MAGAZINE. Du Canada à l’Ouganda, de la Suisse au Rwanda, Monk.E laisse une trace partout où il va, que ce soit par ses mots ou ses coups de pinceau. Sa créativité n’a pas de limite. Rencontre avec un artiste hors norme au parcours épatant.
Monk.E fait partie de ces personnes qui ont un talent inné. Le Drummondvillois d’origine a toujours ressenti ce besoin de s’exprimer par la voie des arts. Tout petit, la création faisait partie de sa vie.
«Ma maman était artiste. Elle faisait tout. Elle était ma coiffeuse. Elle était ma designer de vêtements. Elle était peintre. Elle n’avait pas d’éducation en art, mais elle avait une capacité à toucher à tout dans le milieu des arts. Ça a été mon mentor. Ça n’a jamais cessé», exprime David Desharnais-Yergeau alias Monk.E.

«Tous les vêtements que je porte, ce sont les vêtements que je crée maintenant. Quand j’avais quatre ou cinq ans, ma maman m’amenait choisir mes tissus dans les magasins. Elle créait tous mes vêtements. Ce concept-là d’avoir le droit de s’autodéfinir provient définitivement de mon milieu familial et de comment j’ai vécu ma vie drummondvilloise.»
L’artiste a fait ses débuts en bande dessinée. Au primaire, le jeune garçon excellait dans les productions écrites, ce qui lui a valu quelques prix. «La bande dessinée était le médium parfait pour unifier autant ma capacité littéraire que celle en art visuel», souligne-t-il.
C’est à l’adolescence que Monk.E a découvert la culture hip-hop, sculptant la direction de son esthétique artistique et ses objectifs à long terme. Il a développé un fort intérêt pour la création musicale et en arts visuels. Du haut de ses 15 ans, l’artiste faisait du pouce de Drummondville à Montréal pour aller chercher son matériel de graffiti. À la fin de son cinquième secondaire, il a troqué les bancs d’école pour le marché du travail.
L’artiste drummondvillois a vécu un point tournant à l’âge de 19 ans. «J’ai été choisi par le gouvernement du Québec pour représenter la province dans le festival de murale à Sao Paulo au Brésil. Mon employeur ne voulait pas me donner mes vacances. Je devais choisir entre le festival ou mon emploi. J’ai quitté mon emploi.»

S’illustrer à travers le monde
C’est grâce au travail obsessif que Monk.E a réussi à tracer son chemin. «Je dois travailler 80 heures par semaine depuis que j’ai 15 ans. Quand j’étais à l’école, je remplissais mes cahiers et mes agendas de dessins. J’écrivais du rap durant mes pauses du dîner. J’ai focussé ma vie entière sur ma production artistique, à un point tel que ma vie sociale était ma vie artistique», soutient l’homme de 42 ans.
Les médiums de prédilection de Monk.E sont le graffiti et le rap. L’artiste a réussi à se démarquer par sa vision du monde singulière qui se traduit dans son travail. «Par exemple, le type de couleur est très reconnaissable. La raison pourquoi j’utilise ces couleurs-là provient d’une philosophie de vie et de mon désir de donner vie à un endroit. Ces couleurs sont harmonieuses parce que je ne veux pas voler la vedette à l’endroit où je peins, mais je veux m’harmoniser et m’intégrer à l’endroit où je peins.»
Au fil des ans, toutes sortes d’opportunités se sont posées sur sa route. «J’ai peint pour Walt Disney. C’était un moment significatif pour moi. J’ai peint pour l’exposition de Salvador Dali à Montréal. Salvador Dali a été une grande inspiration pour moi. Récemment, j’ai été choisi pour être l’artiste canadien à être représenté dans le Musée Picasso à Paris. Ce sont tous des moments de confirmation que je suis là où je dois être», dit-il.

«Au niveau musical, je suis le seul artiste francophone qui a une chanson originale avec Kendrick Lamar. C’est en soi un accomplissement surréaliste», ajoute-t-il.
En parallèle, Monk.E a développé une forte histoire d’amour avec l’Afrique. Étant trois fois champion canadien de rap improvisé, il s’est envolé en Ouganda en 2014. «Ça a été la première fois que j’ai mis les pieds en Afrique. À partir de là, j’ai fait une compétition de rap. Un des diplomates français m’a demandé d’être le porte-parole du développement du français en Afrique de l’Est. Pendant un an, j’étais porte-parole et je voyageais à travers l’Afrique de l’Est pour promouvoir l’amour du français», dit celui qui a maintenant le continent africain tatoué sur le cœur.
Nouveau chapitre
Monk.E a réalisé des murales dans plusieurs pays différents. La fresque la plus importante de sa carrière se trouve à Drummondville, plus précisément à la promenade Rivia. L’été dernier, il a créé l’œuvre intitulée Retour au bercail sous le pont des Voltigeurs de l’autoroute 20, où la Ville lui a donné carte blanche.
«C’est sûrement ma murale la plus personnelle et la plus profonde. C’est rare qu’un client te permette de parler de toi-même et de plonger dans ton vécu aussi profondément et sans censure. Toutes les photos qui ont été reproduites dans l’œuvre sont des photos que j’ai moi-même prises à travers le monde», explique-t-il.

À son plus grand bonheur, l’expérience se répète dès l’été prochain. Le graffeur réalisera une seconde œuvre à la promenade Rivia, cette fois sous le pont de la Traverse.
«Esthétiquement, ça demeure le même concept. Ça va être des photos de voyage à travers le monde, sauf que je fais une forme de yin yang. La première et la deuxième vont se répondre par complémentarité. La première est une photo en noir et blanc de ma famille, autour il y a des photos très colorées d’endroits magiques où j’ai été dans le monde. La deuxième est l’inverse. C’est une photo en noir et blanc de l’église Saint-Frédéric, autour ce sont des images colorées des gens magiques que j’ai rencontrés à travers le monde», explique-t-il.
Cette nouvelle création viendra renforcer l’empreinte artistique distinctive de Monk.E sur le territoire, tout en assurant une cohérence visuelle entre deux culées des ponts qui surplombent la promenade Rivia.
C’est le début d’un nouveau chapitre. «Je l’ai exprimé de manière claire auprès de mes contacts à la Ville de Drummondville. Je désire rapatrier mon legs à Drummondville. Je désire faire mes œuvres les plus importantes à Drummondville pour créer une forme de magnétisme touristique», supporte-t-il.
De la nouvelle musique
Pour la suite, l’artiste planche sur une multitude de projets, tels que la réalisation d’une murale à l’école Jean-Raimbault et la projection d’un nouveau documentaire à Drummondville.

Ce n’est pas tout. Le rappeur sortira un nouvel album. « J’ai sorti deux albums en 2023, quatre albums en 2024 et j’en sors cinq en 2025. Je produis beaucoup de musique. Comme je vis beaucoup de choses, je suis au milieu d’histoires incroyables et touchantes. Mon bassin d’inspiration est constamment rempli.»
Chacun des albums de Monk.E est réalisé en duo avec un compositeur, basé sur un concept philosophique. Son prochain projet musical «Le fou» sortira en juin prochain.
«C’est de présenter le fou du roi, de présenter le besoin de folie dans nos sociétés démentes. Je crois qu’il est important d’être excentrique. Il est important d’avoir la fluidité du fou pour passer à travers les époques qui nous embrassent.»
À travers tout ça, Monk.E perçoit chaque journée comme une opportunité de croître sa carrière, ses idées et son art. «Je crois que toutes ces années d’expérience ont créé une forme de vitesse de productivité qui fait en sorte que je suis encore plus productif que quand j’étais jeune. Mes capacités techniques en musique et en peinture font de moi une machine à créativité avec peu de limites», termine-t-il.