Cellulaire à l’école : des parents demandent l’interdiction en tout temps

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Par William Hamelin
Cellulaire à l’école : des parents demandent l’interdiction en tout temps
La majorité des parents questionnés par le comité de parents sont en faveur d’une interdiction complète de l’utilisation du cellulaire à l’école par leurs enfants. (Photo : Ghyslain Bergeron)

ÉDUCATION. Le comité de parents (CP) du Centre de services scolaire des Chênes (CSSDC) a interpellé dernièrement les écoles de la MRC de Drummond pour modifier leur code de vie afin d’interdire l’usage en tout temps des téléphones cellulaires.

Le CP a émis dernièrement un avis sur l’usage des cellulaires et d’autres appareils numériques personnels à l’école. On y indique que cette «distraction chronique» nuit à la qualité de l’apprentissage des élèves et la socialisation entre eux.

L’enseignant en univers social à l’école secondaire Jeanne-Mance, Gabriel B. Houde, explique que ses élèves n’utilisent leur cellulaire qu’à des fins pédagogiques comme répondre à des questionnaires en ligne. Si un de ses élèves oublie de le laisser dans son casier, il doit le déposer dans une pochette placée à l’avant de la classe. Il récupère son appareil une fois le cours terminé, résume l’enseignant.

En vertu d’une directive du ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, les téléphones cellulaires sont interdits dans les classes, mais pas dans les écoles, depuis le début de l’année 2024. M. Houde reconnait que ses élèves sont moins distraits depuis son entrée en vigueur.

«Je pense que, pour la plupart des profs, et je m’inclus là-dedans, ça représentait quand même une source de distraction. Dans la mesure où, même si l’élève n’utilisait pas son cellulaire, parfois, les notifications qu’il [recevait] pouvaient le déranger et le distraire durant la période», raconte-t-il.

L’enseignant en univers social trouve intéressant l’avis émis par le CP, surtout pour ce qui est de la socialisation. «On le voit durant les pauses : souvent, les jeunes se retrouvent sur leur appareil électronique, mais ont peu d’interactions entre eux. Ce serait peut-être bien de ne pas avoir ces appareils. Ça permettrait aux adolescents de discuter ensemble plutôt que répondre à des messages», pense M. Houde.

Une demande unanime

Plus tôt en janvier, plus de 3000 parents ont répondu à un sondage du sous-comité numérique du comité de parents. Il portait sur l’usage du numérique par leurs enfants. La présidente du CP du CSSDC, Marie Pier Bessette, confie que les réponses liées au cellulaire à l’école sont unanimes : il faut l’interdire en tout temps.

Marie Pier Bessette est la présidente du comité de parents du Centre de services scolaire des Chênes (Photo : William Hamelin)

«Les parents sont conscients qu’on s’est rendu trop loin et se demandent à quel point on est capable de reculer sur ce problème. On le voit, et on est bombardé d’informations d’à peu près toutes les instances de santé publique là-dessus, que nos enfants sont accros et dépendants [au cellulaire]. Ils ne se parlent plus, ne socialisent plus, et ont de moins en moins de compétences sociales entre eux», liste-t-elle.

Le CP demande ainsi aux conseils d’établissement des écoles primaire et secondaire du territoire du CSSDC de modifier leur code de vie et d’interdire la présence de cellulaires et d’autres appareils numériques personnels à l’intérieur de leur mur.

Marie Pier Bessette croit que la directive du ministre Drainville laisse à désirer sur certains points. Elle cite en exemple l’utilisation de façon pédagogique des cellulaires, perçus comme l’une de ses «grosses faiblesses».

Elle évoque également l’usage de l’appareil à l’extérieur des classes. «Allez vous promener dans une école secondaire sur l’heure du midi. C’est horriblement silencieux! Les jeunes n’interagissent plus [ensemble]», témoigne Mme Bessette.

«Demandez à n’importe quelle direction d’école, elles vont vous dire que la vie scolaire est de plus en plus difficile. Les élèves ne participent plus à des clubs sur l’heure du midi. Ils sont sur leur téléphone et ne font plus rien», ajoute-t-elle morfondue.

Le directeur du service des communications du CSSDC, Normand Page, affirme que la décision de suivre les recommandations du CP reviendra aux écoles.  «Chacune d’elles approuve annuellement son code de vie lors d’une séance du conseil d’établissement.  Il lui revient donc d’en discuter et de décider des orientations souhaitées selon la réalité du milieu», indique-t-il.

Une autre responsabilité

Le président du Syndicat de l’enseignement de la région de Drummondville (SERD), Guy Veillette, est étonné de l’avis formulé par le CP. S’assurer que les élèves laissent leur cellulaire dans leur casier toute la journée serait une autre charge de travail sur les épaules des enseignants, selon lui.

«Il y a déjà un modèle de gestion mis en place par les enseignants avec les pochettes installées en avant de la classe. C’est certain que si l’objectif c’est de ne pas avoir de cellulaire à l’école, le plus simple, à mon avis, c’est de le laisser à la maison. C’est aussi simple que ça! On arrive au même objectif», mentionne M. Veillette.

Une commission spéciale chargée par Québec d’étudier les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur les jeunes doit déposer ses recommandations en mai. (Photo : Ghyslain Bergeron)

Marie Pier Bessette affirme que cela fait partie du rôle d’une école d’appliquer différents règlements du code de vie comme le code vestimentaire. «Je ne dis pas que ça va être facile la première année, mais, pour moi, ce [serait] une consigne parmi tant d’autres. Si on veut être des adultes bienveillants qui encadrent bien les élèves, ça fait partie des tâches des enseignants», estime-t-elle.

La présidente du CP rappelle que la mission d’une école publique c’est d’instruire, former et sociabiliser. Le lieu d’enseignement doit aussi être un filet social et de sécurité pour les enfants, selon elle. L’avis sur l’utilisation du cellulaire ne minimise toutefois pas les responsabilités des parents dans «l’éducation vers un usage numérique sain des élèves».

Le ministre de l’Éducation étudie actuellement la possibilité d’imposer l’interdiction complète du cellulaire dans les écoles de la province. Marie Pier Bessette interpelle les conseils d’établissements du CSSDC à être en avance sur les autres. «Pourquoi attendre de se le faire imposer quand on a le pouvoir de le faire localement, à notre saveur et à notre rythme?» termine-t-elle.

En mai dernier, le gouvernement Legault a mis sur pied une commission spéciale transpartisane afin d’étudier les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur les jeunes. Lors d’une tournée réalisée dans le cadre des travaux, la majorité des 500 adolescents interpelés s’opposent à l’utilisation du cellulaire dans les écoles. La commission spéciale doit déposer ses recommandations en mai prochain.

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