IMMIGRATION. Frappée de plein fouet par les nouvelles règles en matière d’immigration qui menacent sa stabilité, Matritech exhorte le gouvernement fédéral à revoir sans délai le programme des travailleurs étrangers temporaires (TET). Pour appuyer sa démarche, l’entreprise drummondvilloise publie une vidéo de sensibilisation mettant en lumière le rôle crucial de cette main-d’œuvre au sein de son équipe.
Matritech n’en est pas à son premier cri du cœur. En début d’année, la contrôleuse financière et directrice des ressources humaines, Donna Noble, avait publié une lettre sur les réseaux sociaux soulignant que l’embauche des TET était devenue une nécessité.
De fait, Matritech a bâti une équipe de 118 travailleurs spécialisés dans la transformation du métal, dont 21 travailleurs des Philippines experts en tôlerie, usinage, électromécanique et soudure. Ces employés représentent 18 % de l’effectif total et 32 % des employés de production fabriquant les pièces.
Or, les nouvelles règles resserrent considérablement les conditions d’accueil des travailleurs étrangers temporaires.
Dorénavant, les travailleurs occupant des postes à bas salaire (inférieur à 32,96 $) n’obtiendront qu’un permis d’un an, contre 24 mois auparavant. À l’inverse, ceux gagnant un salaire supérieur pourront obtenir un permis de deux à trois ans.
«Le taux horaire de 32,96 $ (auparavant fixé à 27,47 $) requis peut sembler raisonnable dans certaines grandes villes, mais il représente un défi majeur pour une entreprise en région comme la nôtre. Adapter notre échelle salariale en fonction de ce nouveau seuil impliquerait un reclassement généralisé de nos employés, ce qui engendrerait une hausse de la masse salariale de plus de 1,5 million de dollars par année — un effort financier tout simplement insoutenable pour maintenir l’équité interne et compromettant la pérennité de l’entreprise», informe l’entreprise.
Qui plus est, les entreprises ne peuvent désormais employer au-delà de 10 % de TET, ni soumettre de demandes d’étude d’impact sur le marché du travail (EIMT) si le taux de chômage est à plus de 6 % dans les régions métropolitaines de recensement, comme Drummondville.
Des conséquences notables
Ces nouvelles limites entraînent plusieurs conséquences pour Matritech.
D’abord, la réduction imposée par Ottawa l’oblige à se séparer de 7 des 21 travailleurs philippins, afin de respecter la règle des 10 %. Et à court terme, l’entreprise sera confrontée à la perte de 3 travailleurs expérimentés cumulant plus de 6 ans d’ancienneté, dont leurs métiers sont reconnus pour leur rareté et leur grande pénurie par le gouvernement du Québec.
«La perte de nos travailleurs qui sont intégrés et essentiels à notre production menace notre capacité d’honorer nos contrats et conséquemment pourrait entraîner des pertes d’emplois pour nos travailleurs québécois», se désole-t-on dans une communication écrite envoyée aux médias.
Autre embûche : le taux de chômage non désaisonnalisé de 8 % à Drummondville empêche tout renouvellement de permis jusqu’au mois de juillet 2025.
«En raison d’une rareté de la main-d’œuvre qualifiée et malgré nos efforts intensifiés ainsi que nos démarches proactives, le recrutement pour nos postes spécialisés en production demeure sans issue.»
Derrière les règles, des visages
Pour toutes ces raisons, Matritech appelle le gouvernement Carney à une révision urgente de ces règles pour éviter des «conséquences désastreuses» pour elle-même et les employés, mais aussi pour toutes les entreprises québécoises qui sont confrontées à ces mêmes règles.
Et pour illustrer la portée humaine de la situation, le fabricant de pièces métalliques vient de lancer Derrière les règles, des visages, une vidéo visant à sensibiliser le gouvernement, les partenaires et le grand public à l’impact réel des nouvelles règles d’immigration. Les différents témoignages entendus mettent en lumière l’apport essentiel de ces travailleurs.
«Chez Matritech, nos travailleurs étrangers sont bien plus que de la main-d’œuvre : ce sont des pères, des mères, des amis, des piliers de notre équipe, ce sont NOS JOUEURS. Aujourd’hui, des règles injustes nous forcent à les renvoyer… et c’est tout un pan de notre entreprise et de notre communauté qui vacille», peut-on lire sous la vidéo.
Le soudeur Roadster Babadilla et le tôlier John Rhey Blanquera y partagent leur attachement à l’entreprise.
«Ça fait environ six ans que je travaille ici, c’est ma deuxième maison, ma deuxième famille. Je souhaite que les règles changent», exprime M. Blanquera.
Le directeur de production Éric Filion y expose aussi la raison pour laquelle les travailleurs philippins représentent un choix sensé pour l’entreprise.
«Avec les Philippins, ils arrivent déjà avec leur expertise, car la plupart ont travaillé dans des usines semblables à Matritech au Japon, donc ils ont une bonne expertise dans le métal, tu ne pars pas de zéro»
«Je comprends l’enjeu de l’immigration, mais le gouvernement ne vise pas à la bonne place», laisse tomber le président de Matritech Stéphane Bourgeois.
Hier, en visite chez Matritech, la PDG par intérim du Conseil du patronat du Québec, Marie-Claude Perreault, a pressé les gouvernements fédéral et provincial de répondre aux besoins des entreprises face aux défis persistants de rareté de la main-d’œuvre.