Un chef d’entreprise risque de devoir quitter le Québec

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Par Louis-Philippe Samson
Un chef d’entreprise risque de devoir quitter le Québec
Président d’Elips plastics, Benjamin Barberot risque de devoir quitter le Québec en raison des multiples refus du MIFI de lui consentir le certificat de sélection du Québec (CSQ). (Photo : Ghyslain Bergeron)

IMMIGRATION. À la tête de l’entreprise Elips plastics de Drummondville, Benjamin Barberot vit dans l’incertitude. Un différend avec le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’intégration (MIFI) pourrait le contraindre à quitter le pays avec sa famille.

Arrivée au Québec à l’été 2018, la famille Barberot vivait presque le rêve de tout immigrant. Bien intégrée dans son voisinage, au travail et à l’école pour les enfants, la famille originaire de Laval, en France, avait pu s’établir dans la province grâce à un permis de travail fermé émis au patriarche par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) renouvelable trois fois pour une durée maximale de six ans.

Ayant adopté son nouveau milieu de vie, Benjamin Barberot, qui réside à Saint-Bruno-de-Montarville, a entamé en février 2022 les démarches nécessaires pour obtenir le statut de résident permanent auprès du MIFI à l’aide du certificat de sélection du Québec (CSQ). Celui-ci est nécessaire pour faire la demande de résidence au gouvernement du Canada.

Cependant, cette demande a été refusée pour une première fois à la fin de l’année 2022. M. Barberot et ses avocats avaient soumis sa demande à l’intérieur d’un programme qui exige d’avoir travaillé pendant deux ans, à plein temps, pour une entreprise québécoise dont il n’avait pas le contrôle.

«De 2018 à 2020, j’ai travaillé pour ma compagnie de gestion canadienne, dont je n’avais pas le contrôle autrement que par l’intermédiaire de sociétés françaises. Je n’avais pas de contrôle direct. Avec mon avocat, on a décidé de faire valoir cette expérience-là. À ce moment, le MIFI a dit non parce que j’avais un contrôle indirect», explique M. Barberot, dont la compagnie de gestion est propriétaire d’Elips.

Benjamin Barberot, président d’Elips plastics. (Photo : Ghyslain Bergeron)

L’homme d’affaires quadragénaire et son avocat ont immédiatement fait appel de cette décision auprès du Tribunal administratif du Québec. Celui-ci a tranché en exigeant que le MIFI tienne compte de cette expérience dans l’analyse du dossier. Alors qu’il pensait pouvoir passer à l’étape suivante, M. Barberot a été surpris de recevoir un nouveau refus.

«Le MIFI l’a justifié en disant qu’on aurait dû clairement déclarer que j’avais un contrôle indirect et d’autres arguments du genre. Ce n’était pas explicitement demandé dans le document officiel pour obtenir le CSQ. On nous reprochait de ne pas avoir dit quelque chose qu’on ne nous demandait pas d’indiquer. Fort de ça, le MIFI a déterminé que j’avais fait des déclarations fausses et frauduleuses», rapporte le chef d’entreprise.

Résultat : un nouvel avis de refus est émis en fin d’année 2023 et le MIFI se donne le droit d’étudier ses demandes d’immigration pendant cinq ans. Pour Benjamin Barberot, cela représente l’équivalent d’être placé sur une «liste noire». La seule option dans les circonstances aurait été de contester la décision devant la cour. C’est cependant une avenue sur laquelle il n’a pas voulu s’engager puisqu’il était épuisé de se battre. Ainsi, au début de 2024, le refus du MIFI est devenu définitif.

«On était à bout de souffle et épuisé après deux années à lutter contre un système qui n’a pas d’humanité. On s’est dit tant pis. Si le Québec ne veut pas de nous, on va s’en aller et arrêter l’aventure», se désole-t-il.

C’est sans compter le stress qui a été mis sur la famille. Anxiété, craintes, disputes, déchirement et déprime ont affecté M. Barberot, son épouse et leurs trois enfants au fil du processus. Il qualifie le tout de montagnes russes émotionnelles.

Seule solution

Afin de demeurer au Québec, Benjamin Barberot tente d’obtenir un nouveau permis de travail de l’IRCC. Il a fait parvenir sa requête en juillet dernier et attend toujours une réponse. Celui-ci lui permettrait de demeurer au pays jusqu’en 2026.

«C’est un permis à durée déterminée. Ça ne permet pas d’avoir une vision à long terme. Le statut de résident permanent permettrait d’agir comme entrepreneur. Avec un statut précaire, je ne peux pas entreprendre sur le long terme. Il y a des choses qu’on fait en Europe que j’aimerais faire ici», exprime l’ingénieur de formation.

Comme président d’une entreprise drummondvilloise, M. Barberot tient à demeurer au Québec afin de poursuivre ses activités professionnelles. Affirmant avoir des projets pour Elips, il se voit mal quitter le Canada et diriger l’entreprise à distance. Cela lui demanderait également d’embaucher un nouveau directeur qui prendrait sa place au quotidien.

Malgré toutes les embuches et les délais, Benjamin Barberot garde l’espoir que sa situation connaîtra une fin heureuse. «Il n’y a pas de raison que l’IRCC me revienne avec de mauvaises nouvelles. D’après mon cabinet d’avocat, je suis complètement légitime d’obtenir ce permis. Mais on ne sait jamais. J’ai de l’espoir pour un permis de travail, mais je n’en ai pas vraiment pour une résidence permanente. Je vois mal comment le MIFI pourrait revenir sur sa décision», se questionne-t-il.

D’un autre côté, le MIFI a rouvert des programmes d’immigration s’adressant aux investisseurs. M. Barberot détient un profil qui lui permettrait d’y postuler, mais si peu de détails sont actuellement disponibles sur la marche à suivre qu’il préfère attendre une réponse de l’IRCC.

«Il n’y a pas d’antériorité au programme pour investisseurs. Mes avocats ne savent pas ce qu’il faut produire comme documents ni comment ça va se passer. Même les agents d’immigration du MIFI ne savent pas comment adresser ces dossiers. Le MIFI m’encourage à y postuler, mais on me rappelle en même temps que je suis sous surveillance pendant cinq ans. C’est ordinaire», commente M. Barberot.

Récemment, le MIFI l’a informé que son dossier entier sera révisé à nouveau par un agent. Reste à savoir s’il obtiendra une décision différente.

 

Qu’est-ce qu’Elips?

Elips plastics fabrique des contenants dédiés aux aliments vendus en épiceries. (Photo : Ghyslain Bergeron)

Elips plastics est une entreprise spécialisée dans la fabrication de contenants alimentaires destinés à des produits offerts en épiceries. Fondée en 2009 sous le nom d’IML Plastx, l’entreprise a été acquise par Europlastiques en 2017 avant de changer de nom en 2019. Chaque année, ce sont près de 60 millions de contenants qui sont produits dans l’usine drummondvilloise. Elips emploie une trentaine de personnes qui représentent 11 nationalités.

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