TRIBUNE LIBRE. À leur arrivée, le choc de l’hiver ébranle souvent les immigrants originaires des pays chauds. Rien d’étonnant si l’on considère que même des natifs québécois vivent difficilement leur nordicité. Entendons par là des conditions de vie où l’on doit composer avec la neige, le vent, la glace, les dégels, les changements de température brusques, l’humidité, le froid qui s’éternise, l’enfermement, les déplacements hasardeux et la réduction de la lumière du jour. Sans oublier les nombreux préparatifs requis pour y faire face. Les plus «échaudés» se ruent alors au sud à la première occasion. Et une partie des autres en rêvent.
Quiconque a connu ces migrants largués chez nous au cœur de l’hiver sait à quel point le climat peut faire l’effet d’une douche froide. Sitôt débarqués, ils comprennent la nécessité de se vêtir d’une épaisse couche de vêtements sous peine d’être transis en l’espace de quelques minutes. Ils doivent ensuite se résigner à porter bottes, manteau, mitaines, tuque, alors que chez eux il leur suffit d’enfiler les gougounes pour s’extirper de la maison.
Ensuite, qui parmi eux n’a pas eu l’impression de perdre momentanément sa dignité en dégringolant de nos trottoirs? Surtout lorsqu’une fine couche de neige traîtresse en recouvre la glace. À ce constat, les natifs prennent conscience de leurs réflexes acquis de longue date. Ils ont notamment appris à se méfier de ces surfaces légèrement inclinées en mettant le pied au bon endroit, tout en fléchissant légèrement les genoux afin d’amortir les glissements inélégants et périlleux.
Mis à part les marches sur la glace ou dans la gadoue, le pelletage et le dégivrage des vitres et la descente affolante d’un amoncellement de neige sur le pare-brise en provenance du toit de la voiture, l’hiver réserve d’autres surprises. Il y a bien sûr les premiers comptes d’électricité mirobolants chez ceux qui s’évertuent à perpétuer les tropiques à domicile. Mais il y a plus. Habitués à passer une grande partie de leurs journées dans les espaces publics, ceux qui proviennent de pays densément peuplés et au climat plus clément, font l’expérience du désert hivernal. Rien pour faire connaissance avec les natifs lorsqu’en plus de l’anonymat qui règne déjà entre voisins s’ajoute l’enfermement de tout un chacun dans sa «caverne».
Vu le réflexe d’une hibernation déraisonnable qui les guette, comment exhorter ces néophytes à mette le nez dehors? Hormis l’insistance à leur faire enfiler tout ce qui garde au chaud, dont des bottes encombrantes, on peut invoquer des arguments relatifs à la santé. À condition, bien sûr, d’y croire soi-même. Or, si tous conviennent que respirer le grand air et faire de l’exercice recèlent des effets bénéfiques, s’exposer au soleil importe tout autant. En fait, la mélanine des gens à la peau foncée diffère de celle des habitants de pays nordique. Pour que se réalise la synthèse de la vitamine «D», ils devraient alors profiter plus longtemps du soleil. Ajoutons le défi des sports d’hiver, un bon antidote pour traverser de façon plaisante cette saison tant dénigrée. À défaut de revenus suffisants, le patinage et les glissades amusantes sur la neige demeurent à la portée de tous.
Un autre incitatif fait appel aux splendeurs de l’hiver. Par certains jours ensoleillés, force est d’admettre que la surface de la neige projette une luminosité telle qu’elle donne envie de célébrer cette saison. Sans compter que sillonner les sentiers des forêts le long des rivières offre aux randonneurs des paysages magnifiques et un silence exceptionnel. Dans la région, faire connaître ceux de la Forêt Drummond et celui de la Rivia vaut le coup. Enfin, si rien ne convainc, il ne reste plus qu’à rappeler l’existence du printemps pour redonner espoir. Cela dit, aussi pénible soit-il, l’hiver ne fait probablement pas le poids en comparaison avec les inconvénients qu’un bon nombre de nos nouveaux citoyens ont subis dans leur pays respectif.
Pierre Langis, Drummondville
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