TARIFS. 18 %. C’est la proportion d’emplois en entreprises manufacturières exportatrices dans Drummond qui sont désormais en danger en raison des relations économiques avec les États-Unis.
Cela représente au minimum 3 100 emplois qui se retrouvent désormais à risque en raison des tarifs douaniers imposés par les États-Unis au Canada depuis le 4 mars. C’est dans ce contexte que Drummond économique et la cellule stratégique régionale ont organisé une séance d’information pour les entreprises de la région le 5 mars en matinée. Plus d’une centaine de leurs représentants y ont assisté au Centrexpo Promutuel Assurance.

«Notre plus gros secteur, qui comprend tout ce qui est machinerie, métal et équipements de transport, avec ses 5 600 emplois dans la région, est le plus susceptible d’être visé, affirme Gerry Gagnon, directeur de Drummond économique. D’autant plus qu’on parle de tarifs sur l’acier et l’aluminium. Ce sont des secteurs qui seront sous le microscope de Drummond économique. Sinon, les secteurs du meuble, du bois et de la distribution seront aussi affectés. Les petits gains qu’on va tenter de faire sur le territoire en investissement et en création d’emplois ne pourront pas compenser les pertes d’emplois. Espérons qu’elles seront temporaires.»
Selon M. Gagnon, les plus petites entreprises ne doivent pas être oubliées alors que l’attention est actuellement sur les plus grands joueurs. Les sous-traitants du domaine manufacturier, les entreprises de services, comme le transport, représenteront cette deuxième vague d’impacts de l’imposition de tarifs par nos voisins du Sud.
«Il y aura des vagues et on aura tendance à penser à ceux qui exportent. Gardons en tête que ce sont les plus petits et les sous-traitants qui auront les plus grandes difficultés. Souvent, les plus grandes entreprises ont plus de moyens pour se retourner de bord comme on dit. Dans ce cas-ci, l’objectif est de s’organiser pour éviter que l’ensemble des chaînes d’approvisionnement et de fournisseurs soient impactées», soutient le directeur général.
«Le plus important est de se serrer les coudes, a soutenu Stéphanie Lacoste. C’est ce qui a fait la force de Drummondville jusqu’à maintenant et c’est ce qu’on fait encore à ce jour. Tous les acteurs, qu’ils soient économiques, politiques et même sociaux, sont ensemble pour passer la crise et faire en sorte que nos entreprises restent debout. On va répondre présent pour soutenir nos entreprises», ajoute la mairesse de Drummondville, Stéphanie Lacoste.

Par ailleurs, Drummond économique se réjouit du lancement des chantiers en productivité et pour la diversification des marchés par le gouvernement du Québec. La productivité étant ciblée comme un enjeu régional, ces initiatives pourraient apporter des pistes de solutions durables.
«Ce sont des chantiers qui sont là depuis longtemps. Pour nous, c’est important de poursuivre dans la même veine, mais de prendre des actions, surtout pour la diversification des marchés. C’est un processus qui est long, il faut le lancer dès que possible pour trouver les bons marchés. Après, il s’agira de lancer les démarches pour s’assurer d’avoir une plus grande pérennité. L’idée d’avoir plus de paniers pour nos œufs est une bonne nouvelle dans les circonstances», indique M. Gagnon.
Afin de rassembler en un seul endroit tous les dispositifs d’aide, Drummond économique invite les entreprises à visiter la page dédiée aux mesures tarifaires sous l’onglet services aux entreprises sur son site web. L’organisation s’affaire actuellement à décortiquer l’ensemble des programmes afin de bien orienter les entreprises qui en auront besoin.
«Si les entrepreneurs ont une quelconque préoccupation, il faut appeler Drummond économique. Il y aura une ligne dédiée. On fera en sorte de les accompagner dans tout ça pour qu’ils passent à travers la crise», annonce Mme Lacoste.
Ce qu’ils ont dit
À la conclusion de la rencontre d’information, des entrepreneurs de la région ont accepté de partager à L’Express leur état d’esprit quant aux tarifs américains et la réponse tant des gouvernements que de Drummond économique.

«En étant un sous-traitant fabricant de pièces pour des entreprises qui exportent aux États-Unis, on n’a pas encore l’impact exact actuellement, dit, le président de Matritech, Stéphane Bourgeois. On a des prévisions toutes les semaines alors j’imagine qu’on en saura plus prochainement. On est dans le domaine du transport, avec les véhicules récréatifs, ce sont des domaines qui seront sûrement impactés. Environ 80 % de nos clients exportent. C’est difficile à dire à l’heure actuelle comment le tout va se développer.»
«Sixpro est un sous-traitant de sous-traitant, dit son président-directeur général, Claude Fournier. J’ai déjà quelques clients qui ont perdu un volume de travail. Il est encore tôt pour se prononcer sur l’efficacité des mesures en place. Aussi, je pense qu’il y a encore plusieurs mesures à venir. On ne connaît pas les impacts. Encore aujourd’hui, on nous dit que les gouvernements canadien et américain négocient. On ne sait même pas où on sera ce soir. En ce moment, c’est la zone grise la plus totale. C’est comme une deuxième COVID.»
«Pour l’instant, on regarde comment le marché va s’installer, mentionne Thomas Levasseur, contrôleur chez Structure BRL. On surveille le prix de l’acier pour les augmentations et les projets à savoir s’ils se donnent. Présentement, on a encore des soumissions. C’est de l’inconnu. C’est possible que des entreprises de structures d’acier qui sont aux États-Unis se rapatrient au Canada et deviennent des compétiteurs.» L’entreprise n’a pas de contrat aux États-Unis, mais elle s’y procure environ 10 % de son acier.

Les gens sondés ont aussi souligné comment ce genre de rencontre est importante dans un contexte actuel afin de pouvoir échanger avec des homologues des différents milieux industriels et économiques.
«C’est rassurant de voir des rencontres comme ce matin où on voit que les gens se regroupent et veulent travailler ensemble et apporter leur aide au maximum. C’était bien d’en apprendre sur les programmes d’aide, mais ce l’était aussi pour parler au réseau», dit M. Fournier.
«La présentation de ce matin nous réconforte surtout quant au financement accessible. Ça permet de se préparer à affronter les tarifs, mais pour le reste, c’est à voir comment ça va se dérouler», ajoute M. Levasseur.
«On est dans un mode où on sent que les gens veulent se serrer les coudes. Il y a un sentiment de solidarité qui s’établit présentement entre les manufacturiers. En étant réunis, ils ont pu converser avec des collègues qui sont dans la même situation. C’est de là que peuvent émaner des opportunités», estime Gerry Gagnon.