La lumière comme matière première

Photo de Claude-Hélène Desrosiers
Par Claude-Hélène Desrosiers
La lumière comme matière première
Sylvie Savoie a été mandatée pour restaurer les vitraux de l'Église Saint-George. (Crédit photo: gracieuseté)

PATRIMOINE. Les craquements du bois, la fraicheur de la pierre. Dans l’Église anglicane Saint-George, bâtie au milieu du 19e siècle, il y a un contraste entre la pénombre des lieux et la lumière vive qui entre par les fenêtres. C’est justement de lumière et de fenêtres dont il est question.

Joyau du patrimoine drummondvillois, ce lieu de culte à l’architecture de style néogothique fait l’objet de travaux importants en ce moment : la restauration de ses vitraux, réalisés à l’époque par John C. Spence. C’est l’artiste du verre Sylvie Savoie qui a reçu ce grand mandat.

En ce samedi chaud et ensoleillé, une bonne trentaine de personnes s’est rassemblée dans la nef de l’Église Saint-George afin d’assister à la conférence de Sylvie Savoie, qui y dévoilait en détail ce que représentent ces travaux de restauration.

Le tout a débuté en septembre 2022, alors que les trois premières fenêtres lui ont été livrées à son atelier. Leur restauration a été complétée et elles devraient être installées incessamment. Lorsque les employés de l’entrepreneur, Construction Benoit Moreau, ont enlevé la première fenêtre, Mme Savoie s’est aperçu à quel point les vitraux étaient dans un état précaire. Le plomb, qui tient en place les morceaux de verre, s’effritait. Il a fallu prendre des mesures pour assurer une certaine solidité : du ruban adhésif a été apposé sur toute la surface.

Malgré ses 20 ans de métier, Sylvie Savoie est allée en France en novembre pour apprendre les techniques ancestrales à la française. Coup du hasard, Nathalie Falaschi, l’artiste qui l’a formée en restauration, voulait refaire sa formation en verre fusion. Elles ont ainsi fait un échange de savoirs. «Quand je suis revenue ici je me sentais vraiment outillée», affirme Mme Savoie.

Vue de la nef de l’Église Saint-George. (Photo: Claude-Hélène Desrosiers)

À ce jour, la moitié des vitraux ont été restaurés. Les travaux se poursuivront jusqu’en 2024. L’artiste verrière estime qu’il faut environ deux mois pour faire deux vitraux et un oculus (fenêtre circulaire). Chaque vitrail comprend une centaine de pièces. Les étapes se succèdent : mesurer, dessertir, faire tremper, nettoyer chaque pièce avec une brosse douce, remonter, sertir, nettoyer à nouveau, polir, souder… Puis, il faut laisser sécher deux mois. Un véritable travail de moine.

La grisaille — technique de peinture sur verre, cuite au four — aura été son plus gros défi. «Ce qui était le plus difficile était de trouver la couleur qui se rapproche le plus de l’original. J’ai fait plus de 25 tests de couleurs», raconte-t-elle. Elle est fière des résultats qui sont «vraiment confondants».

Sylvie Savoie a dû se procurer des baguettes de confection personnalisées de Vancouver, dans le même but de ressemblance, puisque ces dimensions ne se font plus. Ces baguettes profilées en forme de «H» soutiennent les pièces et en assurent la solidité. Elle a aussi dû obtenir du verre antique, qu’on ne retrouve aujourd’hui que dans deux pays : la France et l’Allemagne. «J’ai profité de mon voyage en France pour visiter la verrerie Saint-Just, créateur de verre antique depuis 1826. Le verre antique, fait à la main, a une réflexion qui est beaucoup plus grande», explique-t-elle. Enfin, le mastic, fait d’huile de lin bouilli, qui rend le verre rigide et étanche, vient d’Europe.

La Luciennoise a préparé une fiche technique, comprenant toutes les étapes de réalisation de restauration. Cela pourrait être utile dans le futur.

Sylvie Savoie n’aurait pas pensé faire ce type de réalisation un jour. Tenir dans ses mains ces pièces à la valeur inestimable demande une grande attention. Elle se réserve pour la fin la vitre-maîtresse située au-dessus de l’autel, constituée de trois grands panneaux. «C’est la plus stimulante, avec son jaune d’argent, ses motifs, ses médaillons…».

Initiée au verre par Suzanne Ricard, une artisane de Saint-Pie, Sylvie Savoie a tout de suite eu la certitude qu’il s’agissait-là de «son» médium. «Je suis technicienne en cartographie. J’ai fait le lien par la suite. La cartographie, qu’est-ce que c’est ? Des lignes, des aplats de couleurs, des symboles… ça rejoint mes premières amours», s’exclame l’artiste. La partie qu’elle préfère dans son métier, c’est le sertissage. Elle devient zen à cette étape qui implique d’enchâsser le verre dans le «H» en plomb. La vitrailliste s’arrête un instant. «C’est merveilleux. Je travaille avec la lumière comme matière première», conclut-elle avec ravissement.

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