Facteur pour Postes Canada : «C’est un métier très exigeant»

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Par William Hamelin
Facteur pour Postes Canada : «C’est un métier très exigeant»
Sylvain Piché a maintenant 30 ans d’expérience en tant que facteur chez Postes Canada. (Photo : Ghyslain Bergeron)

MÉTIER. Alors que les 55 000 employés de Postes Canada entament bientôt leur troisième semaine de grève à travers le pays, L’Express a décidé de s’entretenir avec un facteur travaillant pour la société d’État qui a vu son métier évoluer au fil du temps.

Sylvain Piché est à l’emploi chez Postes Canada depuis décembre 1994. Il a débuté en tant que facteur à Montréal où il livrait le courrier à pied.

Sylvain est devenu facteur avant tout pour rester actif physiquement. «Au secondaire, j’étais quelqu’un de très sportif. Une fois que je suis sorti de l’école, je voulais vraiment avoir un travail qui me tiendrait en forme et qui me permettrait de marcher ou de courir chaque jour», raconte-t-il.

L’homme maintenant âgé de 52 ans s’est ensuite installé à Drummondville après avoir obtenu sa permanence au bout de quatre ans et demi. Il livre maintenant des circulaires et des colis avec son petit camion de livraison dans les secteurs de la rue Fradet et de Saint-Charles.

En l’espace de 30 années d’expérience, le facteur drummondvillois remarque que les choses ont changé sur plusieurs aspects de son métier.

Moins de lettres, plus de circulaires

À ses débuts montréalais, Sylvain note qu’il fournissait plus de courriers que de circulaires. «On livrait entre quatre à sept lettres par personne par porte et on livrait environ 2000 lettres par jour. Rajoute à ça le parcours qui était beaucoup moins long, donc environ 400 portes. Et c’est sans compter que, l’après-midi, on s’attaquait aux portes avec escaliers. Je pouvais monter environ 250 escaliers en un après-midi», détaille-t-il.

Les facteurs de Postes Canada portent un sac double pour livrer les lettres et les circulaires. (Photo : gracieuseté Postes Canada)

Même s’il est maintenant au volant de son camion, le quinquagénaire a observé avec les années qu’il fournissait en moyenne deux lettres par porte. Lors de la réunion publique annuelle de Postes Canada en août dernier, le président-directeur général, Doug Ettinger, a rappelé que le courrier postal, qui était autrefois la principale source de revenus de Postes Canada, était maintenant en déclin constant. En près de 20 ans, le nombre de lettres est passé de 5,5 milliards par année à environ 2 milliards, exposait-il.

Désormais, même si elle fournit aussi des colis, les circulaires sont le principal gagne-pain de la société d’État, rappelle Sylvain Piché. Avec uniquement son camion de livraison, il peut livrer en moyenne 3000 circulaires ainsi qu’une cinquantaine de colis par jour.

Un travail plus exigeant qu’avant

Le facteur drummondvillois ne cache pas le fait qu’il ne pourrait plus faire le trajet à pied que certains de ses collègues font, surtout lorsque la plupart doivent transporter un sac double rempli de circulaires. «À l’époque, on avait un sac simple, donc c’était facile de le changer d’épaule quand l’autre s’épuisait. Maintenant, c’est rendu plus physique de porter un tel sac avec un poids si lourd», rapporte-t-il.

S’il faut rajouter le fait que certains facteurs effectuent un parcours d’une trentaine de kilomètres par jour, il n’est pas rare qu’un problème musculaire ou du pied plat apparaisse au fil du temps, comme c’est le cas de Sylvain Piché. «Je suis rendu avec un problème aux pieds, à cause du poids trop lourd que j’ai transporté pendant des années», se plaint-il.

Le quinquagénaire confie qu’un nouvel employé sur quatre reste dans la profession tant l’effort physique est exigeant au quotidien. Il ajoute même que certains de ses collègues ne prennent même plus le temps de dîner.

Sylvain Piché conduit un petit camion de la société d’État pour livrer des circulaires et des colis dans les secteurs de la rue Fradet et de Saint-Charles. (Photo : Ghyslain Bergeron)

«À l’époque , on était obligé de revenir au bureau de poste pour manger à 12h. À 12h30, on repartait travailler. Maintenant, il n’y a plus ce genre de consignes, mais rien n’est forcé de la part de l’employeur», témoigne celui qui prend encore le temps de dîner dans son camion.

Le salaire

Pour ce qui est de la rentrée d’argent, Sylvain Piché soulève aussi un changement drastique. Lorsqu’il a été engagé chez Postes Canada en 1994, le salaire horaire minium au Québec était de 5,85 $. «Quand j’ai commencé, le salaire était d’environ 17 $ de l’heure. C’était quand même beaucoup comparativement au salaire minimum de l’époque», fait-il remarquer.

De nos jours, le salaire horaire de base pour un facteur débutant au Québec est de 22 $ et peut monter jusqu’à 30,36 $ pour un facteur à temps plein, indique Sylvain Piché. «Les gens qui rentrent dans le métier peuvent gagner leur vie, mais pas aisément. Un jeune qui débute se dira qu’il vaut peut-être mieux aller travailler au McDonald’s pour l’équivalent du même salaire ou un peu moins, mais qu’au moins il travaillera beaucoup moins fort physiquement. [Ce qui est certain c’est que] ce travail te brûle le corps et ce n’est plus à la portée de tout le monde», précise le facteur aux trente années d’expérience.

Sylvain Piché compte prendre sa retraite vers février 2028. Il compte bien rester actif grâce à son passe-temps de mannequin de publicité et de comédien de figuration une fois qu’il rendra les clés de son camion.

Ce dernier pense toujours que le travail restera essentiel pour la population, mais qu’il est voué à évoluer et que les pratiques de livraisons doivent être mises à jour. «On aura toujours besoin de nouveaux employés pour garantir la relève», termine-t-il.

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