ÉDUCATION. Il y a des projets scolaires qui marquent plus que d’autres. Par-delà les frontières, une initiative qui a rejoint 162 élèves de différents horizons, en fait assurément partie.
L’enseignante de français Annie Jutras aime sortir des sentiers battus à l’école Jean-Raimbault. Au fil de ses 27 ans de carrière, elle a mis sur pied une panoplie de projets.

«L’école ne sert pas juste à apprendre des connaissances. C’est aussi pour se développer sur le plan humain. Les jeunes apprennent à se découvrir à travers de belles réalisations. Quand je fais un projet, j’aime ça laisser des petites traces», dit-elle, le sourire aux lèvres.
Par-delà les frontières représente un coup de cœur pour Annie Jutras. Pas moins de 90 élèves de cinquième secondaire de l’école Jean-Raimbault ainsi que 72 élèves de francisation des écoles Jeanne-Mance et La Poudrière ont pris part au projet.
Le point de départ? Le premier roman de Caroline Dawson, intitulé Là où je me terre. Il s’agit d’un récit autobiographique dans lequel l’autrice d’origine chilienne migre avec sa famille au Québec. «Je voulais faire découvrir ce livre aux élèves. En même temps, je voulais créer quelque chose de signifiant», indique l’enseignante.
Au fil des pages, les élèves de cinquième secondaire en ont appris davantage sur les défis d’adaptation rencontrés par un nouvel arrivant, tout en réfléchissant sur la notion de frontières. «Les frontières peuvent être partout. Elles sont aussi grandes que petites. Un problème de mathématique peut être une frontière si on a des difficultés. Les frontières servent à rester dans notre zone de sécurité ou poser des limites», explique Mélyna Poudrier, âgée de 16 ans.

En parallèle, les adolescents ont été initiés à la création de zines avec l’écrivaine et éditrice Véronique Pepin. «À la première rencontre, j’ai parlé de mon travail et du fonctionnement de l’édition du livre. Un zine est une petite publication autoéditée. À la deuxième rencontre, on a travaillé sur l’écriture poétique. Au troisième atelier, on travaillait sur la mise en page du livre», explique-t-elle.
Véronique Pepin a également conçu une série d’ateliers pour les élèves en francisation. L’enseignant Anthony Girard était présent tout au long du projet pour accompagner les jeunes de sa classe. «Le défi des élèves était le vocabulaire. Ils ne sont pas encore assez habiles. Malgré tout, ils ont embarqué à pieds joints. J’ai adoré l’expérience et les élèves aussi», exprime-t-il.
Un total de 162 zines ont été créés, de façon numérique et artisanale.
Voir plus loin que les différences
Ce n’est pas tout. Le projet était également l’occasion d’ouvrir un dialogue interculturel. Accompagnés par Véronique Pepin, tous les participants ont réalisé un portrait impressionniste, en remplissant un questionnaire. Chaque élève de Jean-Raimbault a été associé à un élève de francisation, de manière anonyme. Les jeunes ont partagé leurs créations entre eux, ce qui a donné lieu à des échanges empreints de sensibilité et d’authenticité.

À la fin du processus, les participants ont dévoilé leur identité par l’entremise de capsules vidéo et de photos. Ce moment a été marquant pour Mathias Bousquet. Il a découvert que son correspondant est originaire de l’Ukraine.
«J’ai été vraiment étonné lorsque j’ai vu la fiche et l’appréciation. Il parle l’ukrainien, le russe, le polonais, l’anglais et le français. Ce sont cinq langues. Je suis à peine capable d’en parler deux. C’est vraiment impressionnant», s’exclame le garçon de 17 ans.
«Dans son zine, j’ai appris qu’il aime passer du temps à l’ordinateur. J’aime beaucoup jouer aux jeux vidéo. Ça m’a étonné qu’on ait un aussi gros point en commun», ajoute-t-il.
Mathias Bousquet tire des leçons de son expérience. «Au fond de nous, on a tous des différences. Certes, les différences sont plus remarquables. Les ressemblances sont plus cachées. C’est peut-être la meilleure chose qu’on peut découvrir chez quelqu’un. Il faut prendre le temps de les découvrir.»
Le jeune garçon a même proposé à son correspondant de le contacter en dehors du projet.
Sans contredit, le projet a construit des ponts entre les différentes cultures. La Québécoise Mélyna Poudrier et la Mexicaine Daniela Melchor Ruiz ont découvert qu’elles aiment le même film, à leur plus grand étonnement.
«Daniela a écrit le nom du film Dragons en espagnol sur sa fiche. Même si elle vient d’un autre pays, on a les mêmes références», a dit l’élève en cinquième secondaire.
À travers tout ça, une exposition itinérante a vu le jour.
Lors de la visite de L’Express, les zines étaient affichés à la bibliothèque de Jean-Raimbault. Les publications voyageront jusqu’au mois de mai. Entre autres, l’exposition sera présentée dans deux autres écoles secondaires ainsi que dans deux lieux publics de Drummondville.