Il meurt après avoir appelé le 811

Caroline Lepage
Il meurt après avoir appelé le 811
(Photo : Deposit)

INVESTIGATION. La mort d’un homme qui a été retrouvé sans vie à son domicile de Saint-Germain, alors qu’il venait d’appeler le 811, aurait pu être évitée, selon le coroner Yvon Garneau, qui remet en question le protocole des répondants.

«Je crois humblement qu’il serait judicieux que le présent rapport soit porté à la connaissance des autorités du ministère de la Santé et des Services sociaux dans le but de réfléchir», soumet le coroner, dans un récent rapport qui met en lumière les circonstances de ce décès.

Le 28 février 2022, Panagiotis Karkaselis a appelé à Info-Santé (811) afin de s’informer des mesures à prendre dans l’immédiat, car il ne se sentait pas bien. Ce dernier était déjà suivi par un médecin de famille pour certains problèmes intestinaux.

Le coroner Yvon Garneau a écouté l’enregistrement de cet appel qui a duré six minutes. Selon lui, l’homme de 51 ans a la voix tremblotante durant la conversation. Apeuré et souffrant, il demande à l’infirmière si son mal passera uniquement en buvant de l’eau et en dormant. Il l’informe qu’il est seul dans son appartement.

Vie en danger

L’infirmière, qui considère le cas «dangereux pour la vie», lui répète plutôt d’appeler au 911 afin qu’une ambulance vienne le chercher. Lorsqu’elle lui demande s’il a compris, il répond par l’affirmative. Selon le coroner, il s’agit d’un oui «très timide» qui démontre que le patient n’est pas enclin à aller aux urgences. «On ressent son immense désarroi au bout du fil», décrit-il dans son rapport d’investigation.

À la suite de cet appel, M. Karkaselis n’a donné aucun signe de vie, ce qui laisse présumer qu’il est décédé à ce moment. «Il n’y a eu aucune réponse de sa part que ce soit par texto ou par téléphone», indique M. Garneau.

Le 5 mars 2022, les policiers se sont présentés à son domicile et l’ont retrouvé mort, dans un état indicible. L’autopsie révélera que le quinquagénaire est décédé naturellement des suites d’une hémorragie digestive haute secondaire à la rupture de varices œsophagiennes elle-même causée par une cirrhose hépatique.

«À mon avis, le décès était évitable si d’une manière ou d’une autre, M. Karkaselis avait été vu par un médecin de l’urgence afin que son hémorragie soit arrêtée», écrit le coroner.

Questions en suspens

S’il indique dans son rapport que le protocole de l’infirmière a bien été suivi, M. Garneau soulève plusieurs questions, à savoir si l’infirmière du 811 devait appeler elle-même le 911 en raison du danger imminent pour l’appelant.

«Dans le cas où une personne est soupçonnée de souffrir d’une hémorragie interne au moment où elle parle au téléphone avec un professionnel de la santé sur la ligne 811, existe-t-il des consignes suffisantes permettant de sauver un maximum de vies? La dangerosité d’une hémorragie interne est-elle bien établie et la cueillette d’informations à cet égard est-elle adéquate? L’appel au 911 est-il conseillé et, si oui, dans quels cas? Y a-t-il des circonstances où l’infirmière devrait appeler elle-même le 911 ou, à tout le moins, faire le transfert au 911?», interroge-t-il.

Dans ce cas-ci, il déplore qu’aucune vérification n’ait été faite pour savoir si un proche pouvait intervenir rapidement. «L’infirmière en cause ne se fie que sur la parole du patient au bout du fil qui, pourtant, lorsqu’on l’écoute, n’a pas l’air très convaincu de la nécessité de faire le 911», déplore M. Garneau.

Ce dernier fait finalement un parallèle avec la téléphoniste d’un centre d’aide pour les personnes suicidaires qui prend habituellement l’initiative de communiquer avec la police pour localiser la personne en détresse menaçant sérieusement de passer à l’acte.

 

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