La saga de l’eau potable

Robert Paré
La saga de l’eau potable
Vue aérienne de la ville de Drummondville, 1926. SHD, Fonds Abbé Jean-Noël Laplante ; P78, S2, D23, P11

SOCIÉTÉ D’HISTOIRE DE DRUMMOND. Au début de l’année 1916, la Ville de Drummondville reçoit un avis défavorable du Conseil d’hygiène de la province. L’eau de son aqueduc, pompée de la rivière Saint-François et ne bénéficiant d’aucun traitement, ne répond pas aux normes de qualité.

La Saint-François commence déjà à se transformer en égout à ciel ouvert depuis que les villes riveraines ont commencé à bâtir des réseaux de canalisations qui recueillent les eaux usées et les jettent sans traitement à la rivière. Et c’est sans parler des pulperies qui y déversent leurs déchets.

Pour rendre l’eau potable, le conseil de ville, dont fait partie l’avocat Napoléon Garceau, opte d’abord pour une usine de filtration puis se ravise et signe en mai 1917 un contrat de 70 000 $ avec la compagnie américaine Layne & Bowler pour un système d’approvisionnement par puits artésiens. L’entente prévoit que la firme devra construire une installation capable de fournir 500 000 gallons d’eau par jour avant la fin de l’année.

Forage d’un puits d’eau potable par la société Layne & Bowler, Drummondville, 1917. SHD, Collection régionale ; C1-4.2-11

En début d’année 1918, le volume d’eau fourni par les puits est inférieur au seuil prescrit dans le contrat. La Ville met en demeure Layne & Bowler de respecter le contrat sans succès. Très rapidement, les relations se détériorent et les parties ne se parlent que par l’intermédiaire de leurs avocats. Layne & Bowler est représentée par Napoléon Garceau, qui ne fait plus partie du conseil de ville depuis les élections de janvier 1918, tandis que la Ville est représentée par Joseph Marier. En 1919, la Ville remet 70 000 $ à Layne & Bowler étant donné que le parachèvement des travaux est garanti par une police d’assurance. En 1920, Garceau cesse de représenter Layne & Bowler et se fait élire maire de Drummondville.

Entre 1920 et 1923, le conseil enjoint régulièrement à Layne & Bowler de se plier aux exigences du contrat parce que ses puits ne fournissent pas les 500 000 gallons par jour prévus. À bout de patience, le conseil vote le 23 février 1923 une résolution visant à annuler le contrat. Bizarrement, le maire Garceau est très mécontent de cette résolution et y met son veto. S’il n’était pas maire, on pourrait croire qu’il travaille toujours pour Layne & Bowler! Le conseil lui répond par une nouvelle résolution qui casse son veto. Le maire demeure en guerre contre son conseil sur la question de l’eau jusqu’au moment où il abandonne la mairie au début de 1924.

Usine de filtration d’eau, Drummondville, 1955. SHD, Collection régionale ; IC-2.1F2

Garceau reprend alors du service auprès de Layne & Bowler et, en tant que procureur de cette dernière, offre à la Ville au printemps de 1924 un règlement à l’amiable comprenant une compensation de 26 000 $. La Ville, qui n’a pas beaucoup de choix, accepte ce règlement et débute la construction d’une usine de filtration. Inaugurée en 1926, l’usine aura coûté à peu près le même montant que celui du désastreux contrat avec Layne & Bowler.

Partager cet article