Des tarifs douaniers sur tous les produits canadiens dès mardi

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Par William Hamelin
Des tarifs douaniers sur tous les produits canadiens dès mardi
Les États-Unis imposeront des tarifs douaniers de 25 % sur tous les produits canadiens passant la frontière, tandis que le secteur énergétique canadien ne sera frappé que par des droits de douane de 10 %. (Photo : Deposit)

TARIFS DOUANIERS. C’est maintenant officiel. Les États-Unis déclarent la guerre commerciale avec le Canada et le Mexique. Les réactions des acteurs politiques et économiques affluent depuis samedi soir.

Le président américain, Donald Trump, a signé un décret samedi après-midi qui impose des droits de douane de 25 % sur les produits canadiens et mexicains. Le secteur énergétique canadien, quant à lui, sera frappé par des droits de douane de seulement 10 %.

Ces mesures tarifaires entreront en vigueur le 4 février, selon le décret présidentiel. Ces tarifs seront en vigueur «jusqu’à ce que [la menace extraordinaire posée par les migrants clandestins et le fentanyl] soit atténuée», peut-on lire dans le document.

La mesure exécutive de M. Trump comprend une clause de rétorsion, ce qui signifie que si les pays concernés répondent par des droits de douane sur les produits américains, les droits de douane américains pourraient augmenter.

De son côté, le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a annoncé que le pays imposera des contre-tarifs douaniers de 25 % sur 155 milliards de dollars de produits américains. Ces contre-tarifs seront appliqués de manière progressive : une première vague de 30 milliards de dollars touchera des produits américains, dès le 4 février, tandis qu’une deuxième visera 125 milliards de dollars de produits dans 21 jours.

Selon Radio-Canada, le premier ministre sortant n’a pas fourni de liste des produits américains qui vont être visés par les contre-tarifs canadiens, mais il a cité, entre autres, les jus de fruits, l’alcool, les légumes, les parfums, les chaussures ainsi que les appareils ménagers, les meubles, les vêtements de sport, le bois et le plastique.

Réactions politiques

Le premier ministre du Québec, François Legault a déclaré qu’il s’agit d’une situation que personne ne souhaitait. «M. Trump a décidé de nous attaquer. On doit se tenir debout; se battre pour protéger notre économie et nos emplois», affirmait-il lors d’une conférence de presse tenue samedi soir.

«Je tiens à rassurer les entreprises qui seront touchées [par les tarifs douaniers] : on va tout faire pour les protéger», rassure le premier ministre. Il a déclaré avoir rencontré les ministres de tous les ministères pour qu’ils s’assurent «de minimiser les impacts de ces tarifs».

«J’ai demandé à la présidente du Conseil du Trésor, Sonia Lebel, de revoir du côté des approvisionnements tous les fournisseurs qui sont Américains — donc toutes les entreprises américaines qui soumissionnent sur des appels d’offres ou qui approvisionnent directement ou indirectement des réseaux du Québec ou des ministères — de pénaliser les entreprises américaines qui travaillent avec le gouvernement du Québec», précise-t-il.

François Legault tenait à rassurer les entreprises qui seront touchées par les tarifs douaniers en disant que son gouvernement fera tout pour les protéger. (Photo d’archives : Ghyslain Bergeron)

François Legault a indiqué que plus de 100 000 emplois pourraient être perdus à cause des tarifs américains. Il a aussi regardé la possibilité que des projets d’infrastructure — que ce soit en santé, en éducation ou dans le transport collectif — soient accélérés, afin de créer des emplois pour remplacer les potentiels emplois perdus.

«Je pense qu’il faut voir cela comme une opportunité que des entreprises québécoises remplacent des produits américains importés. J’ai déjà demandé à Investissement Québec et à la Caisse de dépôt et placement du Québec de tout faire pour que les projets de développement des entreprises québécoises se réalisent le plus rapidement possible», soutient M. Legault.

Du côté de l’opposition, le chef intérimaire du parti libéral du Québec, Marc Tanguay, a sonné François Legault d’agir rapidement. «Quel plan d’aide a-t-il préparé pour soutenir nos entreprises? Qu’a-t-il préparé dans les trois derniers mois, soit depuis l’élection de Trump? Comment compte-t-il assurer que le Québec tire son épingle du jeu dans la stratégie pancanadienne?» se questionne-t-il.

Québec solidaire sollicite un débat d’urgence à l’Assemblée nationale afin de convoquer tous les parlementaires québécois à se pencher sur la situation «ensemble et rapidement». La porte-parole de Québec solidaire, Ruba Ghazal, a demandé au premier ministre du Québec «de mettre en place des mesures pour soutenir les emplois dans les secteurs touchés» par les tarifs américains.

«Je lui demande aussi d’arrêter de couper lui-même des emplois dans les services publics avec ses compressions. Imaginez une famille où les deux parents se retrouvent sans emploi, quand d’un côté, l’un perd sa job de soudeur à la shop à cause des tarifs de Trump et de l’autre, elle perd sa job comme infirmière auxiliaire à cause des coupures de François Legault», martèle-t-elle par voie de communiqué.

Réaction des entreprises

La présidente-directrice générale de Manufacturiers & Exportateurs du Québec (MEQ), Julie White, a déclaré être «déçue» de la décision de l’administration américaine d’imposer des tarifs douaniers injustifiés sur les produits canadiens. «Cette décision aura des impacts importants sur les entreprises manufacturières québécoises et l’économie de l’ensemble de nos régions», enchaîne-t-elle par voie de communiqué.

«Nous avions demandé à Justin Trudeau et François Legault de réagir rapidement pour rassurer les manufacturiers et les travailleurs. Leurs premières réactions démontrent leur engagement à soutenir le secteur, mais le travail ne fait que commencer. Il est primordial que les mesures de représailles n’aient pas un impact inéquitable sur les manufacturiers québécois. Rappelons aussi l’importance que l’ensemble des sommes récoltées par l’imposition de tarifs sur les produits américains soient 100 % réinvesties, et rapidement, dans les entreprises directement touchées. Le secteur manufacturier a besoin de l’appui de tous pour passer à travers cette tempête», indique Mme White.

Pour ce qui est de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, son vice-président des affaires nationales, Jasmin Guénette, a expliqué que des tarifs douaniers «entraîneront des répercussions économiques majeures sur les PME de chaque côté de la frontière».

«Plus de la moitié (51 %) des PME canadiennes participent à des échanges commerciaux avec les États-Unis, qui comprennent à la fois des importations et des exportations. Si le Canada réplique en imposant des tarifs à son tour, les petites entreprises − dont la marge bénéficiaire est déjà mince − n’auront d’autre choix que d’augmenter leurs prix. Cela va faire baisser davantage la demande. Bien que nous reconnaissions qu’une riposte du gouvernement soit inévitable, nous demandons à Ottawa de s’assurer que l’imposition de tarifs canadiens n’aura pas d’impact généralisé sur les PME du pays», indique-t-il par voie de communiqué.

«Toute forme de soutien offert aux entreprises devra répondre aux besoins des PME, pas seulement à ceux des grands exportateurs. De plus, nos gouvernements devront éviter de répéter les erreurs commises avec les programmes d’aide pandémiques. De nombreuses PME ont toujours des dettes attribuables aux restrictions pandémiques. Malheureusement, les incertitudes politiques et économiques actuelles rendent cette période très difficile et stressante pour un très grand nombre d’entrepreneurs. Il faut espérer que ça ne soit que passager», conclut M. Guénette.

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