Le Cégep Drummond lance un cri du cœur face aux contraintes budgétaires à venir

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Par William Hamelin
Le Cégep Drummond lance un cri du cœur face aux contraintes budgétaires à venir
Le gel d’embauche, le plafond des heures rémunérées et les coupes budgétaires importantes menacent l’accessibilité aux études supérieures au Cégep Drummond. (Photo : Ghyslain Bergeron)

ÉDUCATION. L’accessibilité aux études supérieures dans la région de Drummondville est menacée. C’est le message qu’a envoyé le Cégep Drummond à la suite des contraintes et mesures budgétaires qui seront imposées par le gouvernement du Québec lors de la prochaine année scolaire.

Le directeur général du Cégep Drummond, Pierre Leblanc, s’est adressé aux médias et à plus d’une centaine de membres du personnel de son établissement lors d’une conférence de presse, mercredi matin. Dans un discours franc et direct, il a expliqué point par point «l’absurdité» de la situation à venir.

Pour ce qui est des budgets d’investissement et de fonctionnement, sur les 151 M$ coupés dans le réseau des cégeps, M. Leblanc affirme que ce sont plusieurs centaines de milliers de dollars dont le cégep sera privé au cours des deux prochaines années.

«Dans les trois dernières années, on a coupé plus de 50 % de notre budget d’investissement. Ça, ce sont des travaux qu’on ne fait pas ou qu’on retarde, comme une toiture qui coule depuis deux ans. On en est rendu à demander à la Fondation du Cégep de nous donner de l’argent pour qu’on puisse réorganiser des locaux. Ce n’est pas sa mission fondamentale, mais les coupures font en sorte qu’on est rendu là», déplore-t-il.

Gel d’embauche

Le Cégep Drummond défie toutes les prévisions du ministère de l’Enseignement supérieur (MES), qui prévoyait une population de 3 000 étudiants en 2031, alors que le collège dépassera largement ces données dès la session prochaine. Et c’est sans compter les quelque 600 étudiants à la formation continue et environ 300 personnes à la francisation.

Le directeur général du Cégep Drummond, Pierre Leblanc, qualifie la décision du gouvernement provincial d’absurde. (Photo : Ghyslain Bergeron)

Le directeur général estime recevoir 200 étudiants de plus l’automne prochain. Cela veut dire que l’établissement doit embaucher environ 26 enseignants supplémentaires. Une chose qui ne pourrait pas se faire sans mettre à la porte 26 personnes n’offrant pas un service direct aux élèves, en raison du contrôle des heures rémunérées.

Le Cégep Drummond s’est vu fixer son nombre d’heures rémunérées à 699 000 pour l’année scolaire 2025-2026. Sans une allocation de 51 000 heures supplémentaires, le collège devra prendre des décisions extrêmement difficiles, selon M. Leblanc. «Au moment où on se parle, il y a déjà 28 employés de trop. Rajouter cela, ça devient carrément scandaleux», vocifère-t-il.

«À cause du gel d’embauche auquel on est confronté depuis novembre dernier, on ne peut plus embaucher des personnes qui ne sont pas en service direct aux étudiants. Si un prof est malade, on peut en embaucher un autre, mais on est nombreux en christie à ne pas être en service direct à l’élève. Cela crée deux catégories d’employés et je trouve ça très insultant parce qu’on a l’impression que tout le monde est dans le même bateau pour travailler à la réussite de l’étudiant», s’insurge le directeur général.

Obligation morale

Pour faire face à ces mesures, le Cégep Drummond pourrait restreindre l’accès aux études à de futurs cégépiens ou encore cesser de développer de nouveaux programmes d’études à la formation continue. Toutefois, Pierre Leblanc insiste sur le fait que son établissement a l’obligation morale d’accepter la hausse d’étudiants.

«Il est inconcevable qu’on doive refuser des étudiants uniquement pour se conformer à des directives budgétaires déconnectées de la réalité sur le terrain. Imaginez les impacts sur l’économie régionale et la rétention des talents. Si des étudiants de première génération, qui représentent 25 % de la population étudiante du cégep, renoncent à leur projet d’étude, le tissu social serait considérablement atteint», martèle-t-il.

Olivier Lemay, un élève de secondaire 5 de Drummondville et futur cégépien, a adressé son message dans une vidéo diffusée lors de la conférence de presse de mercredi. (Photo : Ghyslain Bergeron)

Plus tôt cette semaine, le cabinet de la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, a déclaré que «les établissements ont la marge de manœuvre pour s’adapter et revoir leurs façons de faire». M. Leblanc n’a pas bien pris cette déclaration.

«Ça envoie comme message qu’on n’est pas de bons gestionnaires, ce qui est complètement faux! On fait très attention et on concentre toutes nos dépenses pour aider les étudiants. Alors quand j’entends [ça], ça l’air facile, mais ces gens-là ne sont pas sur le terrain pour le vivre», estime-t-il.

Le directeur général souligne que le Centre-du-Québec se situe à la 17e position sur l’ensemble des 17 de la province pour le taux de diplomation postsecondaire. «Ça devrait envoyer un message très clair sur le fait qu’on devrait investir davantage dans l’accessibilité aux études ici», croit-il.

«On a besoin de plus d’argent en budget d’investissement et en budget de fonctionnement. Sinon, on pénalise la population étudiante actuelle et future. On pénalise nos employés, notre cégep, notre ville, notre région et notre futur. Bref, on nous coupe les ailes. On demande au gouvernement Legault de cesser de briser les cégeps et de réinvestir rapidement pour sauver les prochaines générations d’étudiants», conclut Pierre Leblanc.

Ce qu’ils ont dit

«Moi, je ne veux pas quitter ma ville pour pouvoir étudier. J’ai la chance d’avoir un cégep près de chez moi et j’aimerais pouvoir m’y inscrire. À cause des mesures annoncées par le gouvernement provincial, mes amis et moi craignons de devoir nous exiler pour aller étudier ailleurs. À notre âge, avoir accès aux études, ça ne devrait pas nous inquiéter!»

– Olivier Lemay, un élève de secondaire 5 de Drummondville et futur cégépien

«En plus de tout ce que le Cégep voit comme absurdité, on est inquiet aussi pour les gens qui vont rester parce que, même si les profs ne sont pas touchés directement, on va l’être par les étudiants qui ont besoin de services adaptés. Je suis aussi impliquée dans le comité de la sécurité et de la santé au travail du cégep, et je m’inquiète pour tous les employés au niveau de la charge de travail. S’il manque quelqu’un, ce sont les autres qui doivent être en surtâche. Ça nous touche énormément parce qu’on a peur qu’il y ait des gens en arrêt de travail à cause de leur santé qui est affectée.»

– Isabelle Boivin, une des membres de l’exécutif du syndicat des enseignants et enseignantes du Cégep Drummond.

Les représentants des syndicats du Cégep Drummond sont inquiets de l’impact qu’auront les contraintes budgétaires sur leur lieu de travail. (Photo : Ghyslain Bergeron)

«Ces coupures ont un impact très important parce qu’on a au moins une vingtaine d’employés professionnels qui sont précaires et qui ne sont pas en contact direct avec les étudiants. Il risque d’y avoir des coupures à l’automne au niveau de ces postes. C’est sûr que s’il y a des gens qui partent, le travail doit se faire quand même et sera remis aux autres. Avec le personnel de soutien, on est un peu le maillon faible du personnel du cégep.»

– Marc Pepin, président du syndicat du personnel professionnel du Cégep Drummond

«On demande au gouvernement Legault de faire marche arrière. On prévoit une augmentation de 14 % du nombre d’étudiants dans l’ensemble du réseau collégial d’ici 2032. Ce sont des coupes budgétaires totalement inconcevables alors que le nombre d’étudiants augmente. On force les cégeps à faire beaucoup plus avec beaucoup moins et ça l’aura d’énormes conséquences et des impacts sur le personnel, et les étudiants en seront pénalisés.»

– Nancy Quessy, première vice-présidente de la FEC

«Drummondville et le Centre-du-Québec sont en pleine croissance et ne peuvent se priver d’aucun talent. On n’a pas les moyens de perdre des jeunes pour qu’ils aillent dans d’autres régions. Toute la communauté est tissée serrée pour s’assurer que nos jeunes aient un bel avenir. Puis là, on voit que le gouvernement fait des coupures. C’est comme si on était punis pour être bon. On a besoin de leur appui pour être en mesure de favoriser l’essence de la région.»

– Stéphanie Lacoste, mairesse de Drummondville.

«Le Cégep de Drummondville est un établissement qui se démarque par la qualité des services et par la qualité des programmes qu’il offre aux étudiants. Avoir des programmes à la hauteur fait en sorte qu’on est en mesure d’enraciner dans une région des personnes qui, dans le futur, vont avoir un impact majeur sur le développement économique. Nous soutenons les démarches qui sont effectuées par le cégep pour demander au gouvernement de reconsidérer les possibilités de croissance pour leur établissement.»

– Gerry Gagnon, directeur général de Drummond économique

«Aujourd’hui, il est important pour nous de donner notre appui au cégep Drummond en lien avec les coupures annoncées. Couper dans l’accessibilité aux études, ça veut dire moins d’étudiants, moins de stagiaires, moins de diplômés et moins de main-d’œuvre dans un contexte économique déjà mis à mal. Dans un contexte où l’on est en pénurie de main-d’œuvre, on ne croit pas que c’est le temps de mettre en place ces différentes [mesures].»

– Alexandra Houle, présidente de la Chambre de commerce et d’industrie de Drummond

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