Autoroute 20 : un ingénieur met en doute la méthode de forage

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Par Louis-Philippe Samson
Autoroute 20 : un ingénieur met en doute la méthode de forage
Selon l’ingénieur Steeve Larivière, la méthode de forage choisie par la firme d’ingénierie affectée aux travaux sous l’autoroute Jean-Lessage était inadéquate. (Photo : Gracieuseté)

AUTOROUTE. Un ingénieur spécialisé en technologies sans tranchée remet en cause la méthode de forage utilisée sous l’autoroute 20 à Drummondville qui a causé l’affaissement du 23 avril et le chaos routier qui a suivi.

Steeve Larivière est un ingénieur qui cumule plus de 23 ans d’expérience dans le domaine du forage en travaux de génie civil et minier. Il est aujourd’hui président de l’entreprise NOEX ingénierie sans tranchée basée à Saguenay. Selon ses observations du fil des événements, il ne peut conclure autrement que la méthode utilisée pour creuser le tunnel, qui devait accueillir la conduite d’eau, allait inévitablement mener à un affaissement du sol.

Il est à noter que le mandat de l’installation de la conduite d’eau avait été donné par la Ferme des Voltigeurs.

M. Larivière croit que la méthode de forage directionnel a été retenue pour les travaux qui ont eu lieu à Drummondville. Cette méthode demande de forer un trou plus grand que la conduite qui doit y être installé. Ainsi, le sol cherche naturellement à combler le vide créé; ce qui aurait mené à l’affaissement. Puisque le sol à l’endroit de l’incident serait un sol granulaire et saturé d’eau, ce n’était qu’une question d’heures avant que l’affaissement ne se produise, selon l’ingénieur.

Steeve Larivière est ingénieur et président de NOEX ingénierie sans tranchée. (Photo : gracieuseté)

«Malheureusement, ce qui est arrivé était à prévoir. La préparation faite par les ingénieurs au dossier n’était pas adéquate. Le forage directionnel est à proscrire lorsqu’il faut passer sous des infrastructures sensibles, comme les routes ou voies ferrées. Ça aurait pu être fatal avec le nombre d’automobilistes qui passent par-là», a affirmé Steeve Larivière, qui a lui-même joint L’Express.

La méthode par fonçage aurait été plus appropriée selon l’ingénieur saguenéen. Celle-ci consiste à marteler une gaine de métal à travers le sol sans retirer de matériel au préalable. Une fois la gaine entièrement installée, la terre à l’intérieur de la gaine est évacuée pour laisser place à la conduite. Steeve Larivière indique que les techniques sans tranchée ont un taux de réussite pratiquement parfait lorsqu’elles sont bien effectuées.

«Il existe d’autres techniques qui auraient pu fonctionner, mais, normalement, le fonçage aurait dû être envisagé. Encore là, il y a une ingénierie à faire pour designer la gaine en fonction des contraintes du sol, des véhicules qui passent sur la route et autres variables», a ajouté M. Larivière, qui n’exclut pas la possibilité de formuler une plainte à l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ).

Des normes pas assez strictes

Ce dernier croit également que les normes du ministère des Transports du Québec (MTQ) ne sont pas assez strictes quant à ce type de travaux et laissent place à l’interprétation. «Les normes du MTQ encadrant ce type de travaux sont minimalistes et généralistes, ouvrant ainsi la porte à des techniques de réalisation non appropriées aux conditions des sites. Il est important de savoir que d’autres propriétaires d’infrastructure ont des protocoles d’ingénierie mis en place pour la réalisation de la conception d’une traverse par technique sans tranchée. Ces protocoles assurent ainsi le maintien en service de l’infrastructure à traverser ainsi que la sécurité du public», a-t-il informé.

De son côté, l’Ordre des ingénieurs du Québec ne fera pas de commentaires sur cet incident particulier. Cependant, l’OIQ a précisé, dans un échange de courriels avec L’Express, avoir déjà «enclenché l’application de certains de nos mécanismes de protection du public. En effet, l’Ordre a dépêché dès lundi un enquêteur/vérificateur qui s’affaire présentement à rencontrer tous les intervenants concernés par cet incident et à recueillir les documents pertinents pour étudier le dossier.»

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