Crise du verglas : «Pour nous, ça a été une vraie catastrophe»

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Par Lise Tremblay
Crise du verglas : «Pour nous, ça a été une vraie catastrophe»

Même s’il s’est écoulé dix ans depuis la crise du verglas, la vie n’a plus jamais été pareille pour Mario Desmarais, propriétaire d’une cabane à sucre commerciale à Lefebvre. En l’espace de quelques jours, il a perdu 84 % de ses 6000 arbres. Depuis, il ne fabrique plus de sirop; il l’achète.

M. Desmarais n’oubliera jamais le mois de janvier de l’année 1998. Cet hiver qui a détruit tous ses efforts… de même que ceux de son père et de son grand-père. Ses érables et ses plaines avaient tous plus de 50 ans. «Jamais je n’aurais cru voir une telle tempête de mes yeux d’homme. J’étais directement au centre du verglas. C’était comme l’arche de Noé! Les arbres craquaient et tombaient devant mes yeux. La vieille cabane à sucre de mon grand-père s’est aussi écroulée. Je songeais justement à la rénover pour y organiser des soupers familiaux plus intimes», a-t-il raconté.

Malgré l’inquiétude du moment, la famille Desmarais a tout de même ouvert ses portes et accueilli des sinistrés de la municipalité. Durant un mois, ils ont préparé des repas chauds aux Lefebvrois. «Je voulais montrer à mes enfants que, malgré les circonstances, il était important d’aider les autres. Nous avons fait cela bénévolement durant un mois, 24 heures par jour. Nous étions chanceux parce que nous avions une génératrice», s’est-il rappelé.

Arbres cotis

S’il savait au moment de la tempête que sa «sucrerie» avait lourdement été endommagée, les véritables dommages se sont surtout révélés au printemps. «J’ai entaillé mes arbres, mais ils n’ont pas coulé. Ils ne couleront plus jamais en fait. Plusieurs sont encore debout, mais le bois est complètement coti. C’est comme s’ils avaient pourris par en-dedans et cela empêche la sève de monter. Dans cet état, le bois ne vaut pas grand-chose. Je n’ai pas pu le vendre en billot. J’ai beaucoup perdu», a-t-il exprimé. Pour tenter de tirer le meilleur de cette «catastrophe», M. Desmarais a dès lors acheté de la machinerie spécialisée pour couper, transformer son bois en «rip» et l’envoyer à l’usine Domtar mais, comble de malheur, le prix du bois a chuté peu de temps après la crise. «Ça a été une année très difficile, a-t-il précisé. J’ai perdu au moins 250 000 $ au total et je n’ai jamais reçu de compensation du gouvernement. Ce n’est pas facile de négocier avec eux (fonctionnaires).» Aujourd’hui, même s’il confie avoir passé à autre chose et se plaire à travailler avec ses fils sur la construction, il avoue sentir un léger pincement au cœur en regardant ses arbres. D’ailleurs, pour prouver à l’auteure de ses lignes que la crise du verglas a laissé des traces 10 ans plus tard, M. Desmarais a coupé à la scie à chaîne quelques arbres pour en dévoiler le cœur. «Les gens qui viennent ici ont l’impression que tout est beau, mais regardez, le centre des arbres est coti et mou. C’est sûr qu’aujourd’hui encore ça me fait bizarre en regardant ça. Mon père et mon grand-père ont travaillé toute leur vie ici. J’ai bâti la cabane à sucre de mes mains et aujourd’hui, quand nous préparons des repas, nous devons acheter du sirop à 32 $ le galon! Ça fait toute une différence, car quand nous en faisions, il nous revenait à 7 ou 8$ le galon. Disons que la rentabilité n’est plus la même qu’avant. Heureusement que nous avons la santé», a partagé Mario Desmarais, généreux.

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