Le patrimoine débâti du centre-ville

Martin Bergevin
Le patrimoine débâti du centre-ville
Vue panoramique du parc Saint-Frédéric, 1919. (Photo : (SHD, Collection régionale ; IC-3.1B8))

MAGAZINE. Les bâtiments patrimoniaux sont en quelque sorte des représentations architecturales de nos souvenirs. Ils sont également des repères matériels qui confèrent aux villes leur identité singulière. En ce sens, lorsque les maisons ancestrales, les vieux magasins généraux et les petites églises de quartier disparaissent, que ce soit par le feu ou par le pic des démolisseurs, c’est aussi une partie de notre mémoire collective qui s’éteint.

Au centre-ville de Drummondville, comme dans plusieurs autres villes et villages du Québec, les bâtiments d’intérêt

La maison Gill et l’édifice de la Southern Canada Power, vers 1919. (SHD, Fonds Abbé Jean-Noël Laplante ; P78, S2, D20, P3)

patrimonial disparus sont nombreux, si bien que lorsque l’on regarde une photographie ancienne mettant en scène le parc Saint-Frédéric, en 1919, on peine aujourd’hui à reconnaître l’endroit. À cette époque, ce lieu névralgique de rencontre de nos ancêtres était ceinturé par l’Hôtel des postes, la résidence bourgeoise du juge Joseph Marier, la petite maison blanche du docteur Ulric Gill, l’édifice commercial de la Southern Canada Power, la succursale locale de la Banque canadienne de commerce, l’hôtel Manoir Drummond, le Bureau d’enregistrement, l’Église catholique Saint-Frédéric et son presbytère.

Cet espace, situé à la croisée des chemins reliant la basse-ville et la haute-ville, dans le quadrilatère des rues Heriot, Girouard, Brock et Marchand (autrefois du Couvent), représente ce qu’il est convenu d’appeler notre «Drummondville historique». Avec son parc, ses édifices religieux, institutionnels et commerciaux, il rappelle les grandes phases d’évolution de Drummondville, du petit noyau villageois du début du XIXe siècle au centre-ville achalandé de l’après-guerre.

Avec le développement de la ville, cependant, s’amorce de nombreuses mutations dans le paysage du site et plusieurs bâtiments seront sacrifiés sur l’autel du progrès, dont l’Hôtel des postes,

L’Hôtel des postes, 1958. (SHD, Fonds Pierre Dozois ; P184-003032)

construit en 1900 et démoli en 1962 pour faire place à la caisse populaire Saint-Frédéric, la maison du docteur Gill, rasée vers 1920 au profit de la Banque provinciale du Canada, et le Bureau d’enregistrement, érigé en 1861 et détruit pour cause de vieillesse en 1958.

Les autres immeubles érigés en front sur la rue Heriot subsistent toujours, mais ont pour la plupart subi des altérations telles qu’ils ne correspondent plus à leur état d’origine. C’est le cas notamment de la résidence du juge Marier, de la boutique de la Southern Canada Power et de la succursale de la Banque canadienne de commerce, qui ont souffert toutes les trois des effets du temps et de l’engouement général pour la modernité.

Aux bâtiments débâtis et à ceux défigurés par l’esthétisme contemporain, s’ajoutent ceux qui ont été la proie des flammes à une époque ou à une autre. Notons, par exemple, la deuxième église catholique Saint-Frédéric, consumée en 1899, puis la troisième, calcinée le soir de Noël 1921 avant d’être ressuscitée dans sa forme actuelle et son style néogothique, ainsi que le premier hôtel Manoir Drummond, parti en fumée en 1927 avec ses deux tours d’angle qui lui conféraient des allures de château médiéval.

Le premier hôtel Manoir Drummond, vers 1910. (SHD, Fonds Claude Verrier ; P13)

Finalement, la disparition de quelques arbres centenaires, vénérables témoins silencieux de notre passé commun, coupés en 1962 après avoir bravé les tempêtes de l’industrialisation, les booms démographiques, l’étalement urbain et les cures de rajeunissement du centre-ville, complète la transformation physique du «vieux Drummondville». Le retrait de la fontaine des Trois Grâces, qui trônait jadis au centre de l’espace vert, le renvoi de l’antique canon, venu se reposer ici après la Grande Guerre, et le démantèlement du kiosque à musique, contribue également à rendre l’arrondissement du parc Saint-Frédéric d’antan méconnaissable.

Aujourd’hui, bien qu’on ne puisse plus contempler in situ ces éléments patrimoniaux anciens du centre-ville, remplacés depuis par de nouveaux bâtiments qui deviendront peut-être à leur tour notre patrimoine de demain, il est néanmoins possible de découvrir leur histoire et d’aller à la rencontre de nos pionniers grâce aux archives de la Société d’histoire de Drummond.

Le Bureau d’enregistrement, 1958. (SHD, Fonds Journal La Parole ; P89-580800-1)

 

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