La Ville de Drummondville a envoyé, cette semaine, un avis d’expropriation à Jocelyn Coderre, propriétaire d’une terre de quelque 3 millions de pieds carrés située en bordure de l’autoroute J-A Bombardier (55) et de la route 139. En plus d’être mécontent, M. Coderre estime que l’expropriant sous-estime la valeur de sa propriété.
Si la Ville souhaite acquérir ce vaste terrain, c’est essentiellement pour agrandir la zone industrielle de l’endroit et, éventuellement, y amener de nouvelles entreprises.
C’est toutefois ce qu’a précisé Martin Dupont, directeur général de la Société de développement économique de Drummondville, l’organisme qui gère les parcs industriels de la région. «Nous avons encore plusieurs milliers de pieds carrés disponibles dans nos pars industriels, mais il est sage d’acquérir de nouveaux terrains pour notre développement. Dans ce cas-ci, nous avons décidé d’exproprier parce que nous avons besoin de terrains industriels à Saint-Nicéphore. Nous voulons développer ce territoire et y implanter de nouvelles entreprises manufacturières. Sans nommer de nom, je sais que quelques-unes sont actuellement intéressées à s’y implanter», a-t-il indiqué.
Ainsi, la Ville a tenté de convaincre Jocelyn Coderre de lui vendre le terrain à plusieurs reprises, mais force est de constater que les parties n’ont pas réussi à s’entendre sur le prix de vente. «Cette terre appartient à ma famille depuis une trentaine d’années. Je suis bien prêt à la vendre, mais à un coût raisonnable. Mon prix, c’est 0,50 $ le pied carré, mais ils (la ville) m’offrent 0,12 $ le pied carré. En gros, ils veulent que je la leur donne! À ce compte, je préfère la garder ou bien la donner à mes enfants», a exprimé le citoyen, qui a reçu l’avis mardi.
Position stratégique
Le directeur général de la Ville de Drummondville, Claude Proulx, n’a pas voulu commenté l’offre, mais a soutenu que la terre est convoitée en raison de sa position géographique.
«Clairement, nous avons exprimé nos attentes et, clairement, M. Coderre a exprimé les siennes. Nous avons tenté à plusieurs reprises de procéder de gré à gré et ça n’a pas fonctionné. La localisation du terrain est intéressante pour nous. Pour fin d’expropriation, nous avons fait évaluer le terrain et fait ressortir les descriptions techniques. Nous allons défendre les valeurs devant le tribunal», a commenté M. Proulx.
Puisqu’il est insatisfait de l’offre de la Ville, Jocelyn Coderre devra donc s’adresser au Tribunal administratif du Québec afin que celui-ci fixe l’indemnité après enquête et audition des parties impliquées.
Ceci dit, depuis quelques années, la Ville travaille à développer davantage la vitrine industrielle du secteur Saint-Nicéphore, laquelle jouit d’une excellente visibilité. À ce chapitre, Transports Québec estime qu’environ 11 000 véhicules circulent sur cette portion, maintenant doublée, de l’autoroute J-A Bombardier chaque jour.
Martin Dupont (SDED) a également précisé qu’un plan de développement sur horizon de 20 ans a été complété pour la zone industrielle de Saint-Nicéphore. «Partout en Amérique, il y a des zones industrielles en bordure des autoroutes. Précisément pour la vitrine industrielle de Saint-Nicéphore, nous savons exactement où nous allons et, à partir du moment où nous connaissons nos besoins, c’est bien normal que nous prenions les mesures nécessaires lorsque nous ne sommes pas capables de nous entendre de gré à gré», a-t-il déclaré.
Selon lui, cette vitrine industrielle pourrait ressembler à celle de l’autoroute Jean-Lesage, en terme de construction, d’ici quelques années.
«La Ville n’a pas le droit»
Conscient du positionnement et de l’attrait de son terrain, Jocelyn Coderre entend se battre pour conserver son titre de propriété.
«Il va falloir que je m’informe auprès d’un avocat, car j’estime que la Ville n’a pas le droit de m’exproprier de cette façon. Elle ne veut pas faire une route; juste agrandir un parc industriel. Elle m’a dit que mon prix était trop élevé, mais je suis sûr qu’elle va le revendre à gros prix à des industriels. Aussi, l’an passé, je voulais faire une coupe à blanc et nettoyer ma terre, mais la Ville a refusé de me donner un permis. Et, cette année, elle veut m’acheter en disant qu’elle ne vaut pas grand-chose étant donné qu’elle est boisée. On dirait que c’est tout arrangé cette affaire-là!», s’est indigné M. Coderre, aussi directeur de la compagnie Saint-Germain Transport.
Cet homme d’affaires a également précisé qu’il souhaitait conserver ce terrain pour des besoins futurs de son entreprise. «C’est vraiment bien situé, surtout pour une compagnie de transport comme la mienne. On ne sait jamais. J’aurai peut-être besoin de m’agrandir un jour à Saint-Nicéphore et, à Saint-Germain, les terres se vendent autour de 0,55 $ le pied carré», a-t-il fait savoir.
Enfin, ce n’est pas la première fois que la Ville de Drummondville exproprie des terres à des fins industrielles.
En 1976, environ 40 millions de pieds carrés ont été expropriés pour permettre l’aménagement de l’actuel parc industriel régional. «Il ne faut pas oublier que ce parc a permis à la ville de poursuivre son développement», a rappelé Martin Dupont, en terminant.