Rivière David : 1 000 fois plus de contaminants

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Par Louis-Philippe Samson
Rivière David : 1 000 fois plus de contaminants
Des dizaines de poissons sont morts à la suite d’un déversement de purin dans la rivière David en août. (Photo : archives, Louis-Philippe Samson)

RIVIÈRE. Le déversement de purin, qui a tué des dizaines de poissons, en août dernier dans la rivière David, à Saint-Edmond-de-Grantham, a fait augmenter de plus de 1 000 fois le taux de coliformes fécaux et de présence de la bactérie E. coli dans le cours d’eau.

Ces données ont été obtenues par L’Express grâce à une demande d’accès à l’information, prévue par la loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (A-2.1) du Québec, adressée au ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques.

Rappelons que le 2 août dernier, le ministère de l’Environnement a été alerté par un citoyen et le maire de la Municipalité, Richard Kirouac, à l’aide de la plateforme Urgence-Environnement, que plusieurs poissons de la rivière David gisaient morts en bordure du cours d’eau. À ce moment, un panache de purin était visible dans la rivière tout comme une accumulation d’écume à partir du 10e rang. Les résidents de la municipalité ont aussi senti une forte odeur nauséabonde dans les jours suivant le déversement.

À la suite de ces signalements, Patrick Jeanson, un inspecteur du secteur hydrique et naturel du ministère, s’est rendu sur place pour y mener son enquête. Celui-ci récolte également plusieurs échantillons d’eau pour fins d’analyses. À titre de comparatif, l’eau du robinet de la municipalité compte moins de deux unités formatrices de colonie (UFC) par 100 millilitres (<2 UFC/100 ml) autant de coliformes fécaux que de la bactérie E. coli.

Dans la rivière, en amont du déversement, c’est-à-dire avant celui-ci, cette proportion passe à 21 UFC/100 ml de coliformes fécaux et 28 UFC/100 ml d’E. coli. À la source du déversement, 72 UFC/100 ml de coliformes fécaux et 92 UFC/100 ml d’E. coli ont été dénombrés. C’est en aval du déversement, soit après celui-ci, que les chiffres explosent. Le laboratoire a recensé la présence de 23 000 UFC/100 ml de coliformes fécaux et 29 000 UFC/100 ml de bactéries E. coli. Ces chiffres représentent un taux 1 095 fois plus élevé de coliformes fécaux et 1 035 fois plus fort pour l’E. coli en comparant avec l’échantillon pris en amont.

«Ces résultats montrent qu’il y avait présence d’une grande concentration de ces microorganismes dans l’eau de la rivière échantillonnée dans le panache du purin. Cependant, selon les constats de l’inspection réalisée le 10 août 2022, il n’y avait plus de panache de purin ni de poissons morts sur la rivière. La situation était donc revenue à la normale», a indiqué Sophie Gauthier, porte-parole régionale au ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques.

Le ministère de l’Environnement qualifie l’eau utilisée pour les usages récréatifs comme très mauvaise lorsque le taux de coliformes fécaux dépasse les 1 000 UFC/100 ml. À l’opposé, cette qualité est jugée excellente à moins de 20 UFC/100 ml et bonne entre 21 et 100 UFC/100 ml. La baignade et les autres contacts avec l’eau sont compromis lorsque ce taux dépasse les 200 UFC/100 ml.

Responsable inconnu

L’enquête a mené à la localisation du déversement, mais n’a pu déterminer avec certitude qui en est responsable. Au cours de son investigation, le 2 août, l’inspecteur Patrick Jeanson a identifié une zone d’environ 10 mètres sur 10 mètres, à 40 mètres du 10e rang, où se trouvait une forte concentration de sédiments au fond de l’eau, qui avait une couleur orange brunâtre, et dont une puissante odeur de purin émanait. Selon l’état des lieux, l’inspecteur du ministère croit que le déversement, de plusieurs milliers de litres, a eu lieu quelques jours plus tôt.

Le 3 août, l’inspecteur a pu rencontrer le propriétaire de la ferme voisine du lieu d’origine du déversement. Ce dernier a répondu aux questions de l’inspecteur et lui a fait visiter ses installations. Selon le propriétaire des lieux, la possibilité qu’une accumulation de plusieurs années ait été relâchée, en raison du bris d’un bouchon d’ocre ferreux, est envisageable. Des traces du déversement étaient observables bien après le ponceau de la rue Notre-Dame-de-Lourdes.

Le lendemain, le purin à la source du déversement commençait à se dissiper. Cependant, l’eau demeurait opaque sur une distance de plus de cinq kilomètres. Aucun poisson vivant n’était visible et l’odeur de purin restait présente dans la municipalité. Le faible débit de la rivière et son parcours parsemé de méandres ralentissaient beaucoup l’écoulement du contaminant.

Après une vérification sur une autre ferme, située sur la route Doyon, en bordure de la rivière David, en amont de la source, l’inspecteur Patrick Jeanson ne peut pas identifier le responsable de la situation avec certitude par manque de preuves probantes. Il signale dans son rapport que des vérifications supplémentaires devront être effectuées. À l’aide de ses observations, l’inspecteur considère qu’un mélange de petit-lait, soit un reste de la coagulation du lait composé de lactose et de sels minéraux, et de déjections animales sont les substances qui ont été rejetées dans la rivière.

Le 8 août, l’inspecteur du ministère de l’Environnement a été informé que le panache de purin avait atteint la municipalité de Saint-Guillaume par l’inspecteur municipal, Alain Laprade.

Le rapport déposé par M. Jeanson stipule que le déversement a été de nature ponctuelle et qu’aucune source active n’a été observée. En dehors de la mortalité des poissons, celui-ci n’a pas constaté de situations semblables chez les batraciens et la faune aviaire.

Le maire de Saint-Edmond-de-Grantham, Richard Kirouac, considère que le déversement est histoire du passé. Des tests supplémentaires ont été effectués dans certains puits artésiens afin de confirmer leur bon état dans les jours suivant l’incident.

«Ça fait un moment que les gens ont recommencé à vivre normalement avec la rivière. La chose qu’on souhaite, mais sur laquelle on n’a aucun contrôle, est que ça ne se reproduise pas. C’est quelque chose que nous laissons entre les mains du ministère de l’Environnement. Ce sera à eux de faire tout en leur pouvoir pour régler ce genre de situation», a commenté Richard Kirouac.

N’ayant pu identifier le responsable du déversement, le ministère invite toute personne ayant des informations à ce sujet à les lui transmettre à l’aide du formulaire de plainte disponible sur le site internet Formulaire – Plainte à caractère environnemental (gouv.qc.ca).

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