Sous la lumière de Michel St-Martin

Sous la lumière de Michel St-Martin
Le Drummondvillois Michel St-Martin travaille depuis près de 30 ans sur des plateaux de tournage, dont une vingtaine comme directeur de la photographie. (Photo : Ghyslain Bergeron)

MAGAZINE. Avez-vous déjà porté attention à la composition de l’image lorsque vous regardez un film ou une série télé? Lors des productions, rien n’est laissé au hasard et tous les plans passent entre les mains du directeur de la photographie. Coup d’œil sur le parcours du Drummondvillois Michel St-Martin qui pratique ce métier depuis plus de 20 ans.

C’est un peu par hasard que Michel St-Martin en est venu à travailler dans le milieu du cinéma. Il avait entamé un baccalauréat en sexologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), mais il a abandonné cette avenue après deux ans. C’est alors qu’on lui a fait une proposition qui allait changer sa vie.

«J’ai eu un parcours complètement atypique, partage Michel St-Martin. Le père de ma copine à l’époque m’a proposé d’être photographe pour une soirée qu’il organisait. Il m’avait prêté son appareil photo reflex; une chose que je n’avais jamais touchée avant. Il m’a rapidement expliqué comment ça fonctionne. Je me souviens exactement du moment où j’ai mis l’objectif de 135 millimètres sur l’appareil photo. J’ai trippé!»

Six mois plus tard, il entrait au Cégep du Vieux Montréal dans le programme de photographie. Alors qu’il travaillait dans un restaurant pour payer ses études, une collègue, étudiante en cinéma, lui a demandé son aide pour le tournage d’un court métrage.

«Je ne connaissais rien des plateaux de tournage. Je l’ai aidée avec ce que je connaissais, soit la lumière et le cadrage. C’est comme ça que j’ai découvert le cinéma. Au début, je le voyais plus comme une expérience qu’une opportunité de carrière. Mais l’année suivante, en 1994, j’ai été appelé par des gens qui ont travaillé sur ce film et j’ai fait trois courts métrages. Ça m’a donné envie de travailler sur des plateaux», témoigne le Drummondvillois d’origine, qui habite Montréal depuis environ 30 ans.

La série américaine Ghosts, tournée à Montréal, représente assurément un engagement marquant pour Michel St-Martin. (Photo : Bertrand Calmeau)

Michel St-Martin s’est alors mis au travail. Il a fait des appels, en 1995, à des chefs de départements dans le milieu avec l’espoir d’attirer l’attention de quelqu’un. Il lui a fallu patienter environ un an avant de récolter le fruit de ses efforts. En 1996, alors que plusieurs productions se sont installées à Montréal, il a été engagé comme machiniste pour le tournage du fil Le Chacal, mettant en vedette Bruce Willis et Richard Gere.

«Je ne savais pas ce qu’était un machiniste et ce que je m’en allais faire là. Même si je n’avais pas d’expérience, on m’a pris pour cette grosse production parce qu’il manquait tellement de monde. De toute façon, j’allais apprendre sur le tas. J’ai commencé ma carrière comme ça. J’étais tellement occupé que ça m’a pris trois jours avant de réaliser que Bruce Willis était sur le plateau», se souvient-il amusé.

Il a travaillé comme machiniste pendant environ sept ans lors desquelles il a participé à plusieurs productions américaines. Cependant, l’appel de la direction photo grandissait. Il a donc commencé à faire de plus petits projets et il s’est fait la main notamment sur plus de 200 vidéo-clips, publicités et courts métrages. Et depuis 2004, il ne fait que de la direction photo.

«Il y a des gens qui m’ont cru quand j’ai fait connaître mon désir. Probablement que mon attitude sur les plateaux laissait croire que je savais de quoi je parlais. D’un projet à l’autre, les gens sont capables de se faire une opinion et, toi, tu raffines ta façon de faire. Je crois que je laissais une bonne impression parce qu’on me rappelait. On est travailleur autonome. Tant que les gens ne te connaissent pas, c’est difficile de se faire valoir quand tu n’as pas beaucoup d’expérience», raconte M. St-Martin, dont le fils Miko suit ses traces et étudie pour devenir directeur de la photographie.

Adaptation

Le directeur de la photographie a la responsabilité de l’image qui sera captée par les caméras lors du tournage. Cela comprend le cadrage, la lumière et la composition. Il travaille aussi en étroite collaboration avec le réalisateur afin de concrétiser sa vision. La polyvalence et la capacité d’adaptation sont des qualités essentielles selon lui.

«C’est un travail d’équipe. Il y a une partie artistique dans notre travail, mais il faut que les visions de tout le monde concordent», indique le directeur photo, dont la journée type s’étire entre 10 et 13 heures de travail.

Quant au matériel et à la technique, Michel St-Martin confirme qu’il faut avoir de bonnes connaissances de base, mais que beaucoup du métier s’apprend en le faisant. «Ça se fait beaucoup par essais et erreurs. C’est en le faisant que tu comprends certaines choses. Il y a un million de façons d’éclairer, de placer des lampes différemment ou de choisir ses angles. Un angle peut dire quelque chose pour une personne, mais dans un contexte particulier il peut dire autre chose. C’est subjectif, mais tu finis par créer ton propre langage», explique celui qui se dit fan du style sombre et de l’horreur. Selon lui, ce sont des genres où l’image parle beaucoup et laisse place à plus de libertés.

Depuis qu’il exerce ce métier, Michel St-Martin a pu participer à la production de plusieurs films et séries qui ont marqué sa carrière. Il donne l’exemple de la deuxième saison de la série télévisée biographique sur René Lévesque, qui a été la première série à grand déploiement à laquelle il a participé. Il ajoute le film d’horreur et de zombies Blood Quantum, réalisé par Jeff Barnaby, comme une expérience géniale. La série Bad Blood, relatant la vie de Vito Rizzuto, a aussi été enrichissante pour lui. Finalement, pour son niveau visuel et créatif, il cite la série The Sticky comme projet qu’il a particulièrement aimé.

Depuis 2022, il agit comme directeur de la photographie pour la sitcom américaine Ghosts qui est tournée à Montréal. Celle-ci est basée sur un concept britannique qui a été adapté dans plusieurs autres langues et pays. L’émission a été renouvelée pour une cinquième et une sixième saison en février dernier. Pour Michel St-Martin, c’est une chance énorme de pouvoir travailler sur ce genre de production.

«Je suis arrivé pour la deuxième saison. D’être renouvelé pour deux saisons, c’est du jamais vu. Chaque saison compte 22 épisodes qui sont tournés sur sept mois. Les tournages vont super bien; c’est vraiment plaisant à faire. Les acteurs sont incroyables et c’est bien écrit. On n’a jamais eu une série américaine d’envergure qui a tourné plus que cinq ans à Montréal», souligne-t-il.

Depuis janvier dernier, Ghosts est diffusé sur les ondes de Séries Plus à la télévision québécoise.

Michel St-Martin (chandail aux rayures rouges) a pu travailler au Maroc lors de la production du film Les vieux chums mettant en vedette Paul Doucet et Patrick Labbé. (Photo : Miko St-Martin)

Le Drummondvillois sera aussi de la production du film The Stunt Driver, une comédie biographique sur la vie du cascadeur canadien Ken Carter. Le film sera réalisé par Michael Dowse avec qui Michel St-Martin a travaillé sur The Sticky.

Âgé de 53 ans, Michel St-Martin souhaite diversifier ses activités professionnelles pour la suite de sa carrière. En mai prochain, il sera juge au Festival des films du Japon à Montréal. Ce sera une première pour lui et il retrouvera sur le jury l’acteur Paul Doucet avec qui il a travaillé sur le film québécois Les vieux chums. Prochainement, il retournera à l’UQAM pour donner un coup de main à des étudiants sur la production de leur projet final. C’est un genre d’expérience qu’il aimerait répéter sporadiquement.

Côté boulot, le Drummondvillois aimerait travailler sur plus de films ces prochaines années et sur des productions qui l’amèneront à sortir du pays. Il est reconnaissant que Ghosts lui permette de rencontrer de nombreux réalisateurs de partout avec qui il pourrait collaborer de nouveau.

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