Ils étaient ensemble «26 heures sur 24»

Photo de Lise Tremblay
Par Lise Tremblay
Ils étaient ensemble «26 heures sur 24»
Line Auger et René Grandmont. (Photo : Ghyslain Bergeron)

SAINT-VALENTIN. Line et René auraient bien pu être les protagonistes d’un bon film de filles. Même si la mémoire s’effrite, que leur adresse n’est plus la même, leur cœur n’oublie pas qu’ils sont liés l’un à l’autre.  

 Au mois d’octobre, René Grandmont et Line Auger célébreront 50 ans de mariage. Des noces d’or qui auront une saveur toute particulière pour ce couple qui a œuvré dans le monde des affaires, précisément dans le domaine de l’horticulture. 

Depuis près de deux ans, leur vie n’est plus comme celle d’avant. René a contracté la COVID-19 qui a eu un effet dévastateur sur sa santé. Il a été hospitalisé durant plusieurs jours puis le trouble cognitif frontal qui l’accaparait s’est amplifié. S’apparentant quelque peu à la maladie d’Alzheimer, ce mal affecte surtout sa mémoire à moyen et court terme. 

«Quand les médecins m’ont annoncé ça, ils m’ont rassuré en me disant qu’il allait conserver tous ses anciens souvenirs, comme notre mariage, la naissance de nos enfants et son travail. Le fait qu’il soit allé à l’université à 60 ans a aidé sa mémoire, mais on a su aussi que son cervelet est affecté», exprime l’épouse de 67 ans, qui tente de vivre au jour le jour.  

S’il est capable de se rappeler de cet arbre qu’il avait tant convoité à une certaine époque, le Aralia elata, il est toutefois impossible pour lui de se souvenir ce qu’il a mangé le matin et des conversations qu’il a eues avec les autres patients de la Maison Marie-Reine-des-Cœurs où il vit depuis 18 mois. 

«J’avais planté cet arbre chez moi. C’était tellement un bel arbre. J’ai réussi à le faire fleurir après 7 ou 8 ans, mais quelqu’un me l’a volé», lance René, qui était propriétaire de la Pépinière Grandmont de Saint-Cyrille-de-Wendover.

M. Grandmont souffre d’un trouble cognitif frontal. (Photo Ghyslain Bergeron)

Ses problèmes de mémoire ont été exacerbés par les accidents d’auto qu’il a eus au fil de sa vie. Il a subi plus d’un traumatisme crânien. «Je conduis mal… qu’est-ce que tu veux!», rigole l’homme de 77 ans. 

Aux deux jours, Line Auger se rend auprès de lui. Plus souvent qu’autrement, elle prend soin de lui apporter sa collation préférée, du fromage en grains, des croustilles et des poires. «Au début, je venais tous les jours, mais c’était trop difficile pour lui quand je partais. Il me disait «on est marié, pourquoi je ne peux pas te suivre?» J’ai l’impression de vivre un deuil chaque jour depuis qu’il a fallu que je déclare qu’on vit séparé, mais involontairement. C’est déchirant, mais je ne m’épuiserai jamais à m’occuper de lui», poursuit-elle.  

Line et René ont eu cinq fils ensemble : Patrick 52 ans, François 50 ans, Michel 48 ans, Martin 44 ans et Robin 43 ans. Ils sont aussi grands-parents de neuf petits. «On s’est rencontré lorsque j’avais 17 ans… et on s’est marié lorsque j’avais 17 ans, partage la dame. On était toujours ensemble. Il y avait la maison, la terre, l’entreprise et les enfants.» 

Line Auger, 67 ans, et René Grandmont, 77 ans. (Photo Ghyslain Bergeron)

«On était ensemble 26 heures sur 24 dans ce temps-là», riposte-t-il. 

Malgré la maladie et toute l’inquiétude liée à sa propre santé, Line Auger essaie de demeurer positive. «Depuis qu’il est en sécurité ici, il est devenu plus colleux. Il me prend la main et me prend dans ses bras. J’aime vraiment ça!» 

Quand on lui demande son secret pour une vie de couple réussie, cette dernière aborde sans hésiter le sujet de la communication. «Les couples aujourd’hui ne se parlent pas. Ils courent partout et ne prennent pas le temps. Parfois, il s’agit juste de comprendre l’autre, de se mettre à sa place», dit-elle. 

L’épouse se rappelle avec tendresse les voyages qu’ils ont faits ensemble, dont cette virée dans les Maritimes en camionnette dans laquelle ils dormaient, mangeaient et profitaient de la vie. «C’est mon plus beau souvenir avec lui».

Dans l’espoir d’aider d’autres couples, Line Auger a accepté de participer récemment à un projet de recherche mené par le Centre collégial d’expertise en gérontologie affilié au Cégep de Drummondville. Intitulé «Rester amoureux malgré le contexte de proche aidance», il vise à comprendre le lien d’attachement présent au sein du couple et à déterminer des pistes d’intervention possibles pour les travailleurs sociaux.  

«Je voulais donner au suivant et aider les autres proches aidantes à comprendre et à aider la personne aimée. Les chercheurs travaillent à partir des cinq sens et ça me parle tout ça. Il s’agit d’un point de repère important pour les gens qui ont des atteintes cognitives», informe-t-elle. 

Et comment le couple anticipe sa soirée de Saint-Valentin? «L’amour, c’est tous les jours. Quand on aime une fois, c’est pour toujours», conclut M. Grandmont.

Partager cet article