TARIFS DOUANIERS. En visite à Washington avec ses homologues des autres provinces canadiennes mercredi, le premier ministre du Québec, François Legault, a évoqué l’idée de taxer les exportations d’aluminium vers les États-Unis. Le Parti québécois (PQ) y voit un geste «qui réduirait la compétitivité de l’économie de la Mauricie et du Centre-du-Québec».
Le député de Jean-Talon et porte-parole du PQ en matière d’énergie, Pascal Paradis, a interpelé jeudi la ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Christine Fréchette, sur les propos du premier ministre. Ce dernier disait que son gouvernement «est prêt à beaucoup de compromis sur l’aéronautique, la forêt, peut-être dans la sécurité à long terme de l’aluminium».
François Legault a répondu qu’il y a une certaine inquiétude sur la dépendance des États-Unis à l’égard du Québec, à cause de l’aluminium et de l’aéronautique. «Si, demain matin, on arrêtait de leur envoyer 60 % de leurs besoins en aluminium, les États-Unis se retrouveraient dans la merde. Actuellement, ils sont dépendants de beaucoup de métaux stratégiques qu’ils achètent en Chine. Ils n’aiment pas ça. Ils aimeraient avoir ceux du Québec. C’est un peu normal qu’on essaie de trouver une entente pour rassurer les Américains, mais continuer de profiter du marché américain, donc négocier le plus rapidement possible [l’accord de libre-échange Canada-États-Unis-Mexique]», explique-t-il au salon rouge.
«Je veux rassurer tous les travailleurs : il n’est pas question qu’on n’oublie pas de défendre tous les travailleurs du Québec. Maintenant, regarder les ententes à long terme pour continuer de fournir des produits essentiels aux États-Unis, je pense que c’est quelque chose qui est gagnant-gagnant», précise M. Legault.
Pascal Paradis a ensuite accusé le premier ministre de «se lancer tête baissée dans une renégociation de l’accord de libre-échange», de «montrer ses cartes à tout le monde», et dire ce qu’il est «prêt à laisser tomber tout de suite» pour faire plaisir aux Américains. «Tout ça, ça a l’air de la panique, de l’improvisation. Ça affaiblit le Québec», martèle-t-il.
François Legault a enchainé en accusant le PQ de vouloir «y aller à la pièce» afin de répondre aux menaces du président américain. «La dernière chose qu’on veut, c’est de commencer à seulement régler ces menaces une par une, mais de continuer à en avoir une nouvelle. Ce qu’on veut, c’est une entente globale pour qu’on soit capable de continuer à travailler avec les États-Unis», clarifie-t-il.
En entrevue à Zone économie, mercredi, le PDG de l’Association de l’aluminium du Canada, Jean Simard, a toutefois critiqué la proposition de François Legault d’imposer une surtaxe sur les exportations d’aluminium. «C’est une fausse bonne idée», affirmait-il sur le plateau de l’émission de RDI.
«Ajouter une taxe à l’exportation, ça va faire en sorte que le Canada coûterait plus cher comme fournisseur d’aluminium, alors que tous les pays sont soumis à une taxe de [seulement] 25 %. Il faut laisser le marché réagir, il faut avoir une position ferme, et il faut poursuivre les discussions, mais il ne faut pas en remettre, parce que les marchés réagissent très fortement», insistait M. Simard.
Selon un récent constat fait par le Laboratoire de données sur les entreprises de la Chambre de commerce du Canada, la région métropolitaine de recensement (RMR) de Drummondville serait la 12e plus touchée par les tarifs douaniers des États-Unis à l’échelle canadienne.
Interpelé plus tôt cette semaine par Le Nouvelliste, le professeur en économie de l’UQTR et chercheur à l’Institut de recherche sur les PME, Frédéric Laurin, notait que les inquiétudes se situent surtout au niveau de la production qui est transformée.
«C’est sûr que si c’est de l’acier ou de l’aluminium brut, ça touche des entreprises, mais ce n’est pas le cœur de notre économie. En revanche, si ce sont toutes les pièces de métal qui ont été usinées et transformées, c’est beaucoup plus problématique. Parce que là on touche le principal créneau de la Mauricie et du Centre-du-Québec, soit celui de conception et de fabrication de machines», soulignait-il.