Une décision qui ne fait aucun sens pour un entrepreneur

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Par Louis-Philippe Samson
Une décision qui ne fait aucun sens pour un entrepreneur
Le CIUSSS MCQ doit quitter le local du 230, boulevard Saint-Joseph Ouest en juillet prochain. (Photo : gracieuseté)

SANTÉ. Le CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec (CIUSSS MCQ) a pris la décision de mettre fin à la location d’un local du boulevard Saint-Joseph Ouest où environ 200 employés travaillent. Cependant, aucun autre espace n’a été déterminé pour accueillir tout ce monde.

L’immeuble du 230, boulevard Saint-Joseph Ouest est la propriété de Richard Leclerc, qui est l’ex-dirigeant de Leclerc Assurance. L’histoire commence pour lui à la fin de l’été 2019 lorsque le CIUSSS MCQ était à la recherche d’espace pour y installer ses employés affectés au service de soutien à domicile. En raison de l’urgence du besoin, le CIUSSS n’a pas lancé un processus d’appel d’offres pour dénicher ce local de 20 000 pieds carrés (1 860 mètres carrés).

Le CIUSSS a principalement aménagé des cubicules de travail et quelques bureaux fermés dans le local de M. Leclerc. (Photo : gracieuseté)

«J’avais rencontré un représentant du CIUSSS, de la région de Drummondville. À ce moment, le CIUSSS avait besoin de grands espaces pour y regrouper du personnel qui était réparti un peu partout dans Drummondville, dont au CLSC, raconte Richard Leclerc. Initialement, le CIUSSS voulait faire un projet pilote en créant un hub central. À ce moment, je savais que c’était un bail à court terme en situation d’urgence que le CIUSSS voulait prendre en sachant qu’il lancerait un appel d’offres éventuellement.»

L’aménagement des locaux tirait à sa fin lorsque la pandémie a éclaté au printemps 2020. En raison du caractère urgent de la situation, Richard Leclerc pouvait seulement signer un bail d’un an avec le CIUSSS avec la possibilité de le renouveler annuellement. Si le CIUSSS devait quitter, il a été convenu qu’un délai de six mois, au lieu de celui d’un an demandé par le gouvernement, devait être fourni au propriétaire pour faire part de la décision.

Le bail a été renouvelé quelques fois. La dernière menant le contrat à expirer le 31 juillet 2025. Entre-temps, le CIUSSS n’a jamais lancé le processus d’appel d’offres envisagé depuis 2019. La date butoir pour confirmer le renouvellement du bail étant le 1er février dernier, des discussions quant à une possible prolongation se sont amorcées l’automne dernier. C’est finalement le 28 janvier que le CIUSSS a fait part de son intention de quitter les locaux l’été prochain.

«On sait que ça peut prendre des mois, voire une année, pour finaliser un appel d’offres au gouvernement. On était continuellement en attente que cet appel d’offres soit lancé. Comme entrepreneur, il faut constamment prendre des décisions. En considérant la localisation de l’édifice et les possibilités, on aurait facilement pu agrandir le bâtiment pour répondre à l’appel d’offres. On ne recherchait pas réellement de locataires différents parce qu’on tenait à soumissionner pour ce projet», mentionne M. Leclerc.

Déception

Aujourd’hui, voyant quitter le CIUSSS sans qu’un processus d’appel d’offres ait été démarré, Richard Leclerc ne peut qu’être déçu de la tournure des événements. D’autant plus que des gestionnaires du CIUSSS lui ont répété à maintes reprises que l’institution manque d’espace à Drummondville. M. Leclerc se demande donc où les employés seront relocalisés.

Richard Leclerc, propriétaire du local loué depuis cinq ans par le CIUSSS, déplore que l’appel d’offres pour la location à long terme d’un local comme le sien n’ait jamais été lancé. (Photo : Louis-Philippe Samson)

«On avait confiance en l’information qu’on recevait des gens du CIUSSS comme quoi un appel d’offres serait lancé. À un moment donné, Santé Québec arrive et il y a un gel total qui a duré neuf mois. On n’a eu aucun suivi pendant ce temps. Ensuite, le projet a été coupé», se désole le propriétaire de l’immeuble.

Il en est aussi venu à se questionner sur la gestion des finances faites par le gouvernement. Une somme avoisinant le million de dollars a été avancée pour l’aménagement de ce local temporaire.

«Ça semble faire partie des coupures de 1,5 milliard de dollars en santé que met en place le gouvernement. Le million qui a été investi pour cinq ans dans un local ne me semble pas être la meilleure façon de dépenser les fonds publics», avance M. Leclerc.

Il se questionne également sur les coûts qui seront occasionnés par la relocalisation de tous les employés touchés par cette fermeture. D’ailleurs, le CIUSSS a demandé à M. Leclerc s’il était possible de prévoir un prolongement du bail si jamais il ne pouvait pas quitter l’endroit à temps en juillet. Le propriétaire a accepté et a fourni deux options à l’institution. La première étant une prolongation mois par mois et la seconde qui repousserait la fin du bail à décembre 2025.

La raison qui lui a été donnée pour justifier le départ est que le CIUSSS souhaite diminuer son nombre de contrats de location d’espaces de bureaux.

«On m’a dit qu’il faut couper des baux et rapetisser de l’intérieur. Je ne comprends pas comment ils vont rapetisser de l’intérieur. Ils n’avaient pas l’espace en 2020 et aucun bâtiment n’a été construit depuis. On ne sait pas où les employés seront envoyés», se questionne Richard Leclerc.

Des employés du Pavillon Laforest ont aussi été relocalisés dans un autre local de l’immeuble de M. Leclerc. Le bail prend fin le 7 mars. Depuis l’arrivée du CIUSSS en 2020, les espaces dédiés au CIUSSS MCQ ont été agrandis pour atteindre près de 40 000 pieds carrés (3 720 mètres carrés) dans cet immeuble, incluant ceux réservés au Pavillon Laforest.

 

Le syndicat surpris et inquiet

Cynthia Giguère-Martel

 

L’Express a contacté le syndicat représentant les infirmières du soutien à domicile pour obtenir ses commentaires à la suite de l’entrevue avec Richard Leclerc. Toutefois, aucun délégué n’était au courant de la situation.

«Je n’ai pas vraiment de détails à vous donner, car vous nous l’apprenez», lance Julie Morel, agente de proximité à Drummondville pour la FIQ.

Le CIUSSS a principalement aménagé des cubicules de travail et quelques bureaux fermés dans le local de M. Leclerc. (Photo : gracieuseté)

Coïncidence ou pas, quelques heures après notre appel, une rencontre obligatoire avec les employés concernés s’est tenue.

«Je peux dire qu’il n’y a pas vraiment d’information qui en est ressortie sinon que le CIUSSS a confirmé que le bail se terminait. Tout le monde est surpris. Une employée m’a dit avoir vu, quelques jours auparavant, des hommes en habit et cravate qui se promenaient dans le local. Ça a soulevé des questionnements», explique Mme Morel.

«Est-ce qu’ils vont tous être redirigés vers un autre endroit? Est-ce qu’ils feront plus de télétravail alors que présentement, ce n’est pas vraiment permis? On ne parle pas d’une petite équipe à déplacer…», s’interroge l’agente de proximité.

De son côté, le CIUSSS MCQ confirme que le bail prend fin le 31 juillet prochain tout en indiquant qu’il est présentement en analyse en ce qui concerne l’ensemble de ses ressources immobilières.

«Les ressources immobilières où le CIUSSS est en location sont présentement analysées afin d’assurer une utilisation optimale des locaux de notre organisation. Cet exercice de révision est fait de façon régulière dans un souci de saine gestion», écrit dans un échange de courriels Laurence Chartrand, agente d’information.

Sans préciser le montant investi dans ce local, l’établissement fait savoir qu’une portion de l’investissement a été allouée au mobilier et à l’équipement.

«Lorsqu’il y a une cessation ou non-renouvellement de bail, l’ensemble du mobilier et de l’équipement du personnel est conservé par le CIUSSS», fait savoir Mme Chartrand.

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