mais l’attestation n’est que le début, car la mise en œuvre, proposant une trentaine d’actions, est échelonnée sur cinq ans. «Au bout de cinq ans, on devrait être opérationnel, presque à 100 %», a-t-il estimé, indiquant que les shémas doivent être révisés… tous les six ans.

Pour lui, les travaux ont bien avancé dans la MRC de Drummond. Néanmoins, sans vouloir pointer une municipalité plus qu’une autre, il estime que certaines ont du retard à rattraper. «C’était une mise à jour. Celles qui ont progressé avec les années, la marche est moins haute», a-t-il soutenu. À ce jour, seule la Municipalité de Saint-Lucien n’a pas fait parvenir son plan de mise en œuvre, un dossier qui n’avait pas évolué sans controverse, avec les années. «Ma tâche était de regarder avec les municipalités le mieux qu’on pouvait faire pour répondre au minimum de ce que le ministère demandait», a conclu M. Poirier.

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