(Collaboration spéciale : Jonathan Guilbault)
HISTOIRE. Automne 1973. Il fait le lien entre le secteur Saint-Charles et le centre-ville de Drummondville. Bien qu’il soit le plus neuf des deux, le pont de la Traverse a déjà un demi-siècle. Et il n’a jamais été inauguré.
C’est ancré dans la mémoire des Drummondvillois. Le «vieux pont» est vert (gris aujourd’hui) et nommé Curé-Marchand alors que le «pont neuf» est appelé de la Traverse.
L’archiviste Jonathan Guilbault a voulu raconter l’histoire de ce troisième lien achevé à l’automne 1973.
«J’avais le goût de travailler un dossier historique et tout en fouillant sur l’histoire du pont (de la Traverse), je me suis rendu compte qu’il y avait beaucoup à dire», a expliqué Jonathan Guilbault, archiviste.
La saga s’est amorcée en 1955 et s’est échelonnée sur une période d’une dizaine d’années. C’est à la suite de la révélation du piètre état du «vieux pont», par l’ingénieur municipal de la Cité de Drummondville, que le conseil a interpellé, en août 1963, le Ministère pour le remplacer.
«Dès l’annonce de la construction du nouveau pont, les divers groupes d’intérêt se sont positionnés et disons qu’il y a eu des visions bien différentes de part et d’autre. Quatre projets ont été déposés», a ajouté M. Guilbault.
Un premier, soumis en 1963, proposait le remplacement du «vieux pont» en érigeant une nouvelle structure tout juste à côté. Des bretelles d’accès auraient été aménagées dans une partie du parc Woodyatt et un prolongement de la rue Marchand à travers le cimetière de l’église St. George avait été planifié. Le droit inaliénable du cimetière venait compliquer les futurs travaux. D’autres obstacles considérables, comme l’élargissement de la rue Marchand à quatre voies et l’expropriation devaient être réglés pour assurer la viabilité du projet. Il n’a pas été retenu.
«En janvier 1964, les citoyens habitant le chemin Hemming ont fait parvenir à la Cité, via la Ligue des propriétaires*, une requête afin de convaincre les élus de choisir le quartier Sainte-Thérèse. Cependant, l’ingénieur du Ministère avait estimé que les bénéfices auraient été uniquement profitables localement et qu’ils auraient nui aux futurs projets industriels de la rue Janelle et du boulevard Bernard (Saint-Joseph).»
Une autre option, semblable à la première, aurait amené les routes vers les rues du Pont, Heriot tout en longeant l’actuel stationnement de la place d’Armes, avant d’aboutir sur la rue Saint-Georges. Trop coûteuse, elle a été abandonnée.
Le choix du site
La rue Saint-Georges est l’option privilégiée par le Ministère dans ses deux rapports. «Avec le projet de la route de contournement de Saint-Charles (aujourd’hui le boulevard de l’Université), ce choix était le plus adapté en considérant le flux de voitures qui allait augmenter. De plus, les coûts de construction étaient moindres», a ajouté l’archiviste.
«En octobre 1966, la Cité a reçu une lettre d’opposition formelle de la Ligue des propriétaires qui prônait le projet du secteur Sainte-Thérèse. Ils ont apporté des arguments supplémentaires pour appuyer leur vision. La Cité a donc invité la Ligue à une rencontre pour discuter du projet. Mais, au final, il semble que la rencontre n’a pas porté fruit.»
En 1972, alors que la construction du pont et le réaménagement de la rue Saint-Georges sont déjà entamés, la Cité provoque la suspension momentanée des travaux.
«La Ligue des propriétaires estimait que la Cité n’avait pas à débourser pour la construction, car des villes similaires à Drummondville n’avaient pas investi un sou dans la construction de leurs ponts. Ç’a alors mené à tout un débat et de propositions. Finalement, la Cité allait contribuer à la hauteur de 400 000$ au projet.»
Le référendum
La Cité enclenche donc un deuxième règlement d’emprunt d’une somme de 448 000$, mais la Ligue s’y oppose, ce qui force la tenue d’un référendum.
«Le 11 juillet 1973, au Centre civique (centre Marcel Dionne), le greffier a déclaré que le règlement no 1011 avait été adopté par les citoyens par une mince avance de 86 voix. Cependant, l’emprunt n’a pas été nécessaire, car, quelques jours plus tard, la Cité a signé un protocole d’entente avec le ministère pour la construction du pont et le réaménagement de la rue Saint-Georges qui prévoyait des paiements sans intérêts», a précisé M. Guilbault.
Une ouverture devancée
Sans être inauguré officiellement, le pont de la Traverse a été ouvert à la circulation sans que tous les travaux soient terminés. À l’époque, le pont Curé-Marchand avait été fermé en raison de sa dangerosité. Les voitures ont donc emprunté le pont dès septembre 1973, mais le système d’éclairage a été installé seulement en février 1974. Le nom est du pont de la Traverse a quant à lui été dévoilé en 1978.
«Bien que d’autres noms aient été considérés, le pont de la Traverse doit son nom à la traverse qui s’effectuait en bateau à cette hauteur. Le frère Côme St-Germain avait proposé, en vain, via une lettre à la Ville, de baptiser la structure au nom de Jacques Adhémar qui a participé à l’établissement de la colonie de Drummondville aux côtés de Frederick George Heriot, après la guerre», a conclu Jonathan Guilbault.
Promouvoir et défendre
*La ligue des propriétaires a été mise sur pied au cours des années 1920. Il s’agissait d’une association de propriétaires de fonds immobiliers, réunis afin de promouvoir et défendre leurs intérêts communs. En 1982, la Ligue des propriétaires est devenue le Regroupement des citoyens de Drummondville. Ce nouvel organisme avait pour mission de veiller aux intérêts de tous les contribuables drummondvillois.