Photo Hénault n’est plus dans le portrait

Photo Hénault n’est plus dans le portrait

Située à l’intersection des rues Lindsay et St-Édouard, à deux pas du bureau de poste, quasiment en face de l’ancien Théâtre Drummond, pas très loin de ce qui fut Le Normandie, l’entreprise familiale Photo Hénault ferme ses portes ce samedi, une soixantaine d’années après le début de l’aventure initiée par Paul Hénault. Une autre institution de chez nous qui disparaît.

Là où les Drummondvillois ont pris plaisir à aller cueillir les photos qu’ils avaient fait développer, afin d’immortaliser les souvenirs d’un voyage, d’une naissance ou d’un mariage, souvent après plusieurs jours d’attente qui rendaient encore plus excitante la découverte de ces images, ce comptoir de la photographie, qui avait commencé en se faisant une toute petite place dans un coin de la pharmacie Tremblay avant de prendre tout l’espace au début des années 70, doit maintenant abdiquer devant les plus gros.

Cette tendance socio-économique n’ira pas en s’atténuant, selon Jean-Pierre Hénault, l’un des six enfants du fondateur de l’entreprise, celui qui, avec sa sœur Isabelle, a pris les choses en mains depuis le décès de leur père au milieu des années 90. «Comment pourrais-je survivre face aux Future Shop et aux Costco qui vendent un appareil à 20 % en bas de mon prix coûtant ? Ce n’est pas pour rien qu’ils poussent sur les garanties prolongées… Le domaine de la photo est fortement touché par ce phénomène, mais c’est aussi le cas pour tous les appareils électroniques, comme les télévisions. C’est inquiétant, car bien d’autres domaines seront ainsi affectés dans un avenir prochain. Moi je dirais que 90% du commerce de détail se réalise actuellement de l’autre bord (lire dans le secteur près de l’autoroute 20), mais ce n’est pas typique à Drummondville», souligne-t-il en citant l’exemple de Sherbrooke.

«Le propriétaire du Centre Hi-Fi, un de mes amis, a dû fermer les portes de son magasin à Sherbrooke au début du mois d’août et il avait raison de souligner que c’est l’ensemble du secteur qui est en déclin». Effectivement, Michel Doyon a expliqué à la presse locale que les marges de profit disparaissaient, tout comme les prix, que les fabricants font des produits jetables que personne ne fait réparer et que la hausse des ventes sur Internet avait également fait mal à son commerce.

Pour Isabelle Hénault, la journée de samedi marquera la fin d’une belle histoire de famille, se rappelant l’époque où le théâtre Drummond offrait une scène sur laquelle se produisaient de grands artistes. «C’était comme le centre culturel avant que le nouveau ne soit construit et plusieurs artistes ont souvent traversé la rue pour faire des achats à la pharmacie. Une fois c’est Gilbert Bécaud qui est venu et ma mère lui a parlé, lui demandant de faire sa chanson Le Mur lors de sa prestation qui avait lieu plus tard en soirée. Ma mère, qui avait évidemment son billet pour le spectacle, avait fièrement constaté que Bécaud avait tenu promesse».

Lionel Lupien n’est pas de la famille mais il a appris beaucoup de Paul Hénault. «Lionel est encore ici et lui comme nous mettra un terme à son emploi. Jean-Pierre et lui nous ont permis, grâce à leurs connaissances en informatique, de tenir plus longtemps et d’améliorer notre offre de service. Nous avons vraiment étiré l’élastique jusqu’à la toute fin. Nous n’avions plus le goût d’investir», a-t-elle dit, sachant que le renouvellement du bail approchait.

Sur les tablettes ou sur les murs, il ne reste plus beaucoup de choses; même l’affiche avec le slogan «Compte tenu du service, nos prix sont les meilleurs» a disparu. Il reste la vieille horloge Kodak film et encore de nombreux cadres sur les étagères. «Les gens ne font plus développer leurs photos comme avant et les cadres servant à les afficher ne se vendent plus. Les photos restent cachées dans le fond des ordinateurs. C’est comme ça aujourd’hui et on ne peut rien n’y faire. Notre entreprise doit s’effacer, est-elle forcée d’observer après une implication personnelle de 17 années, c’est un peu comme une chandelle qui s’éteint…»

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