ÉDUCATION. Le programme d’insertion professionnelle des enseignantes et enseignants (iPe) du Centre de service scolaire des Chênes (CSSDC) existe depuis 2019. L’Express a rencontré deux mentorées et une mentore de l’école secondaire Jean-Raimbault afin de mieux comprendre comment le volet mentorat aide les nouveaux enseignants en début de carrière.
L’enseignante d’anglais Marie-Claude Lemieux assure le rôle de mentore depuis officiellement quatre ans à Jean-Raimbault. Ayant mentoré une bonne vingtaine de personnes depuis la mise en place du programme iPe, elle avoue avoir toujours eu le souci des nouvelles recrues à cœur durant ses années d’enseignement passées à l’établissement scolaire.
Mme Lemieux confie que son désir de devenir mentore vient de ses premières années d’expérience en enseignement. « J’ai fait toutes les écoles secondaires [de la région] avant d’arriver à Jean-Raimbault. Je dirais que, dans mes premières années, je n’ai pas nécessairement reçu l’aide ou le soutien dont j’avais besoin. Est-ce que c’est moi qui l’ai mal demandé? Peut-être. Mais c’est à la suite de celles-ci que je me suis dit que ça n’arrivera pas aux autres », résume-t-elle.
Sur les 20 mentors actifs pour l’ensemble du CSSDC, sept sont répartis dans les écoles secondaires de la région. À Jean-Raimbault, Marie-Claude Lemieux est actuellement la seule à mentorer l’ensemble des nouveaux enseignants. Elle compte aussi sur l’aide de conseillers pédagogiques ainsi que d’accompagnants venant en aide aux nouveaux enseignants.
Dans les grandes lignes, son rôle consiste à répondre aux questions et besoins des recrues et les aider dans la planification et la gestion de leur classe. L’enseignante d’anglais effectue aussi de l’observation dans la salle de cours sur la demande de ses mentorés. Elle partage ensuite sa rétroaction en mettant de l’avant leurs bons coups et ses interrogations sur leur gestion de leur groupe.

«Ça fait plus de 30 ans que j’enseigne et ce que j’apprécie le plus, c’est que j’apprends aussi en fin de compte», remarque-t-elle. Chaque rencontre individuelle avec les enseignants lui permet de s’améliorer pour aider un autre enseignant plus tard, avoue Mme Lemieux.
En revanche, ses interventions ne se limitent pas que dans la classe ou dans son bureau. «La confiance que les gens m’accordent est inégalable. Parfois, on ne réalise pas l’impact de notre aide. Ça peut être le fait que j’ai pris le temps d’écouter un enseignant. J’ai recadré et validé certaines choses qu’il a faites. Et ça, ça fait en sorte qu’il est resté [même si] j’ai rencontré la personne seulement deux fois», fait valoir la mentore.
Même si elle aimerait ne faire que du mentorat, Marie Claude Lemieux doit également jongler avec sa paperasse d’enseignante d’anglais, ce qui est loin d’être évident.
«Ce qui est difficile, dans tout ça, c’est le manque de temps. J’ai quand même des copies à corriger; une job d’enseignante à faire. Mais quand un mentoré vient me voir en pleur ou fâché, et bien je vais mettre ma correction de côté parce que c’est ma priorité. C’est le défi quotidien de me mettre des limites», reconnait-elle.
La maman des mentorés
Parmi les mentorés suivant le programme iPe à l’école Jean-Raimbault, Maude Cloutier et Clara Ouellette sont deux des six accompagnées par Marie-Claude Lemieux. Elles sont toutes les deux légalement qualifiées pour enseigner à leurs nombreux groupes du secondaire.
Elles sont arrivées il y a deux ans à Jean-Raimbault. Maude Cloutier est enseignante en citoyenneté et culture québécoise (CCQ) tandis que Clara Ouellette est enseignante en anglais. Les deux femmes suivent obligatoirement le programme de mentorat, contrairement à leurs camarades qui ont trois ans et plus d’expériences.
Au courant de leur parcours à l’établissement scolaire de Drummondville, le soutien et les conseils de leur mentore leur ont été précieux. « Marie-Claude est pour moi la maman des mentorés. Elle m’a rendu plus confortable et m’a fait prendre confiance en mon enseignement parce que je me remettais toujours en doute sur ce que je devais faire », se remémore Clara Ouellette.
« Parfois, on a des groupes plus difficiles. C’est rassurant de se dire qu’on a toujours quelqu’un pour nous écouter, nous épauler si on a besoin de réconfort », ajoute pour sa part Maude Cloutier.

L’enseignante en CCQ enchaîne en vantant le fait qu’elle et sa collègue sont restées dans la profession grâce au mentorat du programme iPe. « On dit que 25 % des jeunes enseignants quittent la profession dans les cinq premières années. Donc d’avoir un support en début de carrière qui est beaucoup plus difficile, surtout dans un contexte d’une pénurie d’enseignants, et dans mon cas, une nouvelle matière à monter par moi-même, c’est bienvenu», affirme Maude Cloutier.
Non légalement qualifié
Parmi la vingtaine de nouveaux enseignants qu’elle a mentorés, Marie-Claude Lemieux confirme qu’elle s’est aussi occupée de personnes considérées comme non légalement qualifiées. «Je me suis rendue compte à quel point c’est important de bien accueillir les gens et surtout dans les dernières années, avec le phénomène des non légalement qualifiés, et encore plus avec ceux issus de l’immigration», insiste-t-elle.
«Je n’essaie pas de voir ça comme les autres gens pourraient le voir. Pour moi, la personne qui rentre et qui a décidé de relever le défi d’être «l’adulte par classe», je vais l’accueillir du mieux que je peux. Puis je vais aller l’observer, je vais lui donner des outils, lui présenter du monde, etc. Mais si je vois qu’elle ne fait pas l’affaire, je vais le dire», prévient l’enseignante d’anglais.
Le CSSDC indique qu’il a mis en place beaucoup de critères d’engagement faisant en sorte que ce n’est pas n’importe qui peut être engagé. À partir de là, Marie-Claude Lemieux s’assure que la personne non légalement qualifiée ait tout ce qu’il faut pour s’accomplir. Cette dernière renchérit en notant que l’école Jean-Raimbault a déniché «des perles» parmi ces personnes; certaines qui ont envie d’enseigner devant une classe de 32 élèves.
«Présentement, on a une fille qui fait sa maitrise en biochimie. Elle enseigne en science et, jusqu’à maintenant, elle est super bonne! Elle se découvre là-dedans, puis elle aime ça. C’est pour ça que je ne veux pas parler en général [des non légalement qualifiés] parce qu’on aura beau chialer vis-à-vis le fait qu’il faut un adulte dans chaque classe, il nous faut des adultes responsables et de référence. On n’en fera pas apparaître comme par magie», termine Marie-Claude Lemieux.