Le CSSDC exclu de la réinjection en francisation du MIFI

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Par William Hamelin
Le CSSDC exclu de la réinjection en francisation du MIFI
Plusieurs centres de services scolaires vont bénéficier de la réinjection de 10 M$ du MIFI, mais le CSSDC n’en fait pas partie. (Photo : William Hamelin)

FRANCISATION. Plus de 5 000 élèves de différents centres de services scolaires (CSS) bénéficieront de la réinjection monétaire du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) du Québec. L’Express a d’ailleurs appris que le CSS des Chênes (CSSDC) n’est toutefois pas inclus dans cette nouvelle allocation de fonds.

Jeudi matin, le ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, Jean-François Roberge, a annoncé une réinjection de 10 M$ au ministère de l’Éducation du Québec (MEQ) pour augmenter l’offre de francisation dans le réseau des CSS. Cette somme permettra à plus de 5 000 élèves d’avoir accès à des cours de français jusqu’au 31 mars 2025.

Les fonds seront acheminés vers les régions affectées par un bris de services ou sur les territoires où aucun point du MIFI n’est situé à proximité d’un CSS ayant fermé ses groupes ou étant incapable d’en accueillir de nouveaux.

Le ministre indique que l’argent provient du retrait de l’allocation allouée aux élèves pour leur participation à des cours de français à temps partiel, qui a été effectué en septembre dernier. «Ce réinvestissement démontre la volonté réelle de notre gouvernement de répondre à la demande soutenue en francisation, dans toutes les régions du Québec», affirme M. Roberge par voie de communiqué.

Pas plus tôt qu’hier, le commissaire à la langue française, Benoît Dubreuil, a déploré la fermeture de plusieurs classes de francisation dans la plupart des CSS de la province, liée aux restrictions budgétaires du gouvernement Legault, «ce qui a empêché des milliers d’élèves de terminer leurs cours de français ou de poursuivre leur formation».

«Les changements que le MEQ a apportés à ses règles budgétaires en juin 2024 visaient à renforcer la gestion budgétaire de la francisation ainsi que l’imputabilité des différents acteurs. Cette volonté est légitime. Néanmoins, un meilleur travail de planification en amont aurait été nécessaire entre le MIFI, le MEQ et les CSS pour assurer le déploiement d’une offre de services cohérente et éviter les ruptures de services qui ont été observées pendant l’automne 2024», critiquait M. Dubreuil.

Le directeur général du CSSDC, Lucien Maltais, n’a pas précisé les raisons de l’exclusion du CSSDC de la réinjection pour les cours de francisation du MIFI. (Photo d’archives : Ghyslain Bergeron)

Il constatait que, malgré les efforts du MIFI pour replacer rapidement les élèves, plusieurs demeurent en attente d’une nouvelle place en francisation. Le commissaire notait également que les contraintes budgétaires et administratives limitent la capacité du ministère à réagir rapidement et à ouvrir des groupes dans toutes les régions du Québec.

Le CSSDC exclu

En réaction à l’annonce du MIFI, le directeur général du CSSDC, Lucien Maltais, a salué l’initiative du gouvernement du Québec, même s’il a confirmé par ailleurs que son organisation ne sera pas incluse dans cette première allocation de fonds. Il n’a pas précisé les raisons derrière l’exclusion.

«Nous restons engagés envers nos élèves malgré les défis financiers. Nous continuerons à travailler en étroite collaboration avec le MEQ et le MIFI dans le but d’explorer toutes les possibilités de financement futures et assurer que nos élèves bénéficient des ressources nécessaires pour leur apprentissage du français», assure-t-il par courriel.

Au début du mois de novembre, le Centre de formation générale aux adultes (CFGA) Sainte-Thérèse à Drummondville a mis fin à plusieurs classes de francisation. Pas moins de 225 élèves ont vu leur cours se terminer brusquement avant la fin de la session d’automne.

Le directeur des services éducatifs à la formation générale aux adultes et directeur du CFGA Sainte-Thérèse, Yves Hébert, voit cette exclusion comme étant «une grande déception».  «J’avais bon espoir qu’on pourrait ajouter un ou deux groupes supplémentaires pour cet hiver au CFGA. Cela aurait répondu à la grande demande qui sévit dans la région parce qu’on a beaucoup de personnes qui attendent pour des cours de francisation», laisse-t-il tomber très humblement.

Un aveu d’échec

Des syndicats et regroupements du milieu scolaire québécois n’ont pas attendu pour rebondir sur l’annonce du ministre Roberge. C’est le cas du Collectif francisation.

Ce dernier est un regroupement des enseignants de français langue seconde employés par les CSS de toute la province. Il a été créé en réaction aux réformes budgétaires imposées par le MIFI au réseau de l’éducation pendant l’été 2024.

Le Collectif francisation se réjouit de la réinjection de 10 M$, mais rétorque que ce ne sera pas suffisant pour résoudre la «brutale pénurie de l’offre en francisation». «Ce geste est aussi un aveu de l’incapacité du MIFI à rouvrir autant de groupes qu’il n’en ferme, et une première tentative appréciée de réviser sa position à l’égard des nécessaires dépenses qu’implique une vraie politique de protection de la langue française», expose le regroupement dans une publication sur Facebook.

«Plus de 15 000 personnes resteront privées de cours si le gouvernement se limite à cette rallonge. Nous remercions la forte mobilisation de tous les acteurs économiques, syndicaux, politiques et citoyens qui l’ont permise en relayant nos cris d’alarme [et] exhortons le gouvernement à aller plus loin en restaurant partout nos budgets», implore-t-il.

De son côté, la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE‑CSQ), comprenant le Syndicat de l’enseignement de la région de Drummondville, ainsi que l’Association des enseignantes et enseignants du Québec (APEQ-QPAT) ont conjointement salué cette première démarche du gouvernement Legault de réinvestir dans la francisation. Toutefois, ils ont aussi quelques réserves.

«L’urgence actuelle est de limiter la perte d’expertise dans les centres d’éducation des adultes qui ont mis à pied, ou prévoyaient le faire, des centaines d’enseignants ayant choisi la francisation des nouveaux arrivants et qui s’y sont investis avec conviction. Nous levons notre chapeau à tous ceux et celles qui se sont mobilisés, pour faire comprendre au gouvernement l’importance de cet enjeu pour nos communautés», ont déclaré Richard Bergevin, président de la FSE-CSQ, et Steven LeSueur, président de l’APEQ, par voie de communiqué.

Le Collectif francisation, la FSE-CSQ et l’APEQ concluent en soulignant qu’ils suivront de près l’application des recommandations du Commissaire à la langue française, Benoît Dubreuil, émises dans son rapport de mai 2024. Par ailleurs, M. Dubreuil a précisé que son équipe et lui ont entrepris auprès du MIFI une démarche de suivi de ses recommandations.

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