Policiers, même au bout du monde

Policiers, même au bout du monde

Au cours des deux dernières années, trois policiers locaux de la Sûreté du Québec ont participé à la mission de stabilisation des Nations unies en Haïti. L’un d’eux, l’agent Gilles Belleau, de retour au bercail depuis la semaine dernière, a été renversé par l’immense défi à relever par la communauté internationale.

Policier à la SQ depuis dix ans (il était auparavant rattaché à la sûreté municipale), M. Belleau a voulu prendre part à cette mission «pour le défi et l’aventure». L’idée d’apporter de l’aide à un peuple en difficulté était également fondamentale dans son esprit avant de passer la batterie de tests obligatoires (médicaux, physiques, psychologiques, etc.) et la formation sur les us et coutumes du pays.

Au total, 37 pays sont représentés au sein de la UNPOL en Haïti, de la Guinée au Pérou en passant par le Népal. Les policiers retenus doivent donc faire preuve d’une grande capacité d’adaptation puisque non seulement les conditions de vie sont difficiles et les communications presque inexistantes, la collaboration entre les peuples est en soi un grand défi. «Là-bas, on doit s’arranger pour se nourrir et se loger, a-t-il raconté. Le contact avec les autres nationalités a été extraordinaire. Ça ouvre les horizons.»

En Haïti du 17 janvier au 14 octobre dernier, l’agent Gilles Belleau a été notamment en charge de surveiller deux tours des élections dans une région montagneuse du pays. Ses habiletés ont été mises à rude épreuve puisque ses fonctions dépassaient largement celles d’un policier-conseil. «Il fallait veiller au bon déroulement des élections, mais il n’y avait rien d’organisé. Là-bas, un policier, c’est quelqu’un qui sait tout, qui fait tout, qui guérit tout. Les gens se tournaient toujours vers moi pour régler un problème», a-t-il lancé, en ajoutant qu’il a également participé à la restructuration du service des incendies du pays.

Objectifs communs

Son collègue Dominic Dumont a lui aussi passé dix mois en Haïti au sein de la UNPOL, mais d’avril 2005 à janvier 2006. Frappé lui aussi par l’esprit de camaraderie qui régnait entre les peuples, il s’est lié d’amitié avec des policiers musulmans.

«Il y a du bon monde là-dedans. Ce qu’on voit à la télé, c’est une mauvaise perception des suites du 11 septembre. Je craignais un choc culturel. Certains collègues ne parlaient ni anglais, ni français, ni espagnol. On avait tous des uniformes différents, mais nos objectifs étaient les mêmes», a-t-il affirmé. À l’instar de l’agent Belleau, M. Dumont s’est engagé dans la démarche pour «faire quelque chose qui sort de l’ordinaire». Pour lui, il s’agissait d’une occasion en or de faire sa part. «Je vois les choses différemment depuis mon retour. On ne réalise pas tout ce qu’on a ici», a-t-il commenté.

De son côté, le sergent Daniel Bédard, du poste autoroutier Centre-du-Québec de la SQ, signale qu’Haïti a été toute une expérience de vie pour lui, et ce, malgré les conditions changeantes de la mission. «On était là au début. Tout n’était pas encore défini. Il fallait se revirer de bord rapidement», a-t-il avancé. À l’heure du départ, les adieux ont été difficiles avec la population locale. C’est que les policiers avaient pris sous leur aile un orphelinat et qu’ils s’étaient attachés aux enfants. «J’ai reçu des témoignages très touchants. À l’orphelinat, c’était dur de voir la misère des gens», a-t-il souligné.

Questionné à savoir quel était son plus beau souvenir, l’agent Belleau informe que c’est de voir l’étincelle dans les yeux des enfants chaque fois qu’il se présentait à l’orphelinat. «J’ai réussi à amasser 100 kilos de vêtements avec un autre policier du Québec. On est allé leur porter juste avant de partir. On leur a fait jouer un film pour enfants (Shrek) sur l’ordinateur. On voyait la joie dans leurs yeux. C’était la première fois de leur vie qu’ils voyaient un film. Ils étaient assis à tout de rôle sur mes genoux», s’est-il souvenu.

Un tel périple laisse assurément de bons souvenirs, mais le sentiment d’impuissance était omniprésent. Pour un, Dominic Dumont a assisté à une querelle entre deux villes qui donnait lieu à des raids nocturnes en guise de représailles. Malgré tout son bon vouloir et ses efforts de conciliation, il n’a pu venir à bout de la situation. «On organisait des réunions, mais des gens ne s’y présentaient pas. C’était décourageant… Je vois encore les gens tués à coups de machette», se rappelle-t-il tristement.

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