Abolition de la prière aux Communes : «La société a changé» – Martin Champoux

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Par Louis-Philippe Samson
Abolition de la prière aux Communes : «La société a changé» – Martin Champoux
Le député de Drummond Martin Champoux. (Photo: Bernard Thibodeau, House of Commons Photo Services)

LAÏCITÉ. Citant une évolution de la société et qualifiant le geste de pratique dépassée, le Bloc québécois, par la voix du député de Drummond, Martin Champoux, a déposé, mardi, une motion qui demande à la Chambre des communes de voter l’abolition de la prière marquant quotidiennement le début des travaux parlementaires. Le vote aura lieu aujourd’hui.

Le Bloc a profité de ses trois journées de l’opposition pour soumettre cette motion aux Communes. Selon Martin Champoux, c’est une occasion d’actualiser les pratiques parlementaires qui permettrait de respecter les croyances ou non-croyances de chacun.

«En 2022, le portrait de la société a changé. On compte beaucoup plus de religions que lorsque cette pratique a été instaurée en 1877. Il y a beaucoup plus de non-croyants et c’est particulièrement le cas au Québec. La laïcité et la séparation de l’Église et de l’État sont des principes qui nous sont chers comme Québécois. C’est dans cette optique que nous avons proposé cette motion», a commenté Martin Champoux lors d’un entretien téléphonique.

Le Bloc propose de remplacer la prière par un moment de réflexion personnel. D’ailleurs, ce temps de réflexion existe déjà au parlement canadien. Il a lieu après la prière. Le président de l’assemblée le conclut par le mot «Amen».

Chaque jour, à l’ouverture des travaux, le président prononce une prière : «Dieu tout-puissant, nous te remercions des nombreuses grâces que tu as accordées au Canada et à ses citoyens, dont la liberté, les possibilités d’épanouissement et la paix. Nous te prions pour notre souveraine, la reine Elizabeth, et le gouverneur général. Guide-nous dans nos délibérations à titre de députés et aide-nous à bien prendre conscience de nos devoirs et responsabilités (…)».

En juin 2019, le Bloc québécois avait déposé une motion semblable, mais celle-ci n’avait pas été adoptée en raison de l’opposition des partis libéral et conservateur.

«La motion de 2019 demandait un consentement unanime. En ayant déposé la motion dans le cadre d’une journée de l’opposition, nous pourrons en débattre avant de voter. Ça permet une autre approche et c’est pour ça que nous l’avons déposée à nouveau. Il faudra simplement une majorité cette fois-ci pour qu’elle soit adoptée», a expliqué M. Champoux, qui agit à titre de porte-parole du Bloc québécois en matière de patrimoine, arts et culture, des valeurs québécoises, de vivre-ensemble et de laïcité.

Malaises

Lorsque M. Champoux a déposé cette motion, il dit avoir immédiatement ressenti des malaises de part et d’autre des Communes. Plusieurs députés ont même tenté d’éviter le sujet lors du débat.

«Étant délicat, ce sujet crée assurément des malaises au sein des partis fédéralistes. Ça peut venir toucher une corde plus sensible chez certains, qui l’ont manifesté. D’autres ont tout simplement essayé de dévier la question en disant que ce n’était pas pertinent d’en parler. De façon générale, ça a donné lieu à des discussions, somme toute, assez intéressantes. On saura concrètement comment ça a été reçu à la conclusion du vote cet après-midi», a témoigné Martin Champoux.

Martin Champoux et le Bloc s’inquiètent du signal que peut envoyer une prière à la population. D’ailleurs, excepté la prière, aucun autre signe religieux n’est présent dans l’enceinte du parlement.

«Il y a beaucoup de différences entre les pratiques et les coutumes du Québec et du Canada. Cependant, il y a une chose qui est commune dans ce pays et au Québec : lorsque nous devons traiter de sujets délicats, comme l’avortement, dont on entend plus parler en ce moment, nous sommes en mesure de les traiter avec indépendance. Le fait de réciter une prière avant l’ouverture de la Chambre peut envoyer une impression de biais de la part du parlement qui devrait, au contraire, être tout à fait neutre», a ajouté le député de Drummond.

D’autres parlements ont mis fin à la prière inaugurant leurs travaux. L’Assemblée nationale du Québec l’a fait en 1976, rejoignant Terre-Neuve-et-Labrador, qui n’a jamais adhéré à cette pratique. En octobre 2021, l’Assemblée législative de Nouvelle-Écosse abolissait à l’unanimité sa prière, par souci que «chaque personne, peu importe la couleur de sa peau, son genre, qui elle aime, sa langue et sa manière de prier, se sente accueillie par le gouvernement».

 

(NDLR : Mercredi après-midi, la Chambre des communes a rejeté la motion du Bloc québécois qui proposait d’abolir la prière lue en chaque début de séance et de la remplacer par un moment de réflexion personnel laissant davantage place aux choix et aux convictions de chacun.)

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