Virginie Brunelle: l’intelligence du mouvement

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Par Claude-Hélène Desrosiers
Virginie Brunelle: l’intelligence du mouvement
Virginie Brunelle. (Photo : Anne-Marie Baribeau)

MAGAZINE. Virginie Brunelle dirige sa compagnie de création chorégraphique depuis plus de dix ans. Forte de plusieurs œuvres de danse contemporaine, elle a remporté plusieurs distinctions et s’est produite dans plus d’une cinquantaine de villes, au Québec comme à l’international. Ses œuvres sont originales et poétiques, tout en traitant de sujets universels.

Maintenant au début de la quarantaine, elle a débuté la danse au Cégep de Drummondville. C’est d’ailleurs durant ses études au DEC en danse, au début des années 2000, que son désir de devenir chorégraphe est né.

«Je n’étais pas la plus grande technicienne, puisque j’ai commencé la danse seulement au Cégep. C’est dans mon premier cours de création durant mon DEC que j’ai vu que j’aimais ça, et j’ai vu dans les yeux de mes professeurs aussi qu’ils trouvaient ça original ce que je faisais. De manière assez naturelle, je me suis dirigée vers la chorégraphie. J’avais vraiment un coup de cœur pour cette manière de travailler là», dit-il.

Les années de formation à Drummondville ont été une période riche pour elle. Elle a eu des professeurs très généreux qui ont cru en sa créativité, et qui avaient l’œil pour déceler le potentiel de chacun.

 

Un parcours inspirant

Peter Trosztmer, Milan Panet-Gigon et Nicholas Bellefleur, dans la pièce Fables.

En 2008, elle crée sa première production, Les cuisses à l’écart du cœur, qui remporte plusieurs prix et mentions. Elle crée ensuite la pièce Foutrement, qui remporte le prix du public du CAM en tournée (2017). En 2011, Virginie Brunelle récidive avec Complexe des genres, qui obtient le deuxième prix au Concours international de chorégraphie d’Aarhus au Danemark. Trois ans plus tard, elle présente PLOMB et, en 2016, elle crée À la douleur que j’ai. Ces quatre pièces font l’objet de tournées internationales. Puis elle est invitée à l’étranger en 2018 pour la création d’une production pour la compagnie Gauthier Dance Theaterhaus Stuttgart. En résulte Beating, qui sera présentée en Allemagne, au Canada et en Europe.

En 2019, elle crée Les corps avalés, une pièce pour sept danseurs, accompagnée sur scène par le Quatuor Molinari. Cette œuvre obtient un franc succès auprès de la critique et des spectateurs. Enfin, sa dernière création, Fables, est une oeuvre d’envergure pour douze interprètes dont la première mondiale a eu lieu en 2022 au Festival Lugano Dance Project en Suisse et a été présentée par la suite au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts à Montréal en décembre 2022.

 

Le bagage musical nourrissant la création chorégraphique

L’artiste s’inspire de ses propres questionnements, mais elle aime aussi mettre en scène un portrait de nos agissements comme individus, et nos relations avec les autres. «C’est souvent mon point de départ pour composer une œuvre. Après ça, il y a plein de sous-sujets qui viennent s’intégrer dans le processus. Mes premières explorations comme chorégraphe, c’était vraiment pour répondre à mes propres questions, et pour extérioriser mes propres angoisses. Ça s’est avéré un processus intéressant et cohérent pour le spectateur parce que ce sont des choses qu’on vit tous, alors ça devient un partage, un dialogue spectateur-scène», explique-t-elle. On retrouve chez elle les thématiques de l’incommunicabilité, de la difficulté d’être avec l’autre.

Avant la danse, Virginie Brunelle a suivi une formation de musicienne. La musique a fortement imprégné son imaginaire. Maintenant, dans son processus de création, elle choisit le sujet qu’elle veut traiter, puis elle se construit une banque de musiques qui l’inspire. «C’est souvent la courbe dramatique de ces musiques-là qui va m’insuffler des idées chorégraphiques», glisse-t-elle.

La chorégraphe crée aussi à la manière d’un compositeur de musique. Comme le compositeur écrit sa mélodie sur la partition, puis ajoute des annotations musicales, elle écrit d’abord une gestuelle puis viennent les détails des mouvements : le dynamisme, les attaques, le tempo… Elle précise : «Je constate qu’il y a des phrasés musicaux dans mes phrasés chorégraphiques».

Il y a aussi le désir de trouver des images qui seront parlantes et de rendre le tout intelligible pour le spectateur, car la danse peut parfois être abstraite. Virginie Brunelle tente, lorsqu’elle compose, de penser à des images qui vont être suffisamment fortes pour créer des ponts avec le spectateur.

 

La danse au temps de la COVID-19

Virginie Brunelle en répétition.

Virginie Brunelle et ses danseurs travaillaient à la production Les corps avalés depuis deux ans quand, deux semaines avant la première, la pandémie arrive et met tout sur pause.

Le milieu de la danse a été durement touché. La chorégraphe s’est particulièrement sentie happée par la pandémie, au point de remettre en question la pertinence de faire ce métier. Le mot d’ordre étant de se «réinventer», elle est allée toucher à d’autres cordes, dont principalement la réalisation d’un court-métrage. «Ça faisait longtemps que j’avais envie de prendre mes chorégraphies et de les mettre sur le grand écran. Ça a été l’occasion pour le faire», dit-elle.

Puis, elle a enfin pu présenter Les corps avalés, spectacle unique accompagné du Quatuor à cordes Molinari. La différence d’avoir un orchestre sur scène comparativement à une bande sonore est immense. C’est une sensation, quelque chose qui traverse les corps davantage. La musique en direct préserve aussi une vivacité. Avec une bande-son, c’est toujours égal, ça ne change pas. Quand ce sont des humains qui font la musique, qui partagent la scène, il y a alors une écoute additionnelle entre les artistes, et une énergie qui passe de l’un à l’autre.

Mme Brunelle a de grands rêves. Elle explique qu’il existe seulement trois compagnies de danse à Montréal qui soient salariées, avec les mêmes danseurs à longueur d’année. «Les danseurs sont pigistes. Parfois ils ont trois répétitions dans trois lieux différents dans une même journée. Si on avait davantage de compagnies de danse salariées, je crois que l’écosystème se porterait mieux», soutient-elle.

Elle se plait aussi à imaginer un centre de création en région, dans la nature. Un lieu de résidence d’artiste qui pourrait aussi servir à des conférences, par exemple.

Virginie Brunelle est actuellement est en mode idéation pour sa prochaine production. En marge de cela, elle enseignera à l’École de danse de Québec et cosignera une mise en scène avec le Théâtre Duceppe. Elle travaillera aussi à titre de conseillère au mouvement pour un long-métrage.

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