ÉCONOMIE. La date butoir du 4 mars pour l’imposition des tarifs douaniers américains arrive dans près d’une semaine. La Fédération de l’union des producteurs agricoles (UPA) du Centre-du-Québec liste les impacts potentiels de la hausse des tarifs douaniers sur les secteurs agricoles centricois.
Depuis la menace du président Trump d’imposer des tarifs douaniers de 25 % sur les importations en provenance du Canada, et la riposte du premier ministre Trudeau d’imposer des contre-tarifs douaniers de 25 % sur les produits américains, l’industrie canadienne, et plus particulièrement l’agriculture, se trouve dans une situation d’incertitude.
La Fédération de l’UPA du Centre-du-Québec redoute que ces menaces, si elles se concrétisent, puissent engendrer des conséquences négatives pour le secteur agricole de sa région. «L’accès à ces marchés, en particulier celui des États-Unis, est essentiel pour maintenir la compétitivité de nos entreprises. Il est crucial que notre gouvernement prenne les mesures nécessaires pour défendre notre économie et protéger nos entreprises agricoles», explique la présidente de la Fédération de l’UPA du Centre-du-Québec, Julie Bissonnette.
En 2023, le Centre-du-Québec a généré un PIB de 1 325 M$ pour l’industrie bioalimentaire, dont 543 M$ pour l’agriculture, selon l’UPA. Les recettes provenant du marché agricole régional représentaient ainsi 13 % du PIB québécois dans ce secteur.
L’industrie bioalimentaire de la région a permis la création de 18 800 emplois, dont 5 000 directement liés à l’agriculture, plaçant ainsi le Centre-du-Québec au troisième rang pour le nombre d’emplois générés par ce secteur.

«Selon un sondage sur la santé financière des entreprises agricoles mené par l’Union des producteurs agricoles en 2024, plus de la moitié des fermes centricoises affirmaient que la baisse des prix courants (53 %) était un élément qui pouvait constituer un important obstacle financier. C’est sans mentionner que plus du quart (28 %) des fermes qualifiaient la santé financière générale de leur entreprise de mauvaise ou de très mauvaise. Considérant la situation, on ne peut qu’être inquiet pour le monde agricole de notre région», mentionne le vice-président de la Fédération de l’UPA du Centre-du-Québec, Éric Houle.
Secteurs de production les plus exposés
Canneberges
Le Centre-du-Québec est le plus grand producteur de canneberges au Québec, représentant 78 % de la production totale de la province. Étant donné que 92 % des canneberges fraîches et 39 % des canneberges transformées sont exportées vers les États-Unis, la hausse des tarifs douaniers pourrait nuire à la compétitivité de ce secteur.
Cependant, la principale préoccupation des producteurs de canneberges de la région reste l’incertitude entourant l’arrivée des travailleurs étrangers temporaires, dont la présence est essentielle, car la plupart des entreprises dépendent de cette main-d’œuvre pour leurs opérations.
Fruits et légumes frais
Chaque année, près de la moitié de la production provinciale de fruits et légumes frais est vendue sur le marché américain, selon l’UPA. Étant des produits hautement périssables, les fruits et légumes frais ne peuvent pas être exportés vers l’Europe ou l’Asie en raison des coûts de transport élevés (conservation de la chaîne de froid). L’un des seuls marchés étrangers accessibles pour les fruits et légumes frais est donc celui des États-Unis.
Une éventuelle diminution des exportations de fruits et légumes du Québec sur le marché américain aurait comme impact une hausse des prix sur le marché local. Ces conséquences seraient ressenties par près de 200 producteurs maraîchers de la région centricoise.
Sirop d’érable
Le Centre-du-Québec détient 12 % de la production de sirop d’érable au Québec. Ce sont 62 % du sirop d’érable produit dans la province qui sont exportés aux États-Unis.
Une augmentation des prix de l’érable en raison des tarifs douaniers pourrait réduire les ventes et exercer une pression à la baisse sur les prix payés aux producteurs. Étant un processus non seulement long, mais également coûteux, le développement de seconds marchés pour la vente de sirop d’érable n’est pas une solution envisageable à court terme.
«C’est certain que c’est une situation inquiétante, surtout dans un contexte où la production du sirop d’érable battra son plein dans quelques jours. Des producteurs me demandent si ça vaut la peine d’installer leur équipement pour récolter cette année. Pour l’instant, je réponds qu’on doit poursuivre nos activités comme d’habitude parce que rien n’est décidé. Cependant, c’est sûr que ça ajoute du stress à notre début de saison», témoigne par voie de communiqué le président des Producteurs acéricoles du Centre-du-Québec, Benoît Quintal.

Par ailleurs, la résine utilisée pour fabriquer la tubulure nécessaire au ramassage de l’eau d’érable proviendrait majoritairement des États-Unis. La possible imposition des contre-tarifs sur les matières premières provenant de notre voisin américain pourrait donc augmenter le coût d’achat de ces équipements, soit l’une des principales dépenses des érablières du Québec.
Porc
Le Centre-du-Québec est le troisième plus grand producteur de porc de la province en détenant 13 % de la production totale. Comme la viande de porc est principalement exportée aux États-Unis (35 %) par les transformateurs québécois, ce sont ces derniers qui pourraient potentiellement être affectés par la hausse des tarifs douaniers.
Bien que les éleveurs de porcs pourraient aussi en ressentir les conséquences par la réduction du prix du porc, c’est la dépense du secteur pour l’acquisition de machineries et d’équipements en provenance des États-Unis qui pourrait impacter la rentabilité de leur entreprise.
«Les producteurs de porcs viennent tout juste de se sortir d’une importante crise qui a, malheureusement, laissé des traces. L’impact direct de ces menaces, si elles se concrétisent, est difficile à prévoir pour le moment. Ce serait faux de dire que cette situation ne suscite pas d’inquiétude. Les éleveurs de porcs ont la couenne dure comme on dit, mais cette incertitude est préoccupante», affirme le président des Éleveurs de porcs du Centre-du-Québec, David Vincent.
Protection nécessaire
Aujourd’hui, plus que jamais, la Fédération de l’UPA du Centre-du-Québec martèle qu’il est crucial que le gouvernement prenne toutes les mesures nécessaires pour protéger l’économie et la sécurité alimentaire du pays, impliquant l’exclusion de toute concession ou modification législative qui ne viserait pas à défendre pleinement le garde-manger des Québécois.
«En renforçant les mécanismes de protection de notre agriculture et de nos produits alimentaires, nous assurons la résilience de notre système alimentaire face aux défis économiques, tout en garantissant l’accès à des produits locaux de qualité pour la population canadienne. Il va de soi que la protection de la gestion de l’offre, un système qui s’avère plus important que jamais pour garantir la stabilité financière de nombreuses entreprises agricoles, se veut indispensable à l’heure actuelle», indique la Fédération de l’UPA du Centre-du-Québec à la fin de son communiqué. (WH)