Mackinaw, entre tradition et modernité

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Par Emmanuelle LeBlond
Mackinaw, entre tradition et modernité
La compagnie de danse Mackinaw a célébré en grand son 50e anniversaire. (Photo : Ghyslain Bergeron)

MAGAZINE. Ancrée dans la communauté depuis maintenant un demi-siècle, la compagnie de danse Mackinaw est plus vivante que jamais. Incursion dans un univers qui mêle tradition et modernité.

À travers les décennies, Mackinaw a marqué les esprits. La majorité des Drummondvillois, impliqué de près ou de loin dans l’organisme, chérit un souvenir en lien avec la danse traditionnelle. Que ce soit une représentation, un atelier ou un festival, la magie opère à tout coup.

Lucie Brouillette, codirectrice générale des affaires et des opérations de l’organisme, a la danse traditionnelle tatouée sur le cœur.

Elle a fait ses premiers pas dans le milieu à l’âge de 13 ans, intégrant la première cohorte de l’école de danse de Mackinaw. L’année suivante, l’interprète a suivi une formation intensive de plusieurs semaines dans le but de rejoindre les rangs de la Compagnie, soit l’équipe de spectacle. Lucie Brouillette se souvient encore de ce fameux coup de fil, celui où elle a appris qu’elle avait sa place au sein du groupe. Elle est embarquée avec beaucoup d’enthousiasme dans cette aventure.

Les veillées de danse sont ancrées dans nos racines. (Photo : Ghyslain Bergeron)

Son passage au sein de Mackinaw a été mémorable, tout au long de son adolescence. «Je faisais partie d’une équipe où on pouvait se dépasser. On a fait plusieurs projets et activités. On passait de beaux moments ensemble. À la fin, il y avait toujours une production, des spectacles et des voyages», exprime Lucie Brouillette.

Pour sa part, Arpad-Xavier Bócz, codirecteur général et artistique de l’organisme, baigne dans cet univers depuis sa tendre enfance.

«Ma mère travaillait à la direction artistique chez Mackinaw. Je n’ai pas commencé à danser dans les cours avant l’âge de dix ans, mais j’étais quand même dans le milieu. Je côtoyais l’équipe de spectacle. Ma mère enseignait aux interprètes les dimanches. J’étais trop petit pour me faire garder, donc j’étais là. Je suivais mes parents partout, étant donné que mon père était impliqué dans l’organisme», raconte-t-il.

Ses parents se sont rencontrés grâce au Mondial des cultures, un événement à grand déploiement qui attirait des ensembles folkloriques de partout à travers le globe. À l’époque, son père faisait partie d’une troupe hongroise. «Mes parents se sont rencontrés en faisant une fusion. C’est une tradition qu’on faisait au festival. Deux groupes de différents pays apprennent une danse de l’autre et ils la présentent en spectacle dans le festival», explique-t-il.

Les veillées de danse sont ancrées dans nos racines. (Photo : Ghyslain Bergeron)

Arpad-Xavier Bócz a tracé son propre chemin en tant qu’interprète. Il a entre autres taillé sa place au sein de la Compagnie. Sa première tournée internationale, en 2010, représente un moment significatif. «On a fait une tournée de trois festivals de danse traditionnelle en Hongrie et en Serbie. On a présenté notre répertoire de danse québécoise. C’est à partir de là que j’ai pris une tangente vers la danse hongroise.»

Histoire collective

D’un côté, Mackinaw permet aux individus de s’épanouir; de l’autre, l’organisme est porteur de mémoire collective. Au fil du temps, une communauté tissée serrée s’est développée. La danse traditionnelle a cette force, celle de rassembler. «Il y a un esprit d’équipe qui se forme assez rapidement par la bande. C’est un langage spécial. Habituellement, on ne se parle pas. On danse ensemble. Tout le monde se comprend», témoigne Arpad-Xavier Bócz.

Chaque chorégraphie, chaque pas, chaque saut est une façon de valoriser le patrimoine, celui d’ici et d’ailleurs. «On peut perdre la trace ou la valeur de ces cultures si on ne fait pas attention. Mackinaw a ce rôle de rappeler notre histoire, mais aussi notre héritage culturel. C’est une richesse importante à partager. La danse et la musique sont un vecteur qui rejoint les gens directement.»

Selon lui, l’organisme a un devoir de préservation. «Il y a quelque chose de très populaire. Ce sont des danses qui viennent du peuple. Aujourd’hui, c’est pertinent de les revaloriser ou de les réinterpréter. C’est vraiment un témoin de toutes les sociétés et de certaines époques», indique-t-il.

Mackinaw se dédie à la formation, la création, la production et la diffusion de spectacles. (Photo: gracieuseté – André Gosselin)

Par exemple, la danse folklorique fait partie de nos racines québécoises. «Certaines générations ont connu des veillées de danse dans les cuisines et les salons durant le temps des Fêtes. Il y a quelque chose de rassembleur. C’était une source de divertissement à une certaine époque. C’était une façon de rencontrer des gens et de peut-être trouver son futur compagnon de vie.»

Regard actuel

Alors que la société évolue à vitesse grand V, Mackinaw emboite le pas. L’organisme avance vers l’avenir en conservant son identité, intégrant au passage une touche contemporaine.

La question de genre en fait partie. Par exemple, un numéro de valse giguée a été interprété par deux hommes dans le cadre du spectacle du cinquantième anniversaire de Mackinaw, en novembre dernier. Traditionnellement, cette chorégraphie est réalisée par un homme et une femme.

La posture du corps des danseurs est portée à changer. «À une certaine époque, il y avait beaucoup d’influences du ballet. La technique et la posture étaient très classiques. De plus en plus, on est dans l’acceptation du corps. On assume l’identité individuelle de chaque personne», indique Arpad-Xavier Bócz.

Les costumes évoluent à travers le temps. C’est le cas du spectacle Gigue de rue, une création originale où les interprètes avaient des habits inspirés de la mode d’aujourd’hui.

Le cÅ“ur était à la fête, lors du spectacle Hommage à Mackinaw, en novembre. (Photo: gracieuseté – André Gosselin)

Sortir de ses murs

Pour la suite, Mackinaw souhaite sortir de ses murs pour aller à la rencontre du public. L’an dernier, l’organisme a rejoint 483 personnes qui ont participé à 78 ateliers de médiation culturelle dans 27 lieux dans Drummond.

L’organisme fait preuve de proactivité, alors que le recrutement a changé au cours des années. «Le Mondial des cultures était notre vitrine. Chaque année, on savait que des milliers de Drummondvillois voyaient Mackinaw. C’était du recrutement instantané. C’était une inspiration pour les jeunes», fait savoir Lucie Brouillette.

Dans tous les cas, une panoplie de projets sont à venir. «On a créé le spectacle Porter la fibre. On veut vraiment le produire dans d’autres salles. On a de nouveaux projets au niveau revalorisation du patrimoine. On aimerait reprendre l’activité qu’on a faite l’été passé au parc St-Frédéric dans le but de créer un incontournable trad à Drummondville», conclut-elle.

Questions en rafale

L’Express est allé à la rencontre des membres de la Compagnie, à l’occasion d’une veillée de danse. Voici ce qu’ils avaient à dire sur Mackinaw.

Quels sont tes plus beaux souvenirs?

«Les camps intensifs sont marquants. J’avais dix ans et je partais danser pendant une fin de semaine. Ça te forge en tant que personne. Il faut que tu sois autonome et à ton affaire.»

«Aussi, je me souviens d’être au spectacle d’ouverture du Mondial des cultures. C’était ouvert à tous. Il y avait vraiment beaucoup de monde. C’était gros de danser devant toutes ces personnes. J’avais 16 ans. C’était ma première année à la troupe de spectacles qui est maintenant la compagnie.» – Camille Labrèche, 27 ans

Que représente le temps des Fêtes?

«Avec l’école de danse, on fait des animations avec les enfants jusqu’aux grands-parents. Tout le monde arrive avec leur famille et leurs proches. Dans la danse, il y a des moments où on change de partenaires et tout le monde se mélange. Ce sont les seuls moments où on voit autant d’interactions entre les générations.» – Nicolas Massé, 28 ans

Qu’apprécies-tu de la danse traditionnelle québécoise?

«Ce que j’aime du côté folklorique québécois, c’est le côté théâtral. Je pense au turlupinage. On peut mettre notre couleur en tant qu’interprète. Il y a un jeu d’interactions entre les hommes et les femmes.» – Michael Lefrançois, 28 ans

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