EXPRESS AFFAIRES. Julie Bissonnette est à la tête de la Fédération de l’union des producteurs agricoles (UPA) du Centre-du-Québec depuis plus de cinq mois. La jeune présidente, âgée de 32 ans, espère apporter sa vision du monde agricole durant son mandat tout en s’attaquant aux enjeux cruciaux.
Julie Bissonnette est née et a grandi sur une ferme laitière en Montérégie. Elle est devenue à son tour propriétaire d’une ferme laitière située dans la municipalité de L’Avenir. Elle a même réussi à accomplir son rêve de travailler à la ferme avec un conjoint qui aimait les vaches tout autant qu’elle.
«Mon conjoint avait déjà démarré son entreprise de production laitière lorsque je l’ai rencontré. J’ai tout de suite embarqué dans son projet avec lui. Ça fait 10 ans que l’entreprise existe, mais ça fait seulement cinq ans qu’on s’est établi à L’Avenir. On forme une bonne équipe ensemble», explique-t-elle.
Pour le jeune couple d’agriculteurs, le travail sur le plancher des vaches est exigeant, mais offre la chance d’être son propre patron. Toutefois, Mme Bissonnette reconnait qu’il lui fallait d’autres occupations notamment à cause des tâches qui peuvent devenir redondantes, comme traire ses bêtes tachetées.

Elle s’occupe notamment de l’aspect financier de son entreprise de production laitière. Un aspect qui lui a donné un atout lorsqu’elle est devenue présidente de l’UPA du Centre-du-Québec. «Je trouve cela important parce que je le vois par moi-même [comme tous les autres agriculteurs] que le prix des engrais a monté ou que le prix de tel produit a baissé», illustre l’agricultrice.
Julie Bissonnette s’est également impliquée dans plusieurs regroupements et organisations au fil des années. De 2018 à 2024, elle a, entre autres, été la présidente de la Fédération de la relève agricole du Québec (FRAQ) pendant six ans et administratrice à la Financière agricole pendant plus de cinq ans.
«J’adore m’impliquer. Je veux faire une différence dans le monde agricole. Mon conjoint et moi avons décidé ensemble que je me devais de mettre l’emphase sur l’implication dans le milieu», relate celle qui siège, à l’heure actuelle, sur le conseil d’administration de la Fédération canadienne de l’agriculture.
C’est ainsi qu’elle a déposé sa candidature pour devenir la nouvelle présidente de la Fédération de l’UPA du Centre-du-Québec. Au cours de son mandat de deux ans, Mme Bissonnette compte faire la promotion de l’agriculture et s’occuper des enjeux politiques et économiques de la profession.
Vivre avec l’incertitude
Une chose est certaine : gérer la menace des tarifs douaniers américains ne figurait pas sur la liste de Julie Bissonnette lorsqu’elle est entrée en poste en octobre dernier. Cependant, la présidente nuance que ce genre d’événement rentre dans le rang du sentiment d’incertitude venant avec le métier.
«En agriculture, il y a tout le temps de l’imprévisibilité, comme une sécheresse ou une inondation. Il y a beaucoup d’incertitudes et des risques dans notre travail. Les tarifs sont un stress qui s’ajoute pour les producteurs. Chaque spécialité, comme le porc et le sirop d’érable, est en alerte sur ce qui se passe. [C’est un sujet qui] reste à suivre, mais [qui demeure] inquiétant», souligne Julie Bissonnette.
En tant que productrice laitière, la jeune agricultrice est inquiète vis-à -vis l’enjeu de la gestion de l’offre. C’est quelque chose qu’elle surveillera attentivement lorsque viendra le moment de la renégociation de l’accord de libre-échange Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM).

D’autres dossiers sont sur son radar durant son mandat. La présidente espère alléger le côté administratif et réglementaire du travail des agriculteurs.
La nouvelle réalité météorologique qu’amènent les changements climatiques est aussi sur sa liste. Elle veut s’assurer que les programmes de gestion des risques et les assurances gouvernementales soient «vraiment adaptés» à ce que subissent les agriculteurs.
Finalement, il y a le dossier de l’aménagement du territoire. Julie Bissonnette énonce qu’il y a une pression énorme sur les terres agricoles, que ce soit au niveau énergétique, avec l’implantation des projets d’éoliennes, ou des municipalités qui veulent agrandir leur périmètre urbain.
«Les terres agricoles représentent moins de 2 % du territoire du Québec. Il faut s’assurer de les protéger. Si tu enlèves une terre, tu l’enlèves à une relève potentielle. Cela fait que la pression monte sur celles qui restent et sur leur prix», fait valoir la présidente.
Le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, a récemment déposé un projet de loi pour la protection du territoire agricole. Ce dernier vise notamment à lutter contre la spéculation de l’achat de terres par des investisseurs étrangers.
Julie Bissonnette est d’accord sur les grandes lignes du projet de loi et que beaucoup de demandes du milieu agricole s’y retrouvent. Elle ajoute que le gouvernement pourrait aller plus loin sur certains points, tout en rappelant que les consultations autour du projet de loi ne sont pas encore terminées.
Attirer la jeunesse
Faisant elle-même partie de la relève agricole, Julie Bissonnette a pu constater qu’il y a toujours de jeunes agriculteurs passionnés par leur profession comme elle. Ses six années en tant que présidente de la FRAQ lui ont permis de prendre conscience de plusieurs réalités méritant d’être défendues.
«On le sait, mon conjoint et moi, que l’agriculture est une belle profession. Il faut continuer à promouvoir ce métier. Il n’y a rien de plus le fun que de se lever le matin en même temps que les animaux que tu élèves. Tu peux voir ton entreprise grandir selon les choix que tu fais et c’est super motivant», s’émerveille-t-elle.

L’un de ses buts en tant que présidente de la Fédération de l’UPA du Centre-du-Québec est de rendre l’agriculture centricoise «positive et attrayante». Pour elle, l’accomplir passe avant tout par la résolution des enjeux liée au territoire agricole, l’allégement de la paperasse et montrer que, malgré l’incertitude, on peut aimer faire ce métier et en vivre.
«L’UPA peut émettre une influence pour que l’agriculture devienne le plus possible attrayante et positive. On doit mettre toutes les chances de notre côté pour que les jeunes veuillent effectuer ce métier en faisant la promotion de l’agriculture», suggère Julie Bissonnette.
Malgré tous les défis qui pèsent sur le dos de la profession, Julie Bissonnette garde encore espoir. «À toutes les fois qu’on s’est dit que [c’était] une grosse année, il y a tout le temps quelque chose qui s’ajoute. On finit finalement par se dire que l’année d’avant était moins grosse. Ce qui me fait garder le moral c’est que, après toutes ces années, l’agriculture est encore là et on a toujours su [s’adapter]», conclut-elle.
Première présidente en 95 ans
Julie Bissonnette est la première femme à détenir le poste de présidente de la Fédération de l’UPA du Centre-du-Québec depuis la création de l’organisation régionale en 1930. Cette dernière ne cache pas sa fierté d’avoir percé ce plafond de verre.
«Je pense que j’envoie un signal comme quoi, dans la vie, si tu veux quelque chose, tu t’arranges pour que ça fonctionne. J’espère aussi que ça donnera le goût à d’autres femmes de s’impliquer et prendre leur place dans le monde agricole en général», soutient-elle.
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