Un manque de relève pour un journal communautaire

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Par William Hamelin
Un manque de relève pour un journal communautaire
Jocelyne Fontaine est la présidente du journal communautaire Le Félix depuis 2015. (Photo : William Hamelin)

MÉDIAS. Le journal communautaire de Saint-Félix-de-Kingsey, Le Félix, célèbrera ses 25 ans d’existence en octobre prochain. Cependant, son équipe fait face à un problème de taille : le manque criant de relève.

Jocelyne Fontaine est la présidente du journal communautaire depuis 2015. Elle raconte avoir été présente à la naissance du média écrit kingséen au début du millénaire. Il s’agissait d’une volonté d’avoir un journal local ayant sa propre identité.

«C’est en février 2000 que Paul-Ernest Deslandes a mis en branle le projet. Il l’a présenté, à l’époque, au Comité local de développement de Saint-Félix, qui l’a reçu favorablement. Le comité du journal s’est formé en mai 2000. Nous étions neuf personnes, dont moi. J’occupais le poste de vice-présidente tandis que M. Deslandes était le président du Félix», raconte-t-elle.

Le Félix a connu une évolution au fil des années. Il est passé sous trois différents formats en près d’un quart de siècle. Le journal comprend maintenant une moyenne de 44 pages par édition, dont huit sont en couleur.

Le vice-président du journal communautaire, Daniel Rancourt, occupe aussi la fonction de journaliste et de photographe. Il effectue au moins un reportage par édition sur différentes personnalités de Saint-Félix-de-Kingsey. Il peut s’agir également d’événement en lien avec l’actualité de la Municipalité, ajoute-t-il.

Le plus gros souci pour le média écrit de Saint-Félix-de-Kingsey est le manque de relève pour prendre la place des membres actuels. (Photo : William Hamelin)

Les lecteurs du journal sont des gens d’un certain âge, reconnait Jocelyne Fontaine. Une version papier est d’ailleurs distribuée à 755 boîtes postales de Saint-Félix-de-Kingsey. Cela dit, les deux ignorent si leur journal est lu par tous ceux qui le reçoivent.

«Quand je passe durant une journée où Le Félix est distribué aux boîtes postales, je vois parfois des copies neuves du journal dans la poubelle de recyclage. On dirait que certains prennent ça pour un dépliant publicitaire», déplore Daniel Rancourt.

Problème de relève

La majorité des gens travaillant pour Le Félix sont surtout des bénévoles. Il n’y a que trois personnes, dont Daniel Rancourt, qui touche un certain revenu.

Jocelyne Fontaine témoigne que le principal enjeu du journal communautaire est le manque de relève. Avec sept personnes siégeant au comité actuellement, la plus jeune des membres a un peu plus de 50 ans.

«Ça fait des années qu’on [cherche du monde] et on n’a pas de relève. C’est toujours les mêmes qui reviennent. Il y a un essoufflement», constate-t-elle.

Daniel Rancourt a servi pendant plus de 15 ans au sein du média de Saint-Félix-de-Kingsey. Il arrêtera ses contributions écrites en juin, mais restera néanmoins sur le comité. Lui aussi s’inquiète du manque de relève.

«C’est la même chose dans plusieurs organismes. Il y a un phénomène lié à l’absence de relève et de [gens prêts à faire du] bénévolat. Des bénévoles, il y en a de moins en moins, et ce, partout», maugrée-t-il.

S’il y a bien une chose qui n’inquiète pas la présidente du Félix, c’est l’aspect financier de son journal. Grâce au financement du ministère de la Culture et des Communications (MCC), des commanditaires ainsi que de la Municipalité, le journal est en «bonne santé financière», explique son vice-président.

Ailleurs dans la province

Le Félix est le seul journal communautaire recensé par la MRC de Drummond. Il est également l’un des quelques journaux communautaires du Centre-du-Québec membres de l’Association des médias écrits communautaires du Québec (AMECQ).

Le Félix a connu trois formats différents au cours de ses 25 années d’exitance : un premier d’octobre 2000 à décembre 2008, un deuxième de janvier 2009 à septembre 2015, puis un troisième de 2015 à aujourd’hui. (Photo : William Hamelin)

Le directeur général de l’AMECQ, Yvan Noé Girouard, constate que ses membres font en ce moment face à différents enjeux. Si certains ont de la misère en termes de revenu à cause de la diminution des publicités, notamment celles qu’offrait le gouvernement du Québec durant la pandémie, d’autres sont également aux prises avec un problème de relève.

«Beaucoup de nos journaux sont nés vers la fin des années 1980 et le début des années 1990. Les gens étaient tous dans la jeune trentaine, dynamiques et passionnés, et la plupart sont restés bénévoles pendant une trentaine d’années. Maintenant, certains approchent les 70 ans. Les gens se disent que c’est peut-être le temps de laisser la place [aux jeunes]. Or, dans les petits milieux, il n’y a personne pour les remplacer», expose-t-il.

M. Girouard rappelle que les médias communautaires jouent un rôle crucial pour les citoyens de petites municipalités. «Les journaux communautaires sont des OBNL. Leur but n’est pas de faire des profits, mais d’informer la population», explique-t-il.

Le directeur général de l’AMECQ craint que le manque de relève ainsi que la fermeture de petits journaux communautaires n’entraînent la formation d’un désert médiatique dans certaines régions.

«Tu as beau avoir un bulletin municipal, il n’y aura pas des entrevues avec des citoyens du village qui font des choses qui sortent de l’ordinaire. Dans les petites municipalités, s’il n’y a personne qui parle d’eux, et bien il n’y a personne d’autre qui va le faire. Tu ne les trouveras pas dans la presse régionale ou nationale», prévient-il.

Les solutions envisagées ne sont cependant pas faciles à mettre en place pour certains médias communautaires, souligne Yvan Noé Girouard. «Le gouvernement et le MCC nous poussent dans la direction du fameux “virage numérique”. [Pour eux], c’est une solution que les journaux soient à la fois numériques et imprimés. Mais il y en a qui vont éventuellement laisser tomber le format papier. Aussi, il y en a encore quelques-uns qui sont trop petits et n’ont pas les ressources pour faire ce virage», détaille-t-il.

Jocelyne Fontaine ignore ce que l’avenir réserve au journal communautaire kingséen. S’il existe une version numérique du Félix, sa distribution papier dépendra notamment de la nécessité de trouver de nouveaux talents pour le comité.

«Depuis quelques années, on organise deux concours d’écriture pour les gens de Saint-Félix : un pour les jeunes de 12 à 17 ans et un ouvert à tous. On a découvert quand même de beaux talents. C’est une idée de faire éveiller l’idée de devenir journaliste et de leur offrir la possibilité de se familiariser avec le métier», termine la présidente du Félix.

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