SANTÉ. Le journaliste et chroniqueur sportif pour Radio-Canada, Jean-Patrick Balleux, a récemment partagé les raisons de son absence des écrans depuis les Jeux olympiques de Paris 2024. Dans une chronique, parue mercredi dernier sur le site web du diffuseur public, le Drummondvillois raconte avoir survécu à la bactérie mangeuse de chair.
L’Express s’est entretenu avec Jean-Patrick Balleux pour connaitre certains détails de sa mésaventure et son ressenti face à cette expérience. Certains de ses propos peuvent avoir été écourtés et reformulés par souci de clarté et de lisibilité.
L’Express : Comment avez-vous attrapé la bactérie mangeuse de chair?
Jean-Patrick Balleux : «On m’a dit que c’est sur un coup de malchance, comme le 3/4 des gens qui attrapent la bactérie mangeuse de chair. Souvent, c’est par une petite plaie que l’on peut avoir sur la jambe ou le bras. La sueur d’une personne contaminée peut être restée sur une chaise et, lorsqu’on s’assoit dessus, elle touche notre plaie. C’est probablement comme ça que j’ai été infecté, mais les médecins m’ont dit qu’on n’aura jamais d’explication définitive.»
Comment avez-vous su que vous aviez été infecté?
«Au départ, je croyais que c’était la pression liée à l’animation des Jeux olympiques qui retombait. Je suis allé siester pendant une heure et, à mon réveil, j’étais deux fois plus fatigué! Je grelottais alors qu’il faisait 35 degrés Celsius à Chambéry dans les Alpes françaises. Le lendemain, ma jambe droite a commencé à devenir rouge et à gonfler. Trois jours plus tard, je suis rentré à l’hôpital. J’ai passé plein de tests et rapidement on m’a dit la phrase suivante : “Vos pronostics vitaux sont très engagés”. Ce n’est pas une phrase qu’on utilise dans les hôpitaux ici au Québec, mais en France, quand on vous dit ça, ça veut dire : “Vous êtes entre la vie et la mort”. Alors, j’ai été opéré d’urgence. On m’a plongé dans le coma et je me suis réveillé deux jours plus tard. On avait sauvé ma vie et, maintenant, les médecins allaient essayer de sauver ma jambe. Je suis allé 13 fois sur le bloc opératoire en 26 jours.»

Qu’est-ce qui vous a permis de passer à travers vos opérations en France?
«J’étais résilient dès le départ, je ne comprenais pas trop ce qui se passait, mais j’étais prêt à me prêter au jeu. Je disais constamment aux médecins et aux infirmières : “Dites-moi ce que je dois manger, ce que je dois faire comme exercice et je vais le faire pour accélérer le processus”. De plus, chaque fois qu’un membre du personnel rentrait dans ma chambre, je lui posais des questions pour mieux le connaitre. J’ai fini par me confectionner un organigramme de tout le personnel sur l’étage! C’était ma façon de me tenir actif parce que je ne pouvais pas bouger. Pour quelqu’un de très actif comme moi, c’était très éprouvant.»
Combien de temps a duré votre rétablissement?
«Un bon sept mois. Quand ma situation s’est stabilisée, j’ai été rapatrié à Montréal pour la partie greffe de peau et rétablissement. Je voulais absolument être de retour sur pied pour jouer au hockey en janvier. Mon chirurgien m’a dit que c’est très ambitieux. “Ça va dépendre de votre corps et tout est possible, donc je vous le souhaite”, m’a-t-il expliqué. Alors, j’ai tout fait dans ma réhabilitation en physiothérapie. J’ai fait de la kiné pour me remettre en forme. Quand je suis sorti de mes deux mois d’hospitalisation, j’avais un âge physique de 85 ans, complètement démobilisé. J’avais perdu du poids, j’avais perdu des muscles. Je ne pouvais plus marcher. J’étais en fauteuil roulant, puis j’ai commencé à marcher avec des béquilles. Mon corps était bizarre et déformé, mais à force d’effectuer les exercices, la physio, les traitements et les soins, je suis de retour sur pied aujourd’hui! Ma jambe droite est encore enflée et elle va l’être encore pour cinq à six mois, mais les plaies sont fermées. J’ai recommencé à jouer au hockey il y a trois semaines et j’ai retrouvé des muscles.»
Qu’est-ce que vous avez retenu de cette expérience?
«La vie est plus fragile qu’on le pense. Le corps tombe vite, mais le corps peut remonter vite si on a la motivation et les outils nécessaires pour nous remettre sur pied. Dans mon cas, c’était rapide, ça a pris sept mois, et encore, ce n’était pas assez rapide pour moi! Au bout du compte, j’ai décidé d’essayer de me calmer; de ralentir un peu le rythme de vie pour ainsi profiter plus de la vie parce que je pense que j’en profite beaucoup, mais peut-être en profiter mieux et des gens qui sont dans ma vie.»
Pourquoi avez-vous voulu raconter votre mésaventure malgré votre position de journaliste et l’éthique journalistique de Radio-Canada?
«Pour plusieurs raisons. D’une part, pour rassurer les gens qui me cherchaient depuis sept mois et à qui j’avais promis de revenir à D’abord l’Info. Je tenais à remercier tous ceux qui m’ont aidé dans ce processus de guérison. Je voulais aussi éduquer le monde sur les effets de la bactérie mangeuse de chair. Depuis la parution de ma chronique, plein de gens m’ont écrit pour me remercier d’en avoir parler ouvertement et m’ont dit que mon exemple leur donne du courage. D’ailleurs, j’ai même reçu un message de Lucien Bouchard alors que j’étais hospitalisé en France! Je pense aussi que ça m’a aussi servi en terme thérapeutique. J’ai l’impression que raconter ce qui m’est arrivé pourrait m’aider dans mon processus de guérison.»

Maintenant que vous en savez plus, qu’est-ce qui vous a le plus surpris sur la bactérie mangeuse de chair?
«J’ai appris que c’est 30 % des patients atteints de la bactérie qui meurent dans les premières heures ou à la première opération. C’est une statistique que je ne savais pas avant d’aller sur le bloc opératoire pour la première fois. Dans mon cas, j’ai perdu 20 % de la jambe droite, des orteils jusqu’au genou, mais j’ai quand même eu des investigations dans la cuisse et dans le bas du dos. Si la bactérie se rend jusqu’aux os, il faut couper le membre infecté parce qu’on ne peut pas arracher des os. Et si c’est jusqu’aux organes vitaux, on décède. Alors dans mon cas, c’est allé à quelques centimètres près de mes organes vitaux. Depuis quelques années, les cas se multiplient partout dans le monde sans que l’on sache pourquoi. Au Québec, on remarque une hausse de 55 % par rapport à 2019, selon le ministère de la Santé. Je pense qu’il faut que les gens sachent quoi faire quand ils voient des symptômes comme ça.»