Un retraité engagé

Caroline Lepage
Un retraité engagé
Yvon Garneau se garde occupé et profite de la vie. (Photo : Ghyslain Bergeron)

MAGAZINE. Après sa carrière d’avocat en droit criminel, Yvon Garneau a pris sa retraite lorsqu’il a accroché sa toge en 2016. Et s’il continue d’agir comme coroner, il ne considère pas cet engagement comme un travail, mais une mission : celle de protéger la vie humaine!

Depuis le début octobre, Yvon Garneau est de retour au Québec après avoir parcouru, à bord de son nouveau campeur motorisé, les provinces de l’Ouest canadien, avec sa conjointe, Louise Cusson. «Ça m’a fait du bien en maudit! Ça a allégé l’esprit. J’avais besoin d’une pause», laisse tomber celui qui n’a jamais aimé le camping.

Sa fidèle partenaire l’a convaincu de partir en road trip pour expérimenter ce que plusieurs appellent la van life. M. Garneau s’est laissé tenter par l’aventure qu’il ne regrette pas. «Je dormais mieux dans la «van» que dans mon lit… C’est mon nouveau dada!», dit-il avec le sourire.

Avec son amoureuse, il s’est surpris à chanter de bon cœur d’anciens succès de Nicole Martin au volant du véhicule récréatif (VR), en dévalant les majestueuses pentes des rocheuses.

(Photo gracieuseté)

Après ce périple de cinq semaines, M. Garneau est heureux de joindre la gang de policiers-enquêteurs retraités devenus amateurs de VR, tout en s’empressant de reprendre ses dossiers de coroner. «C’est la première fois que j’étais arrêté aussi longtemps», lance-t-il.

Né pour être coroner

Nommé coroner en 2005, Yvon Garneau partage cette fonction dans la région avec Dr Martin Sanfaçon. Chacun offre ses périodes de garde, selon ses disponibilités.

«C’est une occupation dans le cadre de ma retraite, précise M. Garneau. Ma mission de coroner, ce n’est pas un travail. Je suis né pour ça!»

Il faut dire que la mort fait partie de sa vie depuis qu’il est petit, car son père était propriétaire des installations d’un salon funéraire à Thetford Mines. L’enfant a grandi dans le logement situé au-dessus du salon.

D’ailleurs, M. Garneau est resté marqué par les entretiens qu’avait son père avec les gens endeuillés. «Il avait un respect extraordinaire pour les familles. Ça m’impressionnait!», partage-t-il.

Après avoir vécu son adolescence à Drummondville, ce dernier a pris la direction de Jonquière, où il a commencé des études en journalisme. Il est fier d’avoir travaillé à Rimouski, à la station de radio CJBR de Sandy Burgess, un journaliste et éditorialiste réputé. Il présente ce média comme «l’université des annonceurs» qui a formé plusieurs personnalités, comme Bernard Derome, Pierre Nadeau et Jean Pagé.

Si son début de carrière en information l’a amené à faire de l’animation et couvrir l’actualité, il s’est passionné pour les faits divers. Comme il démontrait un vif intérêt pour le travail d’enquête, il s’est inscrit à l’Université de Sherbrooke en droit pour se spécialiser.

«Je voulais aller au fond des choses. C’est ce qui m’a attiré vers le droit criminel», communique le juriste devenu membre du Barreau en 1982.

Recherche de la vérité

C’est encore son goût pour l’investigation et la recherche de la vérité qui l’a poussé à devenir coroner à temps partiel, il y a 17 ans, faisant appel à ses talents de communicateur.

«Le coroner n’a pas pour but de trouver un coupable, mais d’établir les faits. C’est un art. Tout n’est pas blanc. Tout n’est pas noir. Il y a des contradictions. Il faut dire ce qui s’est passé, avec des mots simples et clairs, toujours avec le plus grand respect envers les familles», spécifie-t-il.

Yvon Garneau a été nommé coroner en 2005. (Photo d’archives Ghyslain Bergeron)

M. Garneau a signé des rapports dont il est satisfait. Il cite en exemple celui des quatre jeunes drummondvillois le 10 octobre 2010, décédés en voiture après une soirée bien arrosée. Cette tragédie routière a alimenté le documentaire-choc Dérapages de Paul Arcand.

Ses recommandations ont fait du chemin, malgré la controverse. «En 2011, j’ai reçu des tomates d’un côté et des fleurs de l’autre», évoque-t-il.

De plus, son invitation à «mettre la pédale douce» dans la médiatisation des drames familiaux impliquant des infanticides a été considérée par un comité d’experts de l’Université Laval. «J’ai été cité dans ce rapport (…) J’avais fait débuter la réflexion», fait-il valoir.

Le décès du signaleur routier Pascal Cauchon, le 8 avril 2021 à Saint-Cyrille-de-Wendover, lui a valu son plus volumineux rapport de 17 pages.

L’homme dans la trentaine a été happé mortellement par un train routier après avoir installé un panneau pour avertir les automobilistes d’une zone de travaux à proximité. «Je répondais enfin aux questions de la famille», transmet-il.

Fragilité de la vie

Comme son père, Yvon Garneau se soucie d’intervenir avec délicatesse auprès des proches fragilisés à la suite des décès «encore tout chauds», comme la travailleuse sociale qui échange avec eux à l’hôpital. À son avis, tous les professionnels se complètent dans cette tâche difficile.

«Chaque décès, chaque famille, c’est différent. C’est ma force et je le dis avec modestie. En mettant la main sur l’épaule d’une personne, je peux échapper une larme. C’est ça, avoir de l’empathie!», exprime-t-il.

En côtoyant la mort de si près, il apprécie chaque jour de sa vie, entouré de sa conjointe, ses deux filles et ses quatre petits-enfants.

Depuis qu’il a vendu à l’été 2021 son domaine à Saint-Lucien, avec ses chevaux, pour emménager à Drummondville, le «citadin» garde la forme avec son vélo électrique et parcourt son kilomètre en jogging chaque matin.

«Crime que ça va vite, s’exclame celui qui préfère ne pas divulguer son âge. Je vis pour aujourd’hui… en espérant demain!»

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