Pénurie de médicaments : des parents vivent un stress

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Par Claude-Hélène Desrosiers
Pénurie de médicaments : des parents vivent un stress
Catherine Brodeur et sa fille Rosalie (Photo : Ghyslain Bergeron)

MÉDICAMENTS. Des parents vivent un grand stress causé par la pénurie du médicament anticonvulsivant de leur fille Rosalie. La situation a un impact majeur sur le bien-être de cette dernière et sur l’ensemble de la famille composée de cinq enfants. Il s’agit d’un combat sans relâche pour protéger la santé de l’enfant de 6 ans.

Quand on entre dans la maison, on voit comment tout a été pensé pour répondre aux multiples besoins de Rosalie, une fillette qui sait charmer avec ses éclats de rire et ses beaux grands yeux. Elle souffre de ce qu’on appelle une mutation du gène CDKL5, un trouble génétique rare. Cela se traduit par une épilepsie précoce importante et une atteinte neurodéveloppementale.

Sa mère, Catherine Brodeur, a dû faire preuve d’ingéniosité et d’adaptation. Avant Noël, un médicament dont dépend Rosalie pour gérer son épilepsie est devenu introuvable. C’est l’un des nombreux médicaments qui a fait l’objet d’une pénurie et qui continue de l’être.

 

L’impact, dans la vraie vie

Avant Noël, le médicament de Rosalie, la vigabatrine, n’était plus disponible sous la forme qu’elle utilisait, soit sous forme de poudre qu’on peut dissoudre. La pénurie pour ce médicament existait déjà depuis septembre. Sa pharmacie l’a dépanné pendant un bout… jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus.

Au lieu de la poudre dissolvable, Catherine Brodeur doit maintenant utiliser des comprimés. «On doit lui donner ses médicaments par gastrostomie, alors tout ce qui est pilule, il faut l’écraser et le diluer… tant bien que mal», dit-elle.

Bien qu’en principe les comprimés devraient équivaloir au médicament en poudre, ça n’a pas été le cas pour Rosalie, qui est très sensible à la médication. En passant aux comprimés, Rosalie est devenue irritable, pleurait beaucoup, ne dormait presque plus et ne mangeait plus. La nuit, ses cris réveillaient ses quatre frères et sœurs.

Comme ils ont dû faire face à la pénurie de vigabatrine en poudre en plein temps des Fêtes, les parents de la fillette n’ont pas pu obtenir un suivi avec la neurologue, qui connaît un peu son dossier. Catherine Brodeur n’a pas eu le choix : «C’est moi qui ai dû faire des essais, car la dose équivalente, en comprimés, ne fonctionnait vraiment pas. Ça a été deux semaines d’ajustement de médication que j’ai dû chapeauter parce que je n’avais pas beaucoup de ressources.»

Effectivement, durant la période des Fêtes, bien qu’il y ait des médecins de garde, ils ne sont pas au courant des particularités de Rosalie, et de son hypersensibilité aux médicaments. «La solution du médecin de garde que nous avons réussi à voir a été de prescrire un calmant. En plus de ne pas régler le problème à la base, il en créait d’autres, car il a quand même des effets secondaires. Quand elle prend un calmant, elle arrête de pleurer pendant 2 h, mais après ça recommence», ajoute Mme Brodeur.

 

S’ajuster

Rosalie n’est bien sûr pas la seule touchée par les centaines de médicaments manquant à l’appel chaque semaine. Marc (nom fictif) a l’habitude d’un certain médicament pour la prostate, qui n’est plus disponible. On ne sait pas quand il sera à nouveau accessible. «Ils m’ont donné un substitut, un autre médicament. Même si c’est censé faire la même chose… ce n’est pas le cas, souffle-t-il. Ce n’est pas dangereux, je ne vais pas mourir à cause de ça, mais ça a pour effet de changer pas mal ma vie! Ç’a des inconvénients sur mon quotidien».

Carole, une autre patiente qui subit la situation, n’a pas eu accès à sa pompe pour le nez à la cortisone pendant le mois de janvier : «J’ai passé un mois difficile. On a dû me donner un substitut de dépannage qui ne me convenait pas vraiment…»

Epipen, lait de gavage, antipsychotique : la liste de produits ayant fait l’objet d’une pénurie est déroutante, puisque certains sont sur la liste des médicaments essentiels de l’Organisation mondiale pour la santé.

 

Des décisions difficiles

Au moment d’écrire ces lignes, l’état de Rosalie s’est stabilisé. Elle a de bonnes et de mauvaises journées. Sa mère raconte : «L’été dernier, c’est arrivé aussi qu’il y ait une pénurie du même médicament. Il n’y en avait plus du tout, ni même de comprimés. C’est quand même un médicament qu’on ne peut arrêter d’un coup, car ça nécessite un sevrage. J’ai coupé ses doses pour essayer de l’étirer le plus possible. Ça a été un mois de convulsions. Et tout de suite après, une autre pénurie».

Les parents de la petite fille se posent de sérieuses questions. Après avoir réussi à stabiliser son état avec des comprimés, réutiliseront-ils la poudre, quand elle sera de nouveau disponible, et ainsi s’exposer à une autre période difficile d’adaptation?

«Si elle fait trop de convulsions, elle devrait être hospitalisée. Potentiellement, ça peut être mortel», relate Mme Brodeur. Trouver la bonne médication a été difficile, Rosalie a essayé plusieurs molécules. Pour elle, c’est la vigabatrine qui fonctionne le mieux. C’est dur de comprendre ce qui se passe “en haut” pour expliquer la pénurie… Ça ne devrait même pas arriver. C’est la santé des gens!»

Soulignons que la mutation du gène CDKL5 se traduit particulièrement par une épilepsie très difficile à contrôler, et ce, malgré la prise de médicaments. Il va sans dire que lorsqu’un certain équilibre est atteint, il s’avère essentiel de pouvoir conserver le bon dosage du bon médicament.

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