MAGAZINE. S’intégrer dans un nouveau pays et réussir à exercer le même métier que dans son pays natal est souvent un parcours du combattant pour certains immigrants. Une journaliste d’origine colombienne, maintenant établie à Drummondville depuis plus de trois ans, a partagé son vécu à L’Express Magazine.
Silvana Suárez Ardila est née et a habité une bonne partie de sa vie à Bogota, la capitale de la Colombie. Diplômée de l’Université Santo Tomás en 2014, son domaine de prédilection a toujours été le journalisme. Elle a notamment travaillé pour la radio RCN, considérée comme l’une des plus grandes chaînes colombiennes.
«Pour moi, le journalisme c’est le lien entre aider les gens et pouvoir m’exprimer. C’était également une façon de montrer des situations difficiles et des problématiques propres à mon pays», explique la jeune femme de 33 ans.
La journaliste rétorque que son salaire lui rapportait peu d’argent au bout du compte. Elle a décidé de se tourner vers les organisations internationales qui proposaient une offre plus attirante. La maitrise de l’anglais ou du français était toutefois une des conditions d’embauche. Elle ne maitrisait ni l’un ni l’autre.
En 2019, elle a donc choisi de se rendre au Québec, à Montréal, afin d’y apprendre le français pendant neuf mois et ainsi rejoindre les rangs du Comité international de la Croix-Rouge. Cependant, lors de ses premiers mois d’études, deux imprévus sont venus bouleverser ses plans : l’amour et la grossesse.
Silvana a rencontré un Colombien avec lequel elle s’est mariée. Ensemble, ils ont pris la décision de rester au Québec et d’y fonder une famille. Elle a, par la suite, mis un terme à ses études pour prendre soin de son nouveau-né et se trouver un emploi.
Dure réalité
Depuis son arrivée au Québec, Silvana Suárez Ardila confie avoir vécu une période mouvementée en émotion. Le déménagement de Montréal vers Drummondville au cours de l’année 2021 a été l’une des étapes clés dans son parcours d’immigrante.
«Lorsque mon conjoint à trouver son travail à Drummondville, j’ai travaillé de mon côté en tant que femme de ménage de 2021 à 2023. Je faisais deux maisons par jour avec en plus des contrats de nettoyage pour des entreprises de bureau. Mais au bout d’un moment, j’ai fini par être fatiguée», se souvient-elle.
La Colombienne avoue que vivre avec tous les défis de la vie quotidienne loin du soutien des membres de sa famille a rendu son parcours plus éprouvant. «Parfois, je disais à mon mari qu’on devrait retourner en Colombie. J’étais attristée que je ne puisse pas être une professionnelle ici. Pour moi, passer de journaliste à femme de ménage, alors que j’ai étudié pour faire ce métier, ça m’affectait beaucoup», déplore Silvana.
Par chance, en 2023, elle a fini par décrocher un poste de journaliste stagiaire pour la Télévision communautaire de L’Érable (TVCÉ), à Plessisville. Ce jour-là, la journaliste s’est réjouie d’avoir retrouvé une partie d’elle-même.
«C’est comme si pendant quelques années je m’étais créé une version de moi-même pour survivre. À l’intérieur de moi, il restait quelque chose qui me disait : « Je sais que je suis capable de faire plus et d’apporter quelque chose d’utile pour le Québec »», confie-t-elle.
«Je ne regrette pas mon travail de femme de ménage, mais je pense que 2024 est l’année où j’ai remarqué à quel point je suis fière de moi et de ma famille. C’est là qu’on a pu enfin se dire que tout va bien aller», exprime avec un grand sourire celle qui possède maintenant le statut de réfugiée au Canada depuis un an.
Journalisme communautaire
Depuis qu’elle exerce à son nouveau son métier, Silvana Suárez Ardila avoue qu’un de ses plus grands défis au quotidien demeure son usage du français. Même si elle a fini par apprendre petit à petit la langue de Molière, elle ressent encore un petit stress chaque fois qu’elle doit s’adresser à des intervenants, comme des politiciens.
«J’aimerais pouvoir avoir le même niveau de confiance et de certitude pour faire des reportages bien maitrisés comme je le faisais en Colombie. La maitrise du français est mon objectif», énonce celle qui a verbalisé tous ses propos dans un français tout à fait convenable.
En comparant les réalités de son métier entre Plessisville et Bogota, la journaliste avoue être plus heureuse de travailler dans un milieu plus sain et moins déprimant qu’avant.
«Il m’arrive parfois d’être étonnée de voir l’attention que l’on prête à des nouvelles qui, selon mon expérience, ne seraient pas aborder avec autant d’importance en Colombie. Pour moi, c’est encore surprenant de recevoir des alertes AMBER sur mon téléphone ou bien voir qu’une agression sexuelle peut faire la manchette. En Colombie, il y en a tellement quotidiennement que ce n’est jamais à l’ordre du jour», illustre-t-elle.
Pour le moment, la journaliste anime l’émission Hétérogène pour la TVCÉ. Le programme offre un aperçu de la réalité des immigrants de Plessisville, mais aussi dans leur processus pour s’établir dans la province.
Silvana Suárez Ardila souhaite pouvoir raconter des histoires qui reflètent un peu le parcours du combattant qu’elle a traversé ses dernières années. «C’est quelque chose qui est difficile pour chaque immigrant de se dire qu’il faut repartir de zéro», souligne-t-elle
«Si dans ton pays tu travailles dans la construction ou dans le service d’entretien, venir ici et reprendre le même travail n’est pas difficile. C’est lorsque tu occupais des fonctions dans des domaines demandant beaucoup d’études et d’expériences que ça devient un choc culturel et personnel pour plusieurs», conclut la jeune résidente de Drummondville.